La tentation était une des armes les plus redoutables dont disposait un Démon. C’était même l’une de leur occupation favorite. Cette tentation pouvait revêtir plusieurs formes. Celle de s’abandonner à des plaisirs simples comme la gourmandise, la paresse ou la luxure. Celle de céder à des pulsions plus destructrices comme la vengeance, qu’elle soit brutale, par la force brute d’un meurtre de sang-froid, ou bien patiente et intelligente, par le biais d’un complot politique. Asep’Timusoth les avait toutes essayées, sans exception. Il avait amené des Hommes, des Terranides, et bien d’autres créatures, à mener des actions pour lui, parfois en leur faisant miroiter leurs souhaits les plus fous, parfois simplement par pur plaisir, mais toujours pour les mener à leur déchéance et s’emparer de leurs âmes et les conduire aux Enfers. Après tout, l’Incube n’était pas connu pour sa sollicitude et son altruisme désintéressé. Mais au-delà de ses tentatives volontaires, il fallait admettre que, dans le cas présent, cette
tentative n’en était pas réellement une et, pourtant, voilà que cela lui offrait une situation quasiment inattendue. Il n’allait pas jusqu’à admettre être surpris de la réaction de la Terranide, mais il avait imaginé, qu’elle rechignerait davantage à le rejoindre dans la rivière. Peut-être imaginait-il qu’elle puisse faire montre d’une certaine pudeur – notion totalement inconnue de la plupart des Démons – ou simplement de ne pas assez de confiance pour se laisser aller au point de se baigner en sa compagnie Havoc regarda donc sa congénère se mettre à
nu, laissant tomber ses affaires non loin des siennes. Elle défit les liens de son armure de cuir, puis abandonna sa chemise et son pantalon de ce qui semblait être du lin. Il observa toute la scène d’un œil appréciateur tout en continuant ses propres ablutions. Après tout, elle pouvait toujours être mal à l’aise à l’idée d’être observée de manière un peu trop insistante.
Il apprécia sa manière de s’étirer et eut un léger sourire alors qu’il put l’apercevoir frémir face à la température – légèrement fraîche – de l’eau. Le Démon aussi avait été pris d’un frisson à sa propre entrée dans l’eau, une réaction physiologique, qu’il n’avait pas réprimé, car elle n’avait rien de désagréable.
« Certaines choses sont plus simples lorsque l’on ne s’encombre pas de toutes les réflexions qui peuvent tordre les esprits des Humains. » Une réflexion tout à fait naturelle, d’autant plus pour quelqu’un qui avait pu passer beaucoup de temps à les étudier. Les Humains réfléchissaient beaucoup trop pour leur propre bien, ressassant parfois des détails sans importance, obscurcissant leur jugement. Les Terranides, et les animaux en général, utilisaient davantage leur instinct et éviter de trop tergiverser, jugeant leurs compétences adéquates pour réagir au résultat de leur action, plutôt que d’imaginer tous les scénarii possibles et, éventuellement, ne rien faire du tout. Les Démons étaient probablement le meilleur des deux mondes, mais principalement parce qu’ils savaient tirer parti de l’un et de l’autre. Asep’Timusoth avait d’ailleurs arrêté son bain pour jeter un œil plus averti à la jeune femme. Appréciateur, il devait admettre qu’elle était particulièrement séduisante. L’Incube était même curieux de s’imaginer à quoi elle pouvait ressembler sous une forme plus
animale. Sans un mot supplémentaire, et sans intention malveillante quelle qu’elle soit, il fendit silencieusement le fil de l’eau de la rivière pour s’approcher d’elle. Il savait qu’elle était aux aguets, probablement autant pour les potentiels hommes du Nécromancien que pour lui, mais il ne lui souhaitait aucun mal, bien au contraire. Il s’approcha par le côté, signe évident qu’il n’avait aucune intention de la surprendre et, arrivé à portée de bras, il avança une de ses pattes qu’il dirigea vers une de ses épaules.
« Si tu me permets. » Sa voix était tranquille, assurée mais calme et douce. En réalité, il souhaitait simplement lui proposer, le plus simplement du monde, de l’aider à rincer son dos, une surface difficile d’accès pour n’importe quel bipède. Bien entendu, le geste était légèrement calculé, mais ce n’était pas parce que l’on avait un peu de suite dans les idées que tout geste était nécessairement mal intentionné. Havoc était parfaitement dans son rôle : il était un Terranide, répondant davantage à son instinct animal, en présence d’une femelle attirante. Son instinct ne voyait aucun inconvénient à se montrer avenant, même si, bien entendu, il ne s’attendait pas spécialement à ce qu’elle accepte. Néanmoins, le proverbe le disait souvent
la chance souriait aux audacieux ou alors, selon d’autres,
qui ne tentait rien…. Heureusement, l’Incube ne laissait pas des adages dicter ses choix.