[terminé !] Correspondance [PV]

MARDI - 23H40

Pas bien faignant, ce dimanche. J'ai passé la journée à écrire. Un peu pour donner des nouvelles à tout le monde, et beaucoup pour mes prochains cours. Je me suis dit que c'était la chose à faire : tant qu'à revenir autant le faire sur tous les fronts. De toutes façons ça fait trop longtemps que je gardais le silence épistolaire. Pas plus mal : la dernière lettre que j'ai écrite était pour Liam, et elle n'avait rien de gentille. J'espère qu'il ouvrira celle que j'ai envoyée hier. Mélinda et Gabriel complétant le tableau en direct, il ne reste finalement plus qu'une personne : Kyle.

Mais pas encore de Kyle... Je dois vraiment me retenir, d'ailleurs je ne suis pas passée loin de la faute. J'ai fait un tour en ville dimanche. Et comme par un heureux hasard je suis passée dans le quartier où il habite. Le sort a voulu que je me laisse arrêter par la soif dans un bar qui a la bonne idée de donner sur son immeuble. Et je me suis laissée emporter par l'ambiance un petit moment, jusqu'à le voir passer dans la rue, un sac de sport à la main, pour rentrer chez lui. Heureusement que... Arrête de te mentir, Hitomi ! T'as tout calculé et t'as passé trois heures à rembarrer des poivrots ! Ne pas courir te jeter sur Kyle quand tu l'as vu est la seule chose intelligente que t'aies faite !... Ou pas !

Je déteste penser en "ou pas". Et je déteste les les gens qui disent "ou pas" à tous bouts de champs. C'est la demi-mesure du doute, le "ou pas". Je ne veux pas revenir vers Kyle en pleine forme ou pas ! Y'a pas de "ou pas" ! Je veux... Non ! Je vais revenir vers Kyle tellement rayonnante qu'il en aura mal aux yeux ! Maintenant que je suis de retour, que j'ai compris qu'en prenant soin de moi je pourrais mieux prendre soin des autres, je compte bien briller plus que le soleil. Et si je recommence à faire un peu de sport pour prendre soin de mon corps, c'est aussi pour plaire au sien. À celui des autres aussi, je suis comme je suis. Mais surtout à Kyle. D'ailleurs il avait l'air en forme, lui aussi... Ça me donne encore plus envie de le revoir ! Je vais craquer !

En attendant : Kysemapri.

TO : Kysemapri
FROM : Brigit Dé Dânann

YOUR TEXT :
Kysemapri,
d'abord j'espère que tout va bien même si ta vie est remuante. J'espère aussi que tu as réussi à conserver ton intégrité physique, moi je recommence à prendre soin de la mienne 

Et je te promets d'être gentille avec lui en lui mettant mes défauts sur les épaules. La dernière fois je m'y suis vraiment mal prise. Il n'y a pas vraiment de bonne façon de s'y prendre, mais si j'avais voulu le faire fuir je n'aurais pas trouvé mieux. Mais au moins il sait et il a déjà réagi. Et ce qu'il m'a dit ce jour-là n'était pas non plus facile à entendre. On s'en est rendus compte trop tard, c'est pour ça que je préfère qu'on digère ça chacun de notre côté. Mais je ne peux qu'espérer qu'il voit aussi les choses comme ça. Parce que je suis peut-être en train de tout torpiller en le laissant se rendre compte qu'il n'a pas besoin de moi.

En plus j'ai peur d'avoir fait une énorme boulette. Il m'a envoyé un message, vraiment rien d'extraordinaire (enfin, pour moi ça l'était). Mais le message est arrivé en pleine nuit et je ne m'en suis rendue compte qu'au bout du semaine, en faisant le ménage sur mon portable. Je n'ai pas osé répondre au bout d'une semaine, d'autant que je ne savais pas vraiment comment le prendre. Sans me faire retomber en dépression, ça me met vraiment le doute.

D'un autre côté je ne veux pas qu'on se remette ensemble par téléphone. Je veux qu'on se voit.

Tu vois, je ne suis pas la femme parfaite. Je me suis juste rendu compte que rien n'est acquis. Les hommes trop confiant c'est bon pour fantasmer. Je préfère de loin mon homme avec ses défauts et ses doutes. Sinon quoi ? Mon mec parfait mène sa petite vie pendant que je l'attend gentiment et que j'en profite pour passer voir le chirurgien esthétique ? Comme dans la nouvelle de l'autre tâche.

Et tu remarqueras que j'ai bien écrit "mon homme", et pas "mon ex". Quand je te dis que je suis motivée 

D'ailleurs je te préviens que le jour de l'interview je ne compte laisser personne profiter de mon appétit... Personne à part mon homme, parce que dès que j'aurai répondu à ta dernière question je filerai m'occuper de lui. Et pour bien tempérer tes ardeurs de ce côté-là je te mets une méchante 

Même si je te remercie franchement de m'ouvrir Dark Ages ! C'est beaucoup mieux que ce que j'espérai (sans vouloir critiquer l'OVNI... En fait si, désolée) ! C'est vraiment génial et tu as toute ma gratitude ! Mais pour que tu ne te fasses pas d'illusions je te remets la tête méchante 

Vu l'heure qu'il est, je pense qu'on peut lancer de décompte : J -11 

Désolée, mais juste pour être sûre 
Birigit

Il ne va même pas commencer à lire quand il verra les trois têtes méchantes. Et si je trompe pas Kyle avec un autre journaliste, un de ses collègues en plus, ce sera déjà ça. Je me sens quand même mal. La très grandes majorité des mecs que je me suis tapés n'a pas fait grand-chose pour moi, à part me faire jouir. Lui, il est là pour moi depuis déjà un petit bout de temps. Mais je ne pourrais défendre mon tempérament de feu devant Kyle si je me tape un autre homme une heure avant de lui courir à près. Même si mon confident virtuel a bien mérité quelques petits jeux bien réels.

