Les aboiements raisonnaient dans tout le hangar, leur agressivité rendue encore plus insupportable par l'écho métallique qui les amplifiaient. Les chiens ne lâchaient rien, et ne se laissèrent pas distancer longtemps par le mutant. La chasse à courre ne fut interrompu que lorsque leur proie trouva, temporairement, un abri en hauteur. Ils se contentèrent alors de sauter furieusement sur l'étagère, tentant de lui saisir un mollet, ou tout autre partie de son anatomie qui aurait dépassé. Mais leurs efforts résultèrent simplement en l'effondrement du perchoir – ce qui revenait au même, finalement.
À partir de ce point, la traque devint presque trop facile pour les canidés. Le leader, plus rapide que les autres, fut le premier à bondir sur Ernest, le faisant lourdement chuter sur le sol en béton. Il fut sitôt après rejoint par le beauceron, qui planta ses crocs dans sa cuisse. Le berger, ayant fait tomber le mutant, s'écarta légèrement sur le côté et commença à mordre lui aussi. Ses attaques eurent tôt fait de ruiner le costume et la chemise déjà rouge. Mais bientôt ce fut authentiquement du sang qui vint tâcher le vêtement.
Les mâchoires des trois animaux se refermaient et serraient, puis se reculaient et se ruaient encore pour saisir une nouvelle prise. Elles imprimaient dans la chair d'Ernest des marques profondes mais aucunement mortelles en premier lieu. Leurs pattes, elles, saccageaient surtout les tissus, creusant les vêtements pour trouver de meilleurs accès à la viande. À cette allure, la mise à mort pouvait prendre facilement plusieurs minutes ; d'autant que pour peu que le mutant se recroqueville, sa face et sa gorge seraient relativement épargnées.
Le dos et les membres du garçon n'échapperaient en revanche pas aux morsures. Il ne fallut pas très longtemps pour que la gueule du berger trouve la queue d'Ernest. D'un mouvement bestial, elle fut sectionnée à sa moitié. Trouvant sans doute l'appendice encore trop proéminent il en revint à sa base, et l'arracha cette fois complètement, ne laissant qu'une plaie sanguinolente. Les cris des chiens n'en finissaient pas…
– Ça suffit ! Stop !
Les quelques mots, prononcés assez fort pour se faire entendre des chiens, furent suivi d'un sifflement. Presque aussitôt, le berger belge se retira du corps d'Ernest, et quelques secondes plus tard, le beauceron l'imita. Mais ce ne fut pas le cas du boxer qui continuait à mordre une épaule du mutant. Un choc, et la pression là aussi s'arrêta : le boxer venait de recevoir un coup de pied puissant qui le dégagea de sa proie.
Une main gantée releva alors le garçon, le saisissant puissamment au niveau du cou, puis le levant à un bon mètre du sol comme s'il n'avait rien pesé. Elle appartenait à un colosse. Il portait un unique gant en cuir épais qui lui remontait jusqu'au coude, un débardeur et un pantalon militaire. Ses cheveux étaient courts et brun, son regard dur. À ses côtés, il y avait deux hommes du même genre, rangeurs aux pieds, des airs de milicien. L'un d'entre-eux était afro-américain, les deux autres, dont celui qui maintenait Ernest en hauteur, étaient européens. Mais aucun n'était connu du mutant.
– Putain, il a bien morflé, s'exclama le colosse.
– Ouais. On est arrivé à temps, répondit l'afro-américain.
– Par là, indiqua le troisième homme, en pointant du doigt une des colonnes de la pièce.
S’exécutant, le colosse porta Ernest jusqu'à la poutre, et lui colla assez brutalement le dos contre le métal, sans se soucier des blessures qu'il pouvait avoir.
– Bon, le matos, fit-il.