Je sentais son amour pour moi croître en elle, elle s'épanouissait comme une fleur au soleil, enfin... à la lune, dans le cas présent. Je souriais tandis qu'avec presque fierté elle me faisait un compte-rendu des affaires de la ville :
_Il y a quelques jours encore, j'étais à Nexus. Là-bas, j'appris la rumeur de meurtres qui auraient été perpétrés par un vampire ici, à Ashnard. Je suis donc venue en toute hâte, pour la raison que vous savez. Ce ne sont certainement pas votre œuvre et je n'étais pas encore ici lorsque ça a débuté. Entre le temps que la rumeur atteigne Nexus et maintenant, cela doit bien faire 3 semaines un mois, soit logiquement avant que vous n'arriviez ici, puisque j'ai quitté ma vie humaine à peu près à cette période.
Pour la chasse, j'étais dans les forces spéciales d'intervention quand j'étais humaine, je suis donc entraînée à neutraliser des cibles sans me faire remarquer. Si par appât, vous entendez mon corps, il suffit de regarder ma tenue. J'ai remarqué que s'habiller léger fait venir pas mal de proies, et pas que des hommes. Mais vous m'avez demandé une démonstration, maîtresse, alors allons-y avant le point du jour.
Intéressant... Il y avait donc au moins un troisième vampire à Ashnard. Un second nouveau-né, sans doute, puisque la créature était incapable de dissimuler ses traces... Je pourrais peut-être le prendre sous mon aile, il ou elle travaillerait avec Aurore, et j'aurais à mes ordres les plus formidables soldats que la terre aient produits... Formidable, oui.
Ancienne militaire ? Jackpot ! Comme disent les Humains. J'avais décidément trouvé l'arme la plus redoutable et je la manierai mieux qu'une lame. Je lui embrassais le front avant qu'elle ne parte et se mette en chasse.
Brave petite merveille, ma toute petite merveille, ma propriété, ma chose, mon enfant...
Je la suivais, pas peu fière, déjà, de la voir arpenter les rues avec une si grande discrétion. Silencieuse, belle et dangereuse. Une vraie future vampire, une véritable merveille, vraiment, ma merveille. Je me dissimulais dans un recoin sombre, observant ma progéniture à l’œuvre. Elle était maligne, efficace, rapide et silencieuse.
Son jeu macabre était des plus inventifs, créatifs et... admirables, tout comme son entraînement à la mort. Je n'aurais que peu de travail à faire. Tant mieux, cela laisserait plus de temps à la théorie, à l'histoire, ce genre de choses... Elle revint vers moi, les yeux étincelants, fière, certes, mais toute tendue dans l'expectative de ma réponse. Je souriais encore une fois, lui embrassant le front.
_J'espère ne pas vous avoir déçue, mère.
Je lui caressais doucement le visage, l'écartais de mon chemin et marchais vers le cadavre. Mon regard balaya la scène, et je prenais un visage d'expert examinant une sculpture d'apprenti. Du doigt, je désignais le sang au sol :
_C'est une bonne idée, ma petite, mais... Imaginons qu'ils décident d'enquêter là-dessus, comment pourra-t-on expliquer le sang d'animaux mêlés à celui d'un Humain, ma belle... ? C'est une bonne idée mais, si tu veux que cela soit plus crédible, il faudrait que tu boives moins afin qu'elle saigne davantage... Mais, ceci dit, si tu tiens à la thématique du suicide...
Agrippant brusquement son poignet, je l'entraînais dans les rues, hilare, afin de trouver une proie, à mon tour. Je flairais leurs émotions, jusqu'à trouver un Humain qui paraissait si triste qu'il serait aisé de le penser suicidaire. Je laissai Aurore au coin d'une rue et déployais mon charme pour l'entraîner dans un coin. L'homme me suivait, docile, comme d'ordinaire. Je nous menais jusqu'à une vue superbe, une sorte de balcon sur la ville, à plusieurs mètres de hauteur. Je me glissais dans son dos et, brusquement, le mordais à la base du crâne, dans la nuque. Ayant étanché ma soif, je jetais le corps par dessus la balustrade, le crâne explosait, éradiquant toute trace de ma morsure. Je souriais, essuyais mon menton et me tournais vers ma progéniture :
_Le problème avec cette technique de couverture, c'est que le sang des dépressifs est... peu goûteux.
Me recoiffant, j'approchais d'elle, lui prenant le menton entre mes doigts délicats :
_Moi, mon petit truc, c'est de descendre tous les cinquante ou soixante ans dans une ville, voire davantage, et de jouer au tueur en série... regarder la nourriture se débattre pour se sauver c'est... Si drôle ! Tu verras, tu verras ma petite...