Difficile de dire à quel point son dernier séjour sur Terre avait perturbé la Princesse de Sylvandell. Elle y avait fait une rencontre phénoménale, tout simplement hors du commun. Elle avait réalisé, d’une part, que ce qu’elle pensait savoir sur sa mère était en partie faux, et aussi, d’autre part, que sa famille ne se limitait pas qu’à son père. Elle avait en effet retrouvé sa tante, et sa cousine, qui lui ressemblait, selon les dires d’Oberyn, comme deux gouttes d’eau. « Autant qu’une fesse gauche ressemble à sa fesse droite », aurait probablement dit les soldats de son père. Même Alice avait du avouer qu’il y avait une forte ressemblance physique. Cette rencontre l’avait empêché de dormir toute la nuit dans sa chambre d’hôtel, où elle se tournait et se retournait dans le lit, envahie par des émotions et des sentiments contradictoires, certains avouables, d’autres plus sombres...
La joie, cette joie naturelle qu’on ressentait quand on revoyait (ou voyait, plutôt) des êtres proches. Quoi qu’on puisse en dire, la joie avait été le sentiment dominant, car elle allait enfin pouvoir répondre à des questions auxquelles elle n’avait jamais eu de réponses. Qui était sa mère ? Pourquoi était-elle morte ? Ces questions avaient marqué la Princesse, et elle allait enfin pouvoir y répondre. Outre ça, elle était tout simplement heureuse d’avoir de la famille, une cousine qui avait l’air de ne pas ressembler à une barbare sanguinolente, mais à une jeune fille frêle et gracieuse, comme elle. Elles avaient tant de choses à se raconter !
La tristesse, car elle avait été dans l’ignorance de cette partie de sa famille pendant une vingtaine d’années. Il y avait de quoi s’en sentir nostalgique, pour toutes les fois où Alice s’était désespérément sentie seule au monde, avec un père qui ne l’avait jamais compris. Tout était maintenant plus clair : Alice avait l’air de ressembler énormément à sa mère, et Tywill, son père, avait du se sentir coupable en voyant sa fille, cette fille qui lui rappelait constamment cette femme qu’il avait brisé, qu’il avait violé... Alice était sûre qu’Oberyn n’avait pas tout dit, qu’il avait volontairement omis les détails les plus sombres. Comme il l’avait dit, c’était une autre époque, un autre contexte, mais ça ne les rendait pas moins responsables pour autant. Oberyn, Tywill... Ils étaient tous responsables de la mort de la mère d’Alice, et il avait fallu que cette dernière tombe enceinte, qu’elle s’accroche désespérément à la vie, jusqu’à pouvoir mettre cet enfant au monde. Alice n’était pas née par amour, et sa cousine et sa tante le lui avaient rappelé. Elle avait donc pleuré dans son lit, de joie et de souffrance.
La jalousie envers sa cousine, car, contrairement à la Princesse, cette dernière avait pu bénéficier d’une mère. Elle avait pu avoir des câlins maternels, et non pas à travers des servantes qui étaient généralement plus terrorisées qu’autre chose, elle avait pu goûter à la joie de cet amour sincère et honnête, l’amour d’une mère envers sa fille. Ce n’était pas un sentiment avouable, mais Alice l’avait pourtant ressenti. Bien sûr, ce sentiment n’était pas dominant, mais était tout de même là.
Sa nuit fut donc agitée et longue, et elle se réveilla aux premières lueurs, chose assez inhabituelle pour elle, et qui surprit Oberyn. Le Commandeur avait peu dormi, également préoccupé, et était rentré de la boulangerie en bas de l’hôtel, apportant quelques viennoiseries. Il avait vu Alice debout, ou, plutôt, assise sur le lit, l’esprit perdu dans le vague. Ses yeux rougis témoignaient du fait qu’elle avait pleuré, que ce soit de joie ou d’autres choses. Oberyn était un guerrier réputé, quelqu’un qui avait de l’esprit et de la culture. La seule chose qu’il avait dit de la matinée, c’était d’y aller.
Ils retrouvèrent Adriana et Kariska sur une place. Oberyn avait tenu à laisser une nuit s’écouler, le temps que chacun rentre de son côté, et analyse la situation. Ils avaient ensuite emprunté l’un des nombreux portails disséminés dans la ville, prenant celui qui se trouvait dans un entrepôt désaffecté. La porte fermait mal, et le portail était dissimulé dans une petite pièce sombre au fond d’un couloir. Il était invisible en temps normal. Oberyn sortit une étrange fiole, l’ouvrit, et la balança devant lui, envoyant une espèce de poussière qui matérialisa une espèce de vortex bleuâtre.
« Ce portail nous amènera à Sylvandell, à proximité de la Griffe. »
Alice avait profité de cette soirée pour offrir à sa cousine et à sa tante un livre présentant sommairement Sylvandell et l’Empire d’Ashnard, afin de leur permettre de se repérer plus facilement. Oberyn était passé en premier, et Alice avait tenu la main d’Adriana, en lui souriant délicatement. Elles avaient peu de valises. Le Commandeur leur avait dit de porter peu de choses, au moins au début.
« Allons-y... » lâcha Alice avec un léger sourire.
Les trois femmes passèrent à travers le portail, et arrivèrent presque instantanément de l’autre côté. L’entrepôt avait totalement disparu, laissant place à un superbe paysage montagneux. Un vent frais vint leur fouetter le visage. Il y avait d’immenses montagnes partout, et un grand soleil était en train de paresseusement se lever. C’était l’aube à Sylvandell, et le Portail se trouvait sur le sommet d’une montagne. Il y avait de l’herbe, et Alice s’avança lentement, rabattant quelques mèches de cheveux en arrière.
Depuis la montagne, on pouvait voir, au loin, les tours de la partie haute de Sylvandell. Alice tendit le doigt.
« Sylvandell est là-bas ! »
Des dragons volaient déjà dans le ciel, poussant parfois des rugissements. Le soleil se levait. C’était une vue magnifique. La Princesse adorait l’observer avec Sakura. C’était une pratique courante à Sylvandell, que du faire du camping dans les hauteurs pour des couples, et faire ensuite l’amour en se reposant en voyant le soleil se lever. Alice se retourna vers Adriana et Kariska. Pour des citadines, ça devait leur faire un choc.
Deux chevaux ne tardèrent pas à approcher. Alice sourit, reconnaissant Éclipse, ainsi que le cheval d’Oberyn, Joeggurn. Éclipse se rapprocha d’Alice, frottant sa crinière contre sa tête.
« Brave Éclipse, lâcha Alice, tu m’as fidèlement attendu. »
Alice se tourna alors vers Adriana et Kariska.
« Ma tante, je vous suggère de monter avec Oberyn. Je vais prendre Adriana avec moi. »
Dans sa petite tête, Alice se demandait aussi ce que Sakura penserait lorsqu’elle verrait sa femme lui annoncer qu’elle avait trouvé une cousine et une tante égarées sur Terre. Ce n’était pas banal, mine de rien ! Alice se rapprocha d’Adriana. Éclipse avait sa selle. Les deux chevaux avaient attendu ici toute la nuit que leurs propriétaires reviennent.
« Tu as déjà monté à cheval ? »