Je ferme les yeux sur des choses que je ne veux pas encore voir, et j'espère quand les rouvrant ces choses seront bien là.

JEUDI - 17h28

Mon rendez-vous s'était plutôt bien passé et j'étais assez confiant pour la suite. Revenu plus battant que jamais, j'avais fais jouer mes quelques pauvres contacts glânés au fil des semaines à servir le café dans les bureaux de l'OVNI et m'étais décidé à prendre mon avenir professionel en main. Servir le meilleur expresso de toute cette partie du Japon avait eu le mérite de faire se délier quelques langues non loin de mes oreilles et j'avais sû qui appeller et à quel moment. Grâce à la sollicitude de Jet qui avait fait de moi son padawan, j'avais pû montrer ma détermination et la qualité de mon travail et j'envisageais de plus en plus sérieusement de quitter mon journal miteux pour un magazine d'une plus grosse envergure. Publier Brigit sur Dark Ages allait être mon défi absolu : si je parvenais à être convaincant alors que je "volais" cet honneur grâce aux coups de fil de Jet, je m'ouvrirais de grandes portes. Mais si je me plantais...

C'était dans ces moments là qu'Hitomi me manquait le plus, quand je ressentais le besoin qu'on me pousse vers l'avant. Elle ne me quittait pourtant jamais, les heures et les journées s'égrainant au rythme du passage de son visage devant mes yeux. Mais j'étais résolu à y arriver sans elle, pour lui prouver que je n'étais pas oisif, que j'étais ambitieux et que j'avais compris que Kyle valait autant que Prime. Si "Brigit" apprenait l'importance très particulière qu'allait avoir son interview dans ma vie (et ce à de trèèèèès nombreux niveaux), je craignais qu'elle ne ressente la pression. Alors je m'étais décidé à lui cacher, me jurant que seule Hitomi apprendrait le fin mot à propos de Dark Ages et de ses conséquences.

J'avais passé ma semaine à cavaler ça et là pour pondre divers articles et pour rencontrer quelques personnes nécéssaires à la suite de l'organisation de ma petite vie et avait décidé de mettre un temps de côté ce drôle de dimanche et la renversante rencontre avec Ciara. C'était déjà assez déstabilisant comme tête-à-tête, autant ne pas le laisser prendre trop de place. Ciara et moi serions rapidement amenés à nous revoir de toutes façons.
J'étais rentré du tournoi assez retourné, trop pour aller prendre un verre au petit bar tout en face de mon immeuble comme j'aimais à le faire de temps en temps. Dommage, leur jus de mangue était tout simplement divin. Et les jours s'étaient enchaînés, me menant à ce jeudi où je pris le temps après mon dernier rendez-vous d'aller sur mon ordi' pour autre chose que le boulot, découvrant avec plaisir le message de Brigit.
Bien entendu, je lui livrais une réponse dans l'immédiat.

TO : Brigit Dé Dânann
FROM : Kysemapri

YOUR TEXT :
Brigit,
Oui, tout va bien ! Mon bras et mes côtes me font un mal de chien, mais j'ai fais des rencontres plutôt... brutales en quelques jours. Rien de bien méchant, mais j'envisage sérieusement de prendre un peu de repos. La semaine à venir, peut-être. On verra ! Content que tu prenne soin de toi, par contre !

C'est vrai, tu prends un pari risqué si tu le laisse végéter et se reconstruire de son côté sans qu'il ne t'inclues plus dans l'équation. Je gage que ce que vous vous êtes dit n'a pas été agréable à entendre et à avaler et peut-être même que certaines douleurs sont encore là... Mais tu n'en sauras rien si tu ne te décide pas à lui tomber dessus ! Et puis, tu sais comme moi que certaines blessures ne peuvent se guérir qu'à deux. Un long traitement à base de je t'aime, de câlins et d'attentions tendres :p

Si cette histoire de sms te mets vraiment le doute, pourquoi ne pas lui répondre ? J'ignore ce qu'il t'a envoyé, mais pourquoi ne pas répondre sur le même mode, sur le même ton ? Sous couvert de politesse, tu tâteras le terrain doucement... Comme une lionne prête à bondir depuis les herbes ! o/

C'est drôle que tu parle de Fox, tiens. Si tu savais le nombre de lettres qu'on a reçu pour le menacer de mort ! Si certaines le félicitaient, la plupart lui promettaient un sort plus funeste que ceux que le Comte Gris proférait à l'encontre de celui qui oserait toucher à "sa" Danu... C'est dire ! :p Nous avons coupé tout les liens avec lui pour éviter les mauvaises retombées, mais je n'ai pas pû m'empêcher de penser à toi : dans une lettre arrivée plus tardivement, on vantait "I'M A SHADOW" pour son réalisme. Je te ferais parvenir la lettre, qui disait que l'auteur du texte avait l'air d'avoir vu "la lumière s'éteindre autour de cette ombre". Et en y repensant, je ne crois pas t'avoir jamais reparlé de la nouvelle et c'est vrai qu'elle est pertubante, ta vision est assez interessante.... Intime, même. Du moins, ta plume en donne l'impression. Me diras tu si il y a une sorte de vécu ?

