Knaël voyait un peu de tout… Et surtout du bon, en fait. Elle observait l’équipement des homes, leurs tatouages, leurs écussons. Il y avait des indépendants, mais la plupart de ces types étaient envoyés par des guildes privées. La prime de Rayla était suffisamment alléchante pour attirer n’importe quelle guilde désireuse, non seulement de toucher la prime, mais aussi de bien se faire voir des pouvoirs publics. Bras croisés, Knaël regardait ce monde. Elle espérait surtout pouvoir obtenir des informations sur Baram. Rayla avait l’air décidé à le traquer, et la Nephalem savait que la Comtesse était une femme relativement influente au sein de l’Empire. Lagarde était un carrefour commercial important, et aussi une place forte ashnardienne, permettant à l’Empire d’assurer sa domination sur une partie des frontières externes, notamment sur les routes commerciales. L’Empire avait besoin de Lagarde, et Rayla, ce faisant, disposait d’une place prépondérante. Ceci expliquait la splendeur de sa ville. Lagarde s’étalait sur toute une montagne, ressemblant à une sorte de vaisseau spatial tekhan, le haut-plateau maintenu par des sorts magiques extrêmement puissants. Une construction qui défiait la Nature.
Le regard de Knaël se déplaça alors sur une femme partiellement nue, et elle fronça lentement les sourcils en la reconnaissant. Raegan. L’autoproclamée Générale des Armées. Une démone qui rêvait de se venger de Nexus. L’Empire s’était renseigné sur elle, et, grâce à ses contacts au sein de l’administration impériale, Knaël savait que les Impériaux éprouvaient des sentiments mitigés à son égard. D’un côté, tout ennemi de Nexus était potentiellement un allié, mais, d’un autre côté, l’Empire n’aimait pas trop les milices privées échappant totalement à son autorité. C’était, en soi, plutôt logique. L’Empire était une puissance hégémonique, voulant imposer son autorité sur tout Terra. Or, des forces privées, indépendantes, étaient une atteinte à cette hégémonie, une manière de rappeler que la puissance étatique n’était pas la seule à disposer du monopole de la violence légitime. Les Ashnardiens ne pouvaient logiquement pas tolérer cela, tout en sachant toutefois que, face à un adversaire aussi puissant que Nexus, des alliés supplémentaires étaient nécessairement requis pour en venir à bout. Que faisait Reagan ici ? Knaël pensait le deviner… Baram et sa horde étaient des guerriers surnaturels, suffisamment puissants pour attirer n’importe qui… Elle devait penser pouvoir le recruter dans son armée, car, de ce que Knaël savait, l’armée de Reagan n’avait d’armée que le nom. Et les rapports estimaient que Reagan était passablement folle… Plus Knaël la regardait, et plus elle sentit un frisson la traverser.
*Mon côté angélique éprouve une étrange répulsion…*
Le passé de Reagan était nimbé de mystères, et les Ashnardiens ayant enquêté sur elle estimaient que sa haine pour Nexus venait d’une peine de cœur avec un ancien seigneur nexusien, qui avait été tué lors d’un incendie. L’origine de l’incendie n’avait jamais pu être établie avec certitude. Sa demeure avait brûlé, et la version officielle, celle qu’on donnait pour éviter de s’attarder sur des vérités dérangeantes, était que la demeure avait brûlé accidentellement. Knaël sentait une aura infernale dans cette femme… Comme si une sombre présence s’était abattue sur elle, et, peu à peu, l’emmenait sur les chemins de la perdition. Une force sombre et ténébreuse.
« Baram dirige une cohorte de Barbares surpuissants, qui ont déjà mis en pièce plusieurs régiments lancés à leur poursuite. Ils s’en prennent à des hameaux isolés, des caravanes marchandes, et se terrent dans les montagnes aux frontières du comté. »
Knaël tâcha de s’intéresser au discours, tout en continuant à penser à Reagan… Pourquoi est-ce que cette femme l’obsédait ? Elle n’aurait pas su le dire… Pour l’heure, en tout cas.
« Baram dispose de deux lieutenants, qui dirigent chacun ses raids : Masyaf, son petit-frère, un sauvage cruel, et Kromell, un guerrier sanguinaire. Si vous voulez remonter jusqu’à Baram, il faudra neutraliser l’un de ces deux hommes. Par ailleurs, nous sommes prêts à offrir une récompense de mille pièces d’or pour chaque tête de Barbare de cette Horde que vous nous rapporterez. Concernant Kromell et Masyaf, si vous nous les amenez vivants, la récompense sera de 50 000 pièces d’or pièce. Concernant Baram, le prix monte à 100 000 pièces d’ors. Mort, ce sera à chaque fois la moitié de la somme pour chaque. De même, si vous nous amenez des informations sur la cachette de la Horde, selon l’utilité de ladite information, la récompensera variera entre 5 000 et 50 000 pièces d’ors. »
Les guerriers des guildes notaient, tandis que Knaël ne pouvait qu’être impressionnée devant cette somme impressionnante. Rayla avait de l’argent, et, pour autant, les rapports impériaux sur Lagarde estimaient qu’elle n’extorquait pas particulièrement ses citoyens. Le comté disposait de nombreux impôts directs et indirects, mais c’était le lot commun à toutes les seigneuries ashnardiennes, ou même nexusiennes. Il n’y avait donc là rien de surprenant.
« Par ailleurs, je dois vous informer que, si les agissements de Baram continuent, le Gouverneur dépêchera une Légion Impériale. Ce faisant, la prime sera caduque, ou, à tout le moins, diminuera fortement. »
C’était une manière comme une autre d’inciter les mercenaires à se dépêcher. Knaël n’était pas rassurée. Avec toutes ces personnes, la concurrence serait rude, et des alliés providentiels risquaient de se transformer en ennemis redoutables. La Comtesse n’ayant aucune information précise sur l’emplacement des Barbares, elle se contenta de congédier les mercenaires. Knaël, proche de Reagan, posa alors une main sur l’épaule de cette dernière… Car elle avait compris l’origine du trouble chez elle.
« Je sens en toi l’empreinte d’un Prince des Enfers, Reagan. Je me nomme Knaël, et je voulais te mettre en garde. Les Princes Infernaux ne servent que leurs propres intérêts. »
Knaël avait beau être une guerrière redoutable, elle était aussi semi-angélique, ce qui l’amenait à éprouver de la sympathie. Cette femme avait souffert, Knaël le sentait… Et elle attirait des regards bien curieux, notamment de la part d’un mercenaire, qui observa son cul en rigolant grassement.
« Joli boule, chérie, commenta-t-il en renâclant grossièrement. Tu prends combien ? »