Dans ce quartier bien précis, Sandji adorait y passer des heures. Pourquoi ? A cause du marchand de télé, qui s'était installé au milieu de la rue, et menait un petit commerce assez compliqué au vu de son mauvais emplacement, mais qui n'étais pas non plus tout à fait désespéré: il assurait un service après-vente qui, d'après le nombre de clients a l'intérieur, devait tourner plus que le magasin lui-même... Et comme tout commerçant, il n'avait aucun scrupule à prélever quelques bénéfices sur ce service "gentiment offert" par la maison.
Mais ce n'était pas pour le commerce qu'il étais là, bien sûr que non. En vérité, il adorait rester assis sur ce trottoir peu fréquenté, à admirer les télévisions montrées en vitrine, qui diffusait la chaîne nationale. Sandji restait encore très affecté par l'époque où, dans son état quasi-végétatif, il n'avait pour unique loisir que de regarder la télévision, en compagnie de sa mère qui venait de temps à autre s'assurer de son état de santé, constamment préoccupée par l'état de son pauvre enfant. Hélas, elle n'était plus là à présent pour lui tenir compagnie, malgré qu'il n'en aie toujours pas pris conscience...
" Nooon ! "
" Désolé p'tit gars, mais l'heure de la fermeture c'est l'heure de la fermeture. L'électricité ça coûte pas rien tu sais ! "
La boutique était tenue par un homme dans la soixantaine, qui allait bientôt prendre sa retraite, et son fils était déjà là pour la tenir lui aussi. Entre 30 et 40 ans, cet homme à la carrure assez massive et à l'allure sympathique avait l'air d'une sorte de voyou reconverti. Teinture verte dans les cheveux, lunettes de soleil, ne sortant jamais sans une chemise aux couleurs vives et toujours en train de mâcher un cure-dent, il n'avait pas vraiment cherché à connaître Sandji, mais le traitait gentiment.
Après tout, il ne faisait rien, sinon rester là à regarder les télévisions toute la journée. Il avait bien tenté d'engager la conversation, mais il n'en obtenait que des "Ouais" désintéressés voire aucune réponse du tout. Il observait la télé toute la journée durant les week-ends, disparaissait la semaine et revenait le week-end suivant. Ce petit lien sympathique lui permettait de ne pas être complètement désespéré de ce commerce sans véritable avenir, surtout au vu de la progression de la technologie et leur difficulté a approvisionner le magasin en véritables appareils dernier cris.
Après un dernier soupir de tristesse, le volet métallique s'abattit froidement sous son nez, alors que l'homme finissait de fermer les diverses serrures et activer la sécurité du magasin, avant de rentrer chez lui pour profiter d'une soirée de repos bien méritée. Les deux s'adressèrent un "au revoir" bref, avant de prendre chacun une direction opposée.
Seul dans la rue, la pelle traînant derrière lui, le blondinet n'avait plus d'autre choix que de rentrer chez lui... La tête encore pleine d'image, il s'arrêta un moment en fixant la personne qui arrivait en face de lui. Bizarrement, elle lui rappellait quelqu'un...
" Hé ! Vous êtes la madame de la télé ! "
Enthousiaste et n'ayant pas remarqué l'erreur sur la personne malgré la grosse similitude, il s'empressa d'aller accoster la pauvre Marine qui ne devait même pas savoir d'où sortait cet individu au manteau rouge de bourgeois et armé d'une pelle.