Ouiiiiiii ! "ton homme" ! Hmm... Je vais être jaloux :p

Et le pire, c'était que je l'étais presque ! Heureusement que je savais à qui elle s'adressait, même si tout ça prêtait à confusion.

Haaaaan, une méchante tête ! Tu oserais me priver ? Après m'avoir raconté tout ça.... Nous voilà au supplice de Tantale ? Voilà une tête de protestation !  é_è

Pour Dark Ages, il va falloir que tu y mette du tien... <3 Plus sérieusement, pense à prendre quelques extraits de tes nouvelles que tu penses être les meilleurs ou les plus représentatifs de ton oeuvre et fais toi belle ! Je ferais quelques photos pour illustrer l'interview. Et puis.... é_è

Si je ne m'abuse... J-8 à l'envoi de ce même mail ! J'espère qu'il te trouvera en forme et toujours aussi amoureuse

Pour fini, re é_è
K.

Tout ce que je commence à espérer, c'est qu'elle ne prendra pas Casey pour l'auteur de ces mails. Parce que je vous jure que si elle se laisse toucher par ce... machin, je m'arrache les yeux pour ne plus jamais la regarder ! Et je me couperais les mains pour ne plus être tenté de la toucher ! C'est un jeu dangereux, cet échange de mails. Et c'est terriblement excitant à la fois que de se redécouvrir comme si c'était la première fois.
Mon Dieu... Faîtes que je puisse me retenir de virer tout le monde pour lui faire l'amour sur la première table venue. Et si vous envoyez des anges pour se faire, apprêtez des cohortes complètes. J'ai terriblement envie d'elle.

En attendant, je vais conserver mon portable près de moi.
Pour le cas où je recevrais un...hm..."bonjour diplomatique" ?

VENDREDI - 18h32... 18h33...

Je l'appelle ou je ne l'appelle pas ? Ou je lui envoie un message ?... Non, il ne vaut mieux pas. Il m'a envoyé ce message à cinq heures du matin, il a dû le faire sans réfléchir. Il a dû s'en vouloir aussi... Il doit croire que je le déteste et que je veux plus revoir, parce que je ne lui ai pas répondu... Je dois - Non ! Je ne dois pas !... Et s'il avait tiré un trait sur moi ? La dernière fois que je l'ai vu il avait l'air d'aller bien, enfin de loin. Et s'il s'était remis pour réalisé qu'il n'a pas besoin de moi ? Que finalement ce qu'il y avait entre nous... Lui non plus n'est pas venu me chercher. Et s'il ne m'attendait plus ?... Kysemapri, enfoiré ! Comme si ça ne me travaillait pas assez il a fallu que tu en rajoutes ! Kysemapri de lui parler de tout ça ?... Et Kyle aussi. "Coucou", sans rien d'autre. Qu'est-ce que je suis sensée faire de ça ? Surtout après tout ce temps !

Ça fait plus d'une heure que je suis rentrée, que je suis assise dans ma chambre, ou plutôt effondrée sur une chaise, à taper nerveusement du pied en fixant mon portable dans le blanc des yeux. C'est pas bon, je m'écroule à nouveau. C'est l'amour de ma vie, bordel ! Je voulais tenir jusqu'à l'interview avant de revenir vers lui. Brigit est née de notre rupture, d'une certaine façon je voulais l'accomplir toute seule comme une grande. Lui il n'a pas eu besoin de moi pour devenir Sentinel Prime... Mais il ne l'ai plus, à cause de moi. Et je commence à craindre de revoir le costume rouge et bleu aux infos. J'ai peur de finalement me rendre compte que je n'ai été qu'un passage à vide dans son existence. De devoir accepter que c'est mieux ainsi.

Tous ces efforts pour revenir à la case départ, si près du but !

Je me suis démenée comme jamais pour rattraper mes conneries. J'ai dû remonter le plus loin possible, jusqu'à la mort de ma grand-mère, et refaire tout le chemin. J'ai dû tomber tellement bas que je n'avais plus que de la haine pour le monde entier. J'ai dû tenir le cap pour ne pas pousser Gabriel à m'abandonner. Il a fallu que j'affronte Mélinda une fois de plus. Et pire encore : il fallu que je soutienne le regard d'Akira, dont la vie a été irrémédiablement gâchée par ma faute. J'ai dû faire avec le poids grandissant de milliers de victimes que Sentinel Prime n'est plus là pour sauver. Il fallu que j'assume, et que j'accepte que certaines chose ne pourraient jamais m'être pardonnées. Ni par les autres, ni par moi-même. Et j'ai quand même réussi à me relever et faire face, sans me laisser aller à colère. Il ne manquait plus que Brigit, la dernière petite chose à assumer, le point final avant de passer à la suite.

