Lou n’était pas aussi catégorique concernant Nexus que Dolan. Selon elle, certaines personnes ayant connu la terre préfèreraient vivre là bas plutôt que de rester sur la planète bleue. Certes, le luxe et les valeurs humaines étaient sans commune mesure plus développées sur terre mais Nexus offrait l’attrait de la nouveauté, la curiosité également. Lou n’était pas curieuse à outrance, mais certains l’étaient. De même, ceux qui adoraient les jeux de rôles et autres projection d’une vie différente de la leur auraient pu se plaire à Nexus. Mais pas Mary-Lou. Non, la jeune femme était trop attachée à sa famille pour la laisser tomber, et elle se sentait en sécurité mine de rien dans sa vie, ce qui n’était pas vraiment le cas à Nexus. Elle ne se voyait pas du tout vivre seule dans une ville pareille, avec des esclaves ! Non non, décidément, elle préfèrerait beaucoup mieux rentrer chez elle.
La cuillère de la rouquine replongea dans son ragoût puis retourna déverser son contenu dans la bouche de la jeune fille. Elle en estima le goût, ne la trouvant pas si mauvaise finalement cette pitance, au contraire même. Elle s’en accommoda très bien et termina son bol sans se faire prier. Elle mourrait de faim de toutes façons, donc quand on a faim, on mange.
Du point de vue d’un possible témoignage, Dolan ne risquait rien. Lou n’était pas du genre à débiter ses fantasmes et autres rêveries à tous les passants. Quant à ce que représentait William Dolan, avocat de son état, elle s’en fichait un peu beaucoup, n’ayant aucun goût pour ce genre de choses. Elle n’aurait donc aucun intérêt à aller le discréditer. Non, vraiment, tout ce qu’il risquait ça serait qu’elle l’accoste pour le saluer si d’aventure elle venait à le croiser dans une rue. Elle ne le pourchasserait pas, loin de là. Quant à son pouvoir et à la possibilité d’en faire une esclave… Remercions les Dieux, ou qui que ce soit, de l’avoir préservée des blessures en compagnie du juriste ! Puisqu’elle ne possède aucun moyen d’empêcher ses cellules de se régénérer d’elles-mêmes. La jeune femme se demandait d’ailleurs si elle serait immortelle à cause de ça… Mais ça, elle le saura bien assez tôt. Peut-être que quand sa famille commencera à se poser des questions sur le fait qu’elle ne montre aucun signe de vieillesse, ni rides ni cheveux blancs, alors elle fuirait pour Nexus, pour se cacher. Peut-être. Peut-être pas. Nous verrons bien.
Toujours est-il qu’elle hocha la tête avec gratitude aux paroles de William, reposant sa cuillère dans son bol vide et enfouissant ses mains sous la table, les emprisonnant discrètement entre ses cuisses, tic de gène, dissimulée derrière un sourire doux.
Elle fut rassurée d’apprendre que la chambre du jeune homme n’était pas loin de la sienne mais mitoyenne. La tête de Mary-Lou s’inclina sur le côté, et elle tenta d’imaginer quelle réaction pourrait-il avoir s’il la surprenait alors qu’elle le rejoignait dans sa chambre… Elle haussa ensuite les épaules, se disant finalement qu’elle ne le saurait que si elle tentait la chose avec désinvolture et garda encore le silence. Appréciable chose d’ailleurs sans doute. Elle détailla encore une fois l’auberge pendant que William terminait son propre repas, puis vint l’heure pour lui de monter. Lou enregistra les recommandations, accueillit le baiser donné sur sa joue avec un petit sourire emprunt de plaisir et le regarda monter, se perdant déjà dans ses pensées. Elle vit à peine les esclaves débarrasser, ne se réveillant qu’au bruit de sa cuillère bringuebalant dans son bol vide. Elle se redressa et se poussa afin de livrer passage à la neko et lui donna la vaisselle qu’elle n’avait pas encore saisit. Elle proposa aussi de l’aider à faire la vaisselle… Mais comme on s’en doute, l’esclave refusa. De toutes façons, on vint la chercher pour lui dire que son bain était prêt. Mary-Lou monta donc à son tour dans sa chambre, et se dévêtit après avoir fermé la porte derrière elle. La baignoire était une sorte de baquet en métal, elle dû constater que ce bain était indispensable puisqu’elle était couverte de poussière, et se faire violence pour y entrer. Elle qui n’était habituée qu’à l’émail des baignoires modernes… Mais bon, une fois que l’eau chaude eut détendu ses muscles et lavé sa peau des impuretés, elle ne fut plus à ce la près. Néanmoins, elle ne s’attarda pas dans ce baquet. Elle préféra faire rapidement ce qu’elle avait à faire et en sortir, s’enroulant elle-même d’un linge qui la couvrit de la poitrine aux cuisses, puis son imposante tignasse rousse ans l’équivalent d’un drap de lit. Elle demanda à une neko qui venait vérifier si tout allait bien si elle voulait bien lui apporter une brosse, et une fois que l’esclave eut satisfait le désir de la jeune femme, elle lui proposa de l’aider à démêler ses cheveux. Ce que Lou accepta avec gratitude. En temps normal, elle mettait une tonne de démêlant et s’en sortait seule… Mais là… Et puis ses cheveux étaient particulièrement épais, donc lourd. Elle se serait épuisée sans aide. Toujours est-il que pendant cette fastidieuse besogne, les deux jeunes femmes se mirent à parler, de choses et d’autres. Mais Mary-Lou avait comprit, en interrogeant l’esclave de la place du marché, que la questionner sur sa condition d’esclave n’était pas une chose à faire, aussi évitèrent-elles se sujet mais parlèrent de Nexus, et du plan de Terra en général. Jusqu’à pousser les choses dans le domaine du personnel. Un peu du moins. La neko lui avoua qu’elle aurait aimé avoir des enfants, mais qu’elle était stérile. Lou s’étonna que des « pécores » sachent dire si une femme est stérile ou non. Mais la Neko lui expliqua qu’après tous les partenaires qu’elle avait eus, à tout moment depuis plusieurs années, elle n’était jamais tombée enceinte. Lou avait soupiré, et avait cessé de réfléchir. Elle porta son index à sa bouche et se mordit à sang. Elle prit ensuite un verre et fit goutter laborieusement les maigres gouttelettes de son sang qu’elle pu tirer. Elle versa un peu d’eau fond, les propriétés de ses capacités seraient diluées mais toujours là, c’était l’important. Elle tendit ensuite le verre à l’esclave qui l’observait avec perplexité.
-Pose pas de question. Ca devrait résoudre ton problème. Bois.
Le sang de Lou était rouge, mais n’avait pas ce goût infâme de rouille que pouvaient avoir ceux des autres créatures. Le sien était un peu sucré, comme le serait un bonbon acidulé à sucer. Ou comme de la citronnade peut-être. Quoiqu’il en soit, la neko obéît, elle avait été dressée pour ça en même temps, et écourta leur entretient. Les cheveux de Mary étaient parfaitement démêlés. Avant qu’elle ne parte, Lou demanda à l’esclave de ne rien dire la concernant. L’autre opina du chef et ferma la porte après sa sortie alors que Mary-Lou ôtait le linge mouillé qui l’avait séchée et se mettait à la recherche d’un vêtement de nuit.