Nexus est une cité immense. Vous pourriez passer des semaines à l’explorer et découvrir encore des nuances qui vous y étaient jusque là inconnues. De toutes cultures, extractions et moralités, les résidents de Nexus, permanents ou de passage, pouvaient être de parfaits gentilhommes ou représenter la lie la plus basse de toutes les races. Beaucoup d’aventuriers et de visiteurs apprenaient la dangerosité de cette ville à leurs dépends.
La bande de l’ogre Gros Simon, constituée de quelques humains et de métahumains, mais pas de Terranides, avait pour coutume de croiser les jolis quartiers en fin de journée, quand les bonnes gens étaient rentrées et avant que la milice ne commence à tourner pour les en chasser. Ils s’amusaient en grattant leurs noms sur les murs, en détroussant les retardataires et en abusant des domestiques terranides, toujours à l’ouvrage et dénués du moindre droit. Accompagné de trois acolytes, un humain, un ogre et un elfe, le Gros Simon guettait une rue bourgeoise depuis une allée de service. Il avait appris que la banque locale allait fermer plus tard, et certains de ses employés travaillaient sûrement ici. Les banquiers aimaient étaler leur richesse sur eux, comme un signe de compétence -« Je fais tellement fructifier votre argent que je peux me permettre de m’en mettre plein les poches ! »-.
Mais, pour le moment, il n’y avait aucun bourgeois à l’horizon, et les truands s’ennuyaient ferme. Ils auraient pu tirer parti de n’importe quoi pour s’amuser un peu avant d’être peut-être obligés de rentrer bredouille ; et le Destin les exauça ! Déboulant dans la rue en trottinant, une Terranide -pensaient-ils-, insouciante, cornue et charnue, découvrait Nexus dans les couleurs brûlantes de la fin de journée. Le soleil déclinant baignait le paysage de roses et de rouges tandis que le ciel semblait s’embraser de nuages de feu. N’importe quelle personne ayant passé sa vie dans un sinistre donjon ne ferait attention à rien d’autre qu’aux ombres de la fin d’après-midi glissant sur les colonnes et les statuettes des riches demeures de ce coin de la ville. N’importe qui, même sans cela, tomberait dans le piège du Gros Simon.
Quand Orphée arriva à leur niveau, les quatre ordures s’emparèrent d’elle et la tirèrent à l’intérieur de l’allée sombre. L’agrippant par ses formes, la violant déjà par leurs simples prises et leurs rires comblés, Ils lui arrachèrent ses armes, s’attaquèrent à ses vêtements. Elle avait beau se débattre avec énergie, les mains fermes des crapules déchiraient les coutures de sa tenue et menaçaient de la ceinturer pour de bon.
Heureusement pour Orphée -quoiqu’elle eut peut-être apprécié la finalité?-, le Destin n’avait pas mis le Gros Simon et ses sbires sur sa route pour leur plaisir à eux. L’agression s’arrêta bien vite, les criminels se taisant un à un tandis que des taches rouges baignaient leurs tenues crasseuses, et qu’ils s’écroulaient sur les pavés sans un autre bruit. Quand le dernier d’entre eux se tut, elle put voir un homme à la peau noire et à l’allure d’aventurier, avec un habit blanc et rouge et des pièces d’armure, ranger une épée dans sa glissière avec dextérité. L’homme s’avança vers elle et lui tendit une main volontaire.
« On dirait que je rentre pile à l’heure ! Rien de cassé, ma jolie ? »
Nul besoin de présenter l’Étoile Filante à beaucoup de femmes, de jouvencelles, de maris jaloux et de pères inquiets à travers Terra. Mais pour Orphée, il restait peut-être un parfait inconnu ? En tout cas, il ne prit pas la peine de se présenter de prime abord, considérant que son allure et sa démonstration suffiraient à lui rappeler quelque chanson héroïque ou romantique sur lui. La vanité dans toute sa splendeur !