Le danger ne pouvait plus venir que d'elle.

Je serre les dents. Je plaque mon téléphone sur la table en me félicitant de ne pas l'envoyer se fracasser contre un mur. Et je prends un peu de temps pour respirer, me calmer. Les derniers mètres sont toujours les plus longs. J'aurai eu les mêmes doutes sans qu'on ait à me les souffler à l'oreille. Et bizarrement je repense à Kudo-kun, à ce que je lui ai dit sur la détermination. Mon but est là, tout près de moi, il ne m'a jamais quittée. Je me suis trop perdue avant de retrouver ma route, elle doit être sans détour.

TO : Kysemapri
FROM : Brigit Dé Dânann

YOUR TEXT :
Kysemapri,
repose-toi ! Sinon tu vas arriver à notre interview cassé comme un bossu, et tu ne seras pas à la bonne hauteur pour me prendre en photo. Parce que de ce point de vue tu ne seras pas déçu 

Pardon, j'oubliais que je ne devais pas te donner de faux espoirs 

Je n'ai pas répondu à mon mec et je ne le ferais pas. Si tu veux tout savoir c'est à cause de toi. Ne te fais toujours pas de faux espoirs : je parle de l'interview. Tu dois bien te douter que je n'écris pas sous mon vrai nom, et qu'il en va de même pour nos messages. Brigit Dé Dânann est un épouvantail derrière lequel je me suis cachée après ma rupture, et je m'en suis servie pour me faire publier. Au début c'était plus un moyen de survivre, je pouvais changer de peau un moment et raconter des histoires un peu inspirées de la mienne. Je ne me doutais pas que ça prendrait des proportions pareilles... ce qui a été une bonne surprise 

Je n'ai pas choisi ce nom au hasard, d'ailleurs je n'ai été très subtile. Si mon mec en a seulement entendu parler il a dû s'en douter. Brigit est le nom d'une déesse du Tuatha Dé Dânann, les dieux irlandais. Il sait que j'adore ce genre de folklore. Et s'il a lu ma nouvelle sur Sentinel Prime il a dû arrêter de douter. Parce qu'il y a vraiment beaucoup de vécu. Le mec qui ne se sent pas à la hauteur du super-héros, c'est nous deux et la vision qu'on voulait donner à l'autre. Et la fille qui préfère le plaquer sous de faux prétextes, pas besoin de te faire un dessin. Je ne sais pas pour lui, mais de mon côté j'ai éteint toutes les lumières autour de moi. Mais j'ai réussi à sortir de l'ombre 

Samedi prochain Brigit ne trompera plus personne, et je n'aurais plus besoin d'elle. Je serais vraiment entière à nouveau. Je dois aller jusqu'au bout avant de le retrouver. Et je sais que ce ne sera pas trop tard, puisque certaines blessures ne peuvent se guérir qu'à deux 

Je te ferais un petit assortiment de nouvelles, et même une exclu parce que je suis gentille 

Au fait : aujourd'hui c'est J-8 

Bien à un autre,
Brigit.

Il manque un petit quelque chose...

PS : tu peux être jaloux 

D'accord, je me suis vengée un peu, c'est pas bien. Il va falloir que je trouve à m'occuper pendant la semaine à venir. je sens que je vais encore perdre le sommeil, mais avec le sourire.

DIMANCHE - 15h46

Le palais des expositions de Seïkusu avait fière allure, pour tout dire. C'était un bâtiment immense et très haut de plafond qui pouvait acceuillir plus de cinq mille personnes, dont la moitié au moins était attendue pour la "Book Party" qui se déroulerait dans une semaine. Comme beaucoup de nos confrères, nous avions commencé à monter le stand de l'OVNI à l'avance et c'était toujours là que je me trouvais après tout une demie-journée à cavaler à droite et à gauche, naviguant entre les présentoirs et les structures à installer. Torse nu, je m'occupais des lourdes charges et me laissais mater non sans satisfaction quand je me baladais dans les allées. Tout serait bientôt prêt et nous en avions profité pour faire une pause, Jet et moi. Yukia nous avait rejoint pour nous apporter des bentos (et me proposer de prendre moi-même les photos de sa poitrine que Jet me devait) et nous bavardions tranquillement entre nous, laissant parfois Casey s'immiscer dans la conversation avant qu'il n'aille reluquer les assistantes qui passaient de temps à autres.
Bref, il faisait plutôt bon vivre du côté de ma p'tite vie et vu le sourire que j'arbhorais, c'était plutôt agréable.

- Et toi, Mac' ? Tu ne va pas rester célibataire, si ?
- Tu te propose, Yukia ? Tu m'étonne... Jet est un vieux lourd, non ?
- Heeeeey ! C'est un coup bas, ça ! le voilà qui s'offusque avant de bouder, Yukia venant lui déposer un long baiser sonore avant qu'il n'enchaîne. En même temps, elle n'a pas tort, Kyle ! Il te faut une fille ! Ca fait combien de temps que tu n'a pas.... hein ?
- Ohla.... Je ne me souviens même plus comment on fait, pour te dire !

