En attendant que Yuri termine son ascension, tu t'étais reculé du bord et avait attaqué ton entraînement personnel. Ce n'est pas tout d'avoir une puissance au-dessus de toute logique, encore fallait-il en rester maître. Au programme, abdominaux, pompes, flexions-extensions, quelques passes de combat à mains nues qui brassèrent beaucoup d'air, re-abdominaux et re-pompes. Il n'était plus très loin, tu l'avais entendu crier sa volonté d'en finir. Il pensait qu'après ça, la suite était une partie de plaisir. Mais tout dépendait de lui, en réalité. Après une heure et quart, ses mains atteignaient le sommet: il n'avait ni renoncé, ni succombé aux lois de la gravité. Il ne s'en était pas rendu compte, mais après l'effort, tous se muscles étaient tendus. Tu aurais pu prendre des pincettes avec ce simple mortel, et tu étais prêt à le faire, à partir de là. Mais...
"J'ai pas...la...réponse...Pfou! ...Mais...cela...doit être...très faible."
Il avait échoué cette partie là. dommage pour lui, elle avait autant d'importance que sa petite grimpette. Lorsque tu repris ses mots, ton ton témoignait plus d'agacement que d'ironie.
"Très faible, en effet."
Tu lui avais dit de ne pas s'égarer de son objectif, et il avait failli. Tu lui donnais donc une démonstration du sort de coercition mentale, en envoyant directement à son esprit des images de Yuri, crucifié à un mur sous un soleil brûlant, son sang ruisselant de ses paumes et de ses pieds, transpercés par d'épais et larges clous. Et des voix, nombreuses, murmuraient, et criaient dans sa tête un vrai mage doit garder un esprit lucide dans un corps solide, quelle que soit la situation. L'avantage de ce sort est qu'il suffisait d'un contact visuel pour atteindre sa cible si elle ne savait pas élever de barrières mentales. De plus, on pouvait infliger les pires tortures, la douleur venait, mais on ne pouvait pas y succomber. Ce n'était que l'inconscient qui était persuadé de la souffrance, elle n'existait pas vraiment.
"Ne t'évanouis pas, petit."
Ce n'était pas une marque d'affection, plus une injonction. Tu lui avais dit qu'il devait repousser les limites de son corps à chaque instant, et il devait le comprendre. Il ne s'agissait pas d'un jeu, c'était vivre ou mourir. Qu'importait qu'il te haïsse, qu'il t'admire, tu l'avais pris pour élève et il t'avais pris pour mentor.
"La réponse était zéro. Personne n'a jamais su combien Zeus avait eu de maîtresse, mais Moïse n'a jamais embarqué d'animaux sur l'Arche, c'était Noé. Si tu avais bien réfléchi à ma question, tu aurais su y répondre avant de grimper cette putain de falaise! Ton enseignement n'est pas gagné."
Tu jetais sur lui un œil expert. Déjà fatigué, au premier exercice du premier jour. Ce qu'il voulait, c'était être un mage, et il n'avait même pas les bases. Tu compris alors comment organiser l'entraînement: le matin le corps, l'après-midi, l'esprit. Pas l'un et l'autre, mais plus de l'un, et plus de l'autre.
"T'as dix minutes pour t'étirer et te reposer. Ensuite, on ira chasser le petit-déjeuner. Ne néglige pas le temps que je te donne, il est précieux."