"Quel est le cours de l'action pour GenTech ?"
"En augmentation de 1,5% par rapport à la semaine dernière."
"Et le positionnement de Star Hotels Group ?"
"Toujours la première chaine d'hôtels de luxe au Japon et en Corée du Sud. Nous perçons en Indonésie et pour Taïwan, la situation géopolitique avec la Chine ne facilite pas le développement du projet à Taïpeï."
"Organisez-moi une rencontre avec le ministre du tourisme à Pékin. Il faut débloquer ce projet."
"Oui Monsieur."
Le secrétaire personnel de Kenichi Kawamura s'inclina bien bas avant de tourner les talons. Il s'arrêta après trois pas comme s'il se rappelait soudainement d'une chose à dire. L'homme hésita un instant.
"Votre ... père ... souhaite que vous déjeuniez avec lui au domaine ce midi."
Sans prendre de risque supplémentaire, surtout sur le sujet tabou qu'était la relation entre les père et fils Kawamura, il ne s'attarda pas dans le bureau de son jeune employeur.
Kenichi avait crispé les mâchoires. Son père souhaitait? Non ce n'était pas un souhait, c'était un ordre et bien qu'il n'ai pas envie de s'y plier, il n'avait pas le choix. L'Ancien régnait d'une main de fer sur un empire financier colossal et s'opposer à lui revenait à creuser un trou profond pour s'y enterrer. La famille d' Hiro Kawamura n'échappait pas à la tyrannie du fondateur de nombreuses firmes et groupes dans des secteurs économiques très variés. Parti de rien, le vieil homme avait construit son empire patiemment à partir de la simple poissonnerie de ses parents et de beaucoup d'ambitions. Sa réussite était légendaire, tout autant que son caractère difficile.
Kenichi est sa sœur ainée, Keiko, avaient été élevé à la dure, dans un luxe certain mais sous des conditions sévères et exigeantes. La mère des enfants était morte lorsque les enfants étaient jeunes, usée par la présence écrasante de son mari qui ne la ménageait pas. Elle s'était éteinte alors qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même et après avoir donner tout son amour à ses enfants. Lors de son enterrement, le père avait été aussi froid qu'un glaçon.
A partir de ce moment, ce furent les personnels du domaine familial, dans les environs de Tokyo, qui s'occupèrent des enfants. Aucune erreur ne leur était permise et le paternel s'assurait que leur instruction soit à la hauteur de ses attentes. Kenichi et Keiko frôlaient l'excellence dans tout ce qu'ils faisaient et une compétition féroce s'instaura entre eux pour être celui ou celle qui plairait le plus à leur père. Cette compétition est toujours d'actualité, exacerbée par Keiko qui vise l'héritage familial direct.
Il n'y avait plus de sentiments entre le frère et la sœur. A quinze ans, Kenichi avait été envoyé en Angleterre où il avait suivi des études pointues à Oxford. Brillant, il était revenu au Japon diplômé, avec les félicitations du directoire du prestigieux établissement britannique. Il serait bien resté en Europ mais son père avait exigé son retour pour participer au développement de son empire financier. Reconnu et compétent, Kenichi avait hérité de la présidence de GenTech, une entreprise d'ampleur mondiale spécialisée dans la recherche génétique et la production de technologies révolutionnaires; et de Star Hotels Group, qui disposaient d'établissements plus que luxueux dans les grandes mégalopoles d'Asie. A présent, l'expansion de ces deux entités n'avaient pas de limites alors que Kenichi n'avait que 28 ans.
Sa réussite était principalement dû à son caractère. Kenichi était une Bête de travail, un bloc de détermination inébranlable. Il attendait des autres ce qu'il exigeait de lui-même et avait un œil attentif à tout ce qui l'entourait. Froid, austère, ne délivrant que peu de chaleur et de joie, il renvoyait l'image de son enfance privée des fondamentaux du bonheur familial. Il ne souriait que très peu, et bien qu'il s'interdise de réagir comme son père et d'en avoir tous les défauts, il n'arrivait pas à s'extérioriser normalement. Ses employés le craignaient et l'appelaient l'iceberg ... Pourtant, le jeune homme avait une haute opinion des valeurs humaines et il appréciait chez les autres la franchise, l'honnêteté mais aussi la motivation d'aller chercher au delà des possibilités de chacun. Même s'il ne relatait pas ouvertement sa satisfaction, il n'hésitait pas à récompenser ses employés, parfois même à outrance. Sur un coup de tête et si une situation ou une performance lui plaisait, il pouvait promouvoir une personne de simple exécutant à chef d'équipe voire plus encore. Son impulsivité était un cauchemar pour son staff car quand Kenichi décidait, il revenait difficilement sur son idée première et il fallait être solide pour lui tenir tête.
Pourtant, malgré ce caractère que beaucoup pourraient qualifier de taciturne, Kenichi faisait l'objet des fantasmes de beaucoup de femmes. Il était beau, grand et élancé. Son corps façonné par une hygiène de vie stricte était aussi bien taillé que les statues grecques qui ornaient le hall du domicile du paternel. Ses membres déliés présentaient une musculature discrète mais agréable à regarder et même s'il n'était pas un adepte des salles de fitness à outrance, ses pectoraux et ses abdominaux en faisaient saliver plus d'une. Kenichi était pâle de peau, ce qui rendait son regard gris encore plus intimidant et seule sa masse de cheveux sombres obscurcissait ce teint froid. Cette peau était exempte de toute imperfection, il y veillait. Habitué des salons esthétiques hauts de gamme, il portait une attention toute particulière à l'aspect de ses mains et avait en horreur les travaux manuels. Les lignes de son visage étaient fines, tout comme l'arête de son nez où ses lèvres qui apportaient la seule touche de couleur dans ce tableau de maitre. Enfin, tout son être vibrait d'une intense énergie contenue ; il dégageait une aura particulière, peut être conséquente à la pratique du karaté qu'il avait suivi de nombreuses années avant de quitter définitivement les tatamis.
Sous son complet Pierre Cardin, Kenichi roula des épaules qu'il avait larges. Il referma sa veste et passa devant un miroir en sortant de son bureau. Il était élégant et portait sur lui de quoi s'acheter une maison, ne serait-ce que par le prix de sa montre. Le jeune héritier allait quitté le siège social de son groupe d'hôtels à Seikusu. Devant le perron de l'édifice luxueux situé au cœur du quartier des affaires de la ville, un voiturier lui tendit lui ouvrit la portière de sa Bugatti Veyron Noire comme la nuit. Le trajet serait court jusqu'à Tokyo et le jeune homme espérait que sa soeur serait absente à ce repas. Keiko, qui possédait aussi ses entreprises était devenue une véritable vipère qui distillait son poison dans les oreilles attentives de son père. Pour elle, Kenichi était un obstacle à abattre pour qu'elle s'empare de la totalité des avoirs familiaux, un jour prochain où Hiro Kawamura rejoindrait ses ancêtres. Alors, bien sûre qu'elle serait là à midi, à jouer les faux-semblants, à flatter son frère pour mieux le détruire ensuite. Et lui, ferait comme d'habitude, il botterait en touche, et attendrait de revenir à Seikusu pour lui rendre la monnaie de sa pièce à grands coups de moyens légaux pour torpiller les affaires de sa sœur.
Et puis au fait, si cela peut intéresser quelqu'un, Kenichi est riche, fabuleusement riche ... et célibataire. Donc mesdames et mesdemoiselles, puisqu'il ne puise que dans ce vivier là ...