Nous voilà à rire tout les trois, avant de nous décider à reprendre le boulot tranquillement. Considérant que Jet aimerait bien aller explorer les toilettes avec Yukia, il me laisse libre de mes mouvements. Et vu que Casey est parti sur le stand de manga hentaï à l'autre bout du palais, j'ai le temps de sortir mon pc portable et de profiter de la connection WiFi. Après tout, je n'ai pas pris le temps de répondre à Brigit depuis hier.

TO : Brigit Dé Dânann
FROM : Kysemapri

YOUR TEXT :
Brigit,
Me reposer ? Je ne peux pas ! Voilà que ma vie professionelle prend de la place à son tour et c'est à moi et quelques collègues de préparer le stand de l'OVNI pour le grand jour ! Pas déçu de toi, hein ? On verra, prétentieuse ! :p

Alors tu n'as finalement pas répondu... T'es bien une nana : tu ne sais pas ce que tu veux ! Mais bon, dire que c'est à cause de moi, c'est gonflé ! èé Encore, si tu étais tombée éperdumment amoureuse de moi, je comprendrais... Mais tu refuse mes avances les plus subtiles *tousse* Bon, notre interview sera donc une sorte de conclusion, de nouveau départ ? Soit. Mais pense à le sms après, sinon je t'enchaîne au stand :p
Je n'aurais pas pensé qu'une peine de coeur aussi sévère puisse donner naissance à pareil auteur. Je souhaite que même si tu retrouve ton homme, Danu ne nous quitte pas... Tu me le promets, dis ?

Il t'a possiblement démasquée depuis un temps, oui. Si il te lit ! Ta nouvelle sur SP ressemblait à une sorte de mise à plat, d'expression d'un poids pesant. Je comprends mieux pourquoi, à présent. Tu me diras, si il est parvenu à sortir de l'ombre. Je vous le souhaite, tu es trop amoureuse de lui pour que ça finisse mal. Ebloui le, soit sa lumière !

En attendant de le retrouver lui, tu vas devoir faire la connaissance de ton amant de papier. Et si tu me plais, je te garde pour moi, tant pis lui \o/ On va faire longuement l'amour à une feuille de papier et l'objectif d'un appareil photo, ça va être intense <3

Une exclu, c'est vrai ? Super, j'ai hâte de lire ça ! Si tu me jette pour de bon, j'irais me consoler dans les bras de la jolie Danu, paf.

Ah, que je te prévienne : j'ai énormément de travail, surtout avec le salon qui est tout prêt de commencer. Je t'écrirais peu d'ici à samedi, voire pas du tout. Mais tu me trouvera sur le stand, disons pour...hm... 12H, 13H ? Je nous prendrais de quoi manger Demande Mac', si je ne suis pas là pour t'acceuillir. Ils sauront me trouver, mais il paraît que Playboy Japon sera de la partie, alors... ahem... bref.

Hmm. J'hésite un instant sur la dernière partie que je veux inclure à mon mail, mais je décide de jouer le jeu en n'en disant pas trop. Hitomi doute peut-être de l'identité de Kysemapri et j'ai envie de lui dire qu'elle n'est pas à bavarder avec un autre. Nous nous sommes bel et bien retrouvés par hasard, même si elle l'ignore possiblement.

J'y pense, puisque tu m'a donné l'origine de ton pseudo, je vais te confier celle du mien. Sa signification t'échappera peut-être, mais il est composé des deux premières lettres de noms que j'utilise: Ky Se Ma Pri. Pour trouver, il suffit d'inverser le "ma" et le "se"... Enfin, pour être sur la voie...

J - 6

Jalousement tien,
Ky.

A peine le mail envoyé, voilà Casey qui débarque avec un tee-shirt Sentinel Prime qu'il me montre, un peu comme un trophée. Il m'avait toujours dit jusque là qu'il était SP, mais je l'ai vu dépérir au fil des jours qui ont suivi l'annonce de ma pseudo mort, comme je l'ai vu se mettre en boule à la lecture des conneries de Fox. C'est drôle de voir quelqu'un tenir à vous comme ça, comme c'est drôle de lire sur le tissu bleu et rouge "Il reviendra", suivi de mon logo.

Oui, il reviendra. Ca, vous pouvez y compter.

JEUDI - 10H20

Je suis à la salle informatique de la bibliothèque, et je dois dire que je bute sur mon petit texte. Je ne trouve pas exactement les mots ou les tournures que je veux. Cette fois je me donne autant de mal que pour mes nouvelles, voir plus, mais j'en connais un qui l'aura bien cherché. KY-le SE-ntinel MA-cross PRI-me, "Mac" de l'OVNI. Pourtant je lui ai bien dit que je ne voulais pas le revoir avant l'interview. Il n'a pas pu s'en empêcher, comme le lendemain de notre rencontre quand il m'a accueillie dans la chambre avec son costume rouge et bleu. Je sais à qui je m'adresse depuis déjà un moment, sinon je n'aurai pas osé en parler de cette manière. Une façon de l'avoir sans l'avoir. D'accord, c'est tordu, mais ça a plutôt bien marché.

Le pire c'est quand même de me croire assez bête pour gober son histoire de collègue de boulot, au point de tout décoder dans son dernier message. Et après avoir tué le mystère il continue de jouer le jeu, comme si de rien n'était. Je vais pas me laisser faire, je veux que mon boulet cosmique d'amour tire une tronche de six pieds long le jour de l'interview. Il ne me laisse pas le micro-doute, la petite surprise toute relative qui m'aurait faite sauter au plafond juste parce que ça aurait été tellement plus joyeux. Alors je vais profiter du fait que Brigit Dé Dânann peut encore tromper son monde...

