Enothis se réveillait, grogie, de sa première nuit au ryokan Doux-Soleil. Autour d'elles, ses camarades dormaient encore paisiblement dans leur futon, elle était la première à avoir ouvert ses mirettes, chose qui finalement ne l'étonnait guère. Elle avait vécue des époques bien moins douces que ce que ses amies connaissaient au quotidien, et le fait de pouvoir dormir paisiblement, de pouvoir se délacter dans le sommeil du juste jusqu'à des heures déraisonnables, n'était guère une habitude qu'elle avait put prendre alors qu'elle servait d'égérie à un culte égyptien. Elle aurait put en profiter pour parler à Emaneth, mais ne voulait pas risquer de se faire voir en train de discuter toute seule. Tout au plus, elle se mit lentement sur ses jambes, sortant des draps du futons avec lenteur et discrétion, pour alors se diriger en direction de la fenêtre la plus proche. Décalant lentement le panneau coulissant, elle s'ouvrit un point de vue privilégié sur les terres d'Oruga-Samu, une principauté proche de Seïkusu. Et quel magnifique spectacle que celui-ci, alors baigné par le soleil levant.
Les terres de cette principauté étaient restées passablement inchangées au fur et à mesure des années, une chose que malheureusement Seïkusu n'avait pas sut faire, cette dernière s'étant lentement érigée en ville de première ordre de l'archipel nippone. Ici, l'égyptienne trouvait avec plaisir ce qu'elle avait tant espérée découvrir en venant se réfugier au Japon : une terre de spiritisme, aux panoramas particulièrement influencés par les saisons, offrant des variances de couleurs et de paysages multiples, le tout baigné dans un spiritisme ancestral particulièrement respectueux de la nature et du monde des bêtes. Rizières, champs aux loin, montagnes plus après, l'ensemble de ces lieux avaient de quoi éveillé l'esprit, lui donnait l'impression de faire un voyage dans le temps à mesure qu'elle se laissait aller à ses contemplations matinales. Décidément, elle avait longuement hésitée à donner son accord, mais depuis son arrivée sur place, hier, avec les autres classes, elle était ravie de s'être laissée convaincre de faire cette sortie scolaire. Mais déjà, lentement, le monde se rappelait à elle et la tirait de ses rêveries, en la personne de Mitori qui lentement quittait son propre futon :
" Enothis ? C'est toi qui a ouvert la fenêtre ? Fait froid tu sais ? "
La voix de sa camarade faisait un bel écho à sa mine ensommeillée, la jeune femme ne devait pas avoir eut suffisamment de repos à son goût. Enothis aurait bien put lui dire qu'elle les avait prévenue hier soir, que de jouer à des jeux de société jusqu'à tard ne pouvait que les amener à se réveiller péniblement. Sans parler de ne pas être suffisamment en forme pour profiter de cette seconde journée de voyage scolaire, ce qui aurait été passablement désagréable aux yeux de l'égyptienne. Mais dans le fond, elle s'imaginait que de faire un petit tour dans les villages voisins devaient déjà être une habitude pour ses collègues, aussi était-elle sûrement la seule à être réellement dépaysée par cette excursion. Enfin, se retournant vers son amie, dont la bouille endormie commençait enfin à s'illuminer dans son habituel air mutin, Enothis se permit de lui sourire doucement avant de lui répondre. Elle en profita en même temps pour délicatement refermer le battant, moyen de lui assurer peut-être un peu plus de confort concernant la température qui semblait la déranger :
" Bonjour Mitori, tu as bien dormie ? Oui, j'avais envie de voir un peu le spectacle, nous sommes arrivées tard hier, on ne voyait plus grand chose depuis les fenêtres. Ce qui était un peu dommage à mon goût pour *le Ryokan avec les meilleures vues de tout Oruga-Samu*, tu ne crois pas ? "
La chambrée s'éveillait au bruit des discussions entre Enothis et son amie, tant et si bien que chacune put commencer à s'habiller et se préparer pour rejoindre lentement la salle principale. Si le Ryokan avait gardée sa méthode traditionnelle pour le repos, les repas pour les groupes nombreux se faisaient en revanche dans une seule et même pièce, ce qui permettait au personnel de ne pas perdre des heures de travail en service. Les classes se réunirent finalement rapidement, chacun allant de sa petite histoire sur ce qu'il s'était passé dans la nuit, les ragots sur les petites aventures nocturnes des uns et des autres lors de ces moments de friponneries où les élèves pouvaient enfin avoir quartier libre, malgré la surveillance relativement rapprochée des enseignants. Bien honnêtement, Enothis cherchait à ne pas s'en mêler, les premières rumeurs qu'il y avait eut à son sujet lors de son arrivée au lycée Mishima, notamment celle comme quoi les étrangères avaient des moeurs bien légères, ayant été déjà bien suffisamment ardues à faire disparaître. A la place, elle s'installa simplement à l'une des tablées, se laissa servir son petit-déjeuner, puis entama de se rassasier avant d'attaquer la journée.
Entre deux bouchées de riz et une goulées de soupe miso, elle vit le professeur principal de sa classe monter sur l'estrade en fond de salle, se racler la gorge, et appeler au silence. Dans un moment d'exemplarité nippone, tous se turent en quelques secondes, permettant alors à l'homme de s'exprimer de manière audible sans avoir à hurler :
" Bonjour à tous. Comme vous le savez, nous allons avoir différentes activités aujourd'hui, aussi je vous demanderai d'écouter attentivement. Les classes de premières et secondes années iront faire une visite du temple d'Oo-masu, tandis que les classes de troisièmes années seront invités à découvrir les entreprises locales de scieries et de menuiseries traditionnelles. Si par le plus grand hasard vous voulez tenter d'inverser vos places, trouvez un élève qui souhaiterait échanger sa place avec vous, puis communiquer nous cela à la table des professeur. Nous partirons dans une heure, donc ne tardez pas. C'est tout pour moi, merci. "
Les discussions reprirent assez rapidement, quant à Enothis, elle retourna à son repas. Le temple hein ? Cela lui convenait parfaitement, aussi ne comptait-elle pas changer de groupe, elle qui était en première année malgré son âge. En revanche, ses amies étaient déjà partie chercher un moyen d'échanger leurs places... Visiblement, nombreux étaient ceux qui avaient déjà visiter le temple, aussi l'envie de découvrir autre chose primait sur la possibilité de trouver un endroit calme et sain. Tant pis, l'égyptienne se dit qu'au moins, elle pourrait parfaitement en profiter sans avoir la moindre distraction. Et sur cette idée, elle put finir son petit-déjeuner avec satisfaction, sans parler de la hâte de se mettre en route.