Je dois juste trouver la bonne manière, et vite. Je n'ai que jusqu'à samedi. Et ça doit être énorme sans risquer de lui faire faire quelque chose que je regretterais. J'y vais à petits pas, en imaginant les fins possibles. En me demandant comment faire passer mes confessions à peine dissimulées pour de simples mais troublantes coïncidences ? Et sans lui mentir, pour ajouter au tour de force.

TO : Kysemapri
FROM : Brigit Dé Dânann

YOUR TEXT :
Kysemapri,
tu as tort : les femmes savent ce qu'elles veulent. On met seulement du temps à nous en rendre compte 

J'ai craqué, j'ai repris contact avec mon homme et je lui ai tout raconté. Ça a été plus facile que je ne le pensais, vu qu'il m'avait démasquée comme on s'en doutait 

Bien sûr il reste encore beaucoup à faire avant de vraiment nous retrouver. Mais je n'ai pas été la seule à me démener pendant tout ce temps, finalement je pense que lui aussi en est sorti grandi. Cela dit je l'ai à peine revu, on ne s'est pas parlés en face. Je crois que ça a grandement facilité les choses. Au passage, merci d'avoir été là pour m'aider à reprendre mon courage à deux mains 

Mais j'ai aussi repensé à toi. Depuis quelques semaines tu encaisses mes problèmes sans broncher, tu me remontes le moral, et c'est grâce à toi que j'ai pu enfin retrouver l'homme de ma vie. Ou au moins m'en rapprocher assez pour tout lui dire. Maintenant que les choses vont mieux de mon côté, je ne peux pas m'empêcher de penser que j'ai été égoïste. Toi aussi tu sortais d'une rupture et je ne t'ai même pas demandé comment ça évoluait.

Ça m'a plu de flirter avec toi par boîte mail, mais j'espère que ça n'a pas été une excuse pour garder le silence avec ton ex. J'ai eu de la chance que ma meilleure moitié se soit montrée patiente, et surtout de trouver quelqu'un à qui parler. Tu sais à quel point je suis passée près de tout lâcher. Si j'avais été seule je n'aurais pas eu d'autre choix que de ravaler mes sentiments pour passer à autre chose. Ça aurait vraiment été dommage.

Je ne te dis pas de filer chez elle ventre à terre et de sonner à sa porte avec un bouquet de fleurs. Surtout pas, en fait. Vas-y doucement, fait-lui un petit signe pour qu'elle sache que tu es vraiment prêt à la revoir. Et laisse-lui temps 

En attendant j'ai hâte de pouvoir te remercier en personne de m'avoir aidée, à me retrouver et à retrouver mon homme. J'aurai pas mal de gens à voir samedi mais j'essaierai d'être à l'heure, Mac 

J-2, on y est presque 
Brigit

Qu'est-ce que je suis méchante ! Mais il mérite bien une petite leçon. Et ce n'est pas comme si je lui mentais, je n'essaie même pas de l'embobiner sur son pseudo... J'ai hâte de voir la tête qu'il fera samedi. Mais je ne veux surtout pas voir la mienne.

J'arrive, Kyle... mais à mon rythme...

♪♫♪


JEUDI - 20h30

La pluie battant fort contre la porte fenêtre de mon balcon jouait sur mon humeur depuis une bonne heure déjà et m'être accoudé au verre pour contempler mon quartier et ses lumières tranquilles n'avait pas arrangé les choses. Au contraire, j'en étais venu à approfondir les reflexions qui m'avaient agité depuis la réception dans la matinée du mail de Brigit. M'étais-je... trompé ? Cette rousse née au creux des terres irlandaises à la sexualité débridée et à l'histoire d'amour tragique n'était elle pas la mienne ? Les mots de ma correspondante ne souffraient pas de sous-entendus ou d'humour noir, non. Ils étaient simples et tranquilles, comme sortis le plus naturellement du monde d'une plume virtuelle. Brigit -que je n'arrivais plus à appeller Hitomi- était revenue dans les bras de son homme et ce n'était pas moi. Hitomi n'avait pas fait un seul pas à mon encontre depuis que nous nous êtions séparés chez elle et j'avais eu la détestable impression de m'être emporté, d'avoir idéalisé la petite écrivain du net jusqu'à y trouver le reflet de la femme après laquelle je courrais. Et finalement, j'en fûs à me demander justement pourquoi je poursuivais les pas d'une femme qui semblait avoir fait l'impasse sur moi.

Aimais-je Hitomi, ou étais-je tombé amoureux de notre histoire ? La différence était énorme, toute en nuances. Et à présent, je ne parvenais plus à me souvenir de ce qui me plaisait chez elle. Son corps ? Il aurait plut à n'importe qui, il fallait bien le reconnaître. Son esprit ? Je comprenais enfin qu'elle était nymphomane et que quelles que soient les gesticulations auxquelles je me livrerais, je ne la comblerais jamais vraiment. Son acceptation de mon autre moi ? A la reflexion, je ne lui avais jamais laissé le choix et lui avait imposé un état de fait durant un moment qui serait inoubliable. J'aimais Hitomi, oui. C'est juste que je ne me souvenais plus pourquoi.
Et je commençais à penser que j'avais jusque là poursuivi une chimère que j'avais créé avec mes rêves de gosse, celle de la femme parfaite. Tout était parti entre nous d'un sauvetage et nous nous étions emballés, avions passé une nuit magique dans l'Onsen. Oui... Et après ? On ne se voyait que peu, on ne partageait pas énormément et nous avions fait la guerre plus fort que l'amour.

Les femmes qui m'avaient marqué jusque là, il y en avait eu. Donna, Marie, Héra, Selina, Kara... Ciara aurait tout à fait eu sa place, même vu sa nature. Ororo ? A sa façon. Même Snow Burton, c'était dire ! Pourquoi ne voulais-je qu'Hitomi Yamagashi alors que j'avais d'étonnantes créatures dans mon champ de vision ? La question la plus évidente s'imposa tardivement à moi, m'harcelant une fois qu'elle fût ancrée.
"Et si je ratais la véritable femme de ma vie ?"
J'avais l'impression de voir ces mots s'inscrire dans les sillons que l'eau décrivait sur la vitre de la fenêtre et je ne supportais pas cette idée.

Je trouvais refuge sous la douche, là où j'espérais que les soucis disparaissent avec le savon et l'onde brûlante : dans le siphon. Il n'en fût rien, bien que je me sentis mieux en sortant. C'est là que le destin me joua un petit tour, en faisant sonner mon portable à la reception d'un sms d'un expéditeur qui était sorti de ma vie aussi rapidement qu'elle y était entrée. Avelina Neasa me proposait un rendez-vous.
La première entre toutes à avoir accepté tant Kyle que Prime, c'était elle. Une femme magnifique, au caractère bien trempé. Pourquoi avais-je tant envie de la revoir, à présent ?

Je ne lui répondis pas tout de suite, mais je savais pourtant parfaitement ce qu'allait contenir le sms qui allait filer à son attention. J'avais besoin de me confesser, d'extérioriser.
Pardonnez moi mon Père, parce que je vais peut-être pécher.

TO : Brigit Dé Dânann
FROM : Kysemapri

YOUR TEXT :
Brigit,
Je suis désolé, mais pour une fois je vais te parler de moi. C'est vrai que je n'ai pas pris le temps de le faire, parce que je ne le voulais pas.
Mon ex a moi ne m'a jamais rappelé. Pas un signe, pas l'esquisse d'un mot. Rien. Tu sais, j'aurais voulu qu'elle me contacte même pour me confirmer que j'étais un abominable connard avant de me raccrocher définitivement au nez, mais elle a préféré gardé le silence... C'est pire que tout que de vivre dans l'attente d'un hypothétique "peut-être" auquel on se raccroche bêtement, par amour et par faiblesse. Si j'avais été plus fort, ne serais-je pas parvenu à tourner la page et à aller de l'avant sans elle, la laissant derrière moi comme toutes les reliques de mon passé ?

Quand je regarde mon histoire, je me demande si je n'ai pas perdu plus que je n'ai gagné. J'ai aimé comme un fou cette femme pour qui j'aurais été décrocher chaque étoile de ce putain de ciel sous lequel nous avons fait l'amour la première fois. Je l'aime encore, parce que penser à elle me fait mal. Pourtant, ce que j'ai perdu lors de notre séparation était plus puissant encore que l'étreinte de ses bras. J'y ai perdu une partie de moi-même et je comprends seulement que le but de cette course folle sur ses traces n'est pas le sourire qui me plaisait tant, non... Ce que je cherchais à retrouver, c'est ce petit bout de moi qu'elle avait emporté.
D'autres filles pourraient combler ce manque, je le sais. En la perdant elle, j'ai enfin mesuré l'importance de mes amies, de mes autres amours. Et je me demande si mon ex compagne n'était pas finalement qu'une chimère, un rêve éphémère qui s'est évaporé dès les premières lumières du jour.

Mais je dois savoir. Je refuse de mettre genou à terre tant que je ne saurais pas sûr de ce qu'elle représente vraiment pour moi. Je l'aime, Brigit. Putain oui, je l'aime. Si tu savais... Je sens les larmes me venir alors que j'écris ces lignes, parce que je ne n'aime pas le faire, parce que je l'aime assez pour faire une dernière fois faire absolument tout voler en éclats pour elle.

 Tout ce que je viens de te livrer me saute aux yeux avec encore plus de force, mais j'avais besoin de me l'avouer. Pardon de t'imposer ça alors que tu retrouve ton bonheur après une traversée du désert. Tu n'as aucunement été l'excuse, tu as été la clé. Sans toi, j'aurais passé un moment bien laborieux et je te remercie de m'avoir ainsi comblé, par ta plume dans nos mails ou par tes mots qui font vivre Danu.

Rassure toi, je n'irais pas sonner chez elle. Pas ce soir, puisqu'on m'attend ailleurs. Et après ce soir, j'espère que j'aurais toujours l'envie de la retrouver.

Oui, bientôt samedi ! Mais je dois m'être mal exprimé, ne m'appelle pas Mac' ! C'est lui qu'il faudra demander si moi je ne suis pas là quand tu arrivera, simplement.

...Parce que personne ne m'appelle Kysemapri, qui est tout simplement un pseudonyme que j'ai toujours utilisé. Mac', c'est parce que Jet est incapable de prononcer Macross correctement. Par habitude, j'ai fini par signer mes récents articles comme ça. Si Brigit demande Kysemapri, elle se mangera un râteau très probable, à moins que Jet soit présent. Bah, on verra.

Laisse moi rêver que nous flirtons quand même un peu jusqu'à samedi, d'accord ? :p Je serais là, à attendre ton passage. Et si tu ne le fais pas pour moi, fais le pour Dark Ages ! \o/ Je suis vraiment impatient de te rencontrer !

J - toujours 2 !
Kysemapri

Appuyer sur la touche d'envoi.
Se lever.
S'habiller.
Aller rejoindre une autre femme.
Espérer. Encore, jusqu'à ce que ça ne soit plus permis.
 Aimer à s'en faire mal.
Aimer Hitomi à s'en faire mal.

Cette fois j'ai prévenu Gabriel, je lui ai dit que ce ne serait pas la peine de compter sur moi, pas avant samedi soir, au moins. Je lui ai dit ça il y a déjà quelques jours, et s'il n'a pas compris il a bien fait semblant. Je lui ai aussi promis de revenir. Je pensais savoir comment, je n'avais pas de doutes. Il ne pouvait pas y avoir de doutes, les masques étaient tombés pour de bons. À quelques jours, à quelques mètres, il a fallu qu'on se ramasse. Je l'ai peut-être cherché, d'un autre côté il restait du temps pour tout remettre en question. Je ne pensais pas qu'il tomberait dans le panneau, pourtant il a sauté à pieds joints, ou il joue un jeu plus cruel que moi. Et même après ce que je lui ai fait, ce qu'on s'est fait tous les deux, je ne veux pas imaginer qu'il soit devenu cruel.

Alors il a douté, ou au moins sauté sur l'occasion. Ce n'est pas plus mal, c'est pour ça que j'avais fixé l'échéance. Je ne voulais pas entendre sonner à ma porte, et le découvrir avec un bouquet de fleur. Maintenant je regrette. Au matin, quand j'ai lu son message, il avait peut-être déjà perdu l'envie de me retrouver. Alors quoi ? Comment je pouvais lui répondre une fois que les jeux étaient faits ? Est-ce que j'aurais dû lui demander s'il avait toujours envie, juste pour annuler l'interview au dernier moment ? Est-ce que je devais lui refaire la lecture intégrale de ce qui s'était passé ? Lui dire que j'ai fait cent pas vers lui, mais sans me faire voir ?

Non, trop tard. Brigit n'existe déjà plus, et je n'ai plus rien à dire à Kysemapri. J'espère que Kyle est au clair avec lui-même. Moi je doute. On a échangé plus de mots par mail après notre rupture que de vive voix quand on était ensemble. On ne s'est jamais mieux livrés l'un à l'autre qu'en se cachant. On s'est poussés l'un vers l'autre. Mais au dernier moment il m'a échappé des mains, trop rassuré de croire que l'histoire était finie et qu'il n'y avait jamais eu lieu de se battre. Et je ne peux m'empêcher de me demander qui il était avant de me rencontrer. Dès l'instant où je suis tombée amoureuse de lui j'ai changé du tout au tout, en mal. Et lui ? A-t-il changé aussi à ce moment-là ? Avait-il commencé à se perdre bien avant de me perdre ? Je ne m'étais jamais posé ces questions avant ce matin, et il n'a jamais été temps de trouver des réponses. Ce n'est pas à moi de les demander, c'est à lui. Et il l'a fait, hier.

Je reste seule sur le balcon, face à la nuit. Je ne pourrais pas dormir, et je n'ai plus rien à faire. J'ai fait tout ce que je pouvais, pour le meilleur ou pour le pire, il n'est plus temps. Je ne vais pas à l'autel, où Dieu et les hommes me donneront une dernière chance de reculer. Je vais affronter le verdict. Et j'ai peur de devoir accepter en sachant qu'il se trompe. Il m'a reconnue à travers les mots de Birigit, il ne peut pas avoir ignoré toutes les choses que je lui ai dites sur nous. Je n'ai eu qu'à floué une vérité que je trouvais trop nette pour qu'il s'en détourne. J'ai beau l'aimer encore, je ne peux pas m'empêcher de me demander si je veux vraiment faire ma vie avec lui. Avec un homme qui a si peu confiance en lui-même, en moi et en nous. Un homme qui n'y a pas cru autant que moi.

Je ne répondrai pas son mail, pas plus qu'à son SMS, et je ne l'appellerai pas. Je veux pouvoir lire toutes les réponses dans son regard quand il le posera sur moi. Et j'aurais au moins un bout de lui-même à lui rendre. Quoi de mieux qu'un salon littéraire pour clore un chapitre et en ouvrir un autre ? Et quelle meilleure ville que Seikusu pour une femme comme moi ? Seikusu avec sa faune bordélique de simples mortels et de créatures extraordinaire. Où d'autre aurais-je pu faire de telles rencontres, et avoir droit à toutes ces secondes chances ? La nuit sera encore longue, je ne pourrais espérer meilleur endroit pour attendre l'aube.

SAMEDI - 00H01
JOUR-J