Le sorceleur était à court d'argent et aucune mission ne s'était présentée quand, se promenant parmi les étals du marché, il avait vu, placardé sur le panneau d'affichage une prime de 1 500 pièces d'or pour la tête d'un Basilic. Il émit un sifflement admiratif : c'était une sacré somme, qui pourrait subvenir à ses besoins pendant deux bons mois entiers.
Ne voulant pas laisser une si belle occasion lui passer sous le nez, il se rendit aussitôt vers l'endroit où avait été vu le monstre pour la dernière fois : vers le bord de mer, non loin d'un village côtier nommé Landow. Il découvrit sur place des traces de lutte : quelques armes gisant sur le sable, des boucliers réduits en miettes, signe que la créature était dotée d'une force extraordinaire, des trainées de sang, des gouttes d'un venin corrosif ; il n'y avait pas de cadavres, signe que le Basilic avait dû les emporter pour s'en repaître. Il n'y avait nulle empreinte de la créature, seulement des traces de reptation.
- Hum, le "Basilic" en question est plus une sorte de serpent de mer géant... dit Kolgrim à voix haute. Il suivit les traces du reptile et vit qu'elles menaient à une grotte se trouvant dans une crique. Il leva les yeux au ciel : selon la position du soleil, on devait être aux environs de midi. Il rebroussa chemin et s'installa dans un coin tranquille où il alluma un feu.
Durant les heures qui suivirent, il se confectionna une potion de Loriot Doré, destinée à le protéger des poisons, affuta la lame de son épée d'acier, vérifia l'état de son arbalète, fabriqua une bombe Vent du Nord et une autre portant le nom poétique de Rêve de Dragon.
Quand vint le crépuscule, il rassembla son matériel, enduit son épée d'une huile spéciale contre les créatures de type draconide, auquel appartenait le Basilic et se dirigea vers la crique.
Quand il y parvint en vue, il but le Loriot Doré et grimaça de dégoût : la potion avait vraiment un goût infect et il attendit quelques secondes, le visage crispé, que son organisme de sorceleur l'assimilât. Il vérifia une dernière fois l'état de son matériel et attendit la venue de la nuit. Kolgrim ne laissait rien au hasard : les Basilics, aussi puissants soient-ils, avaient besoin de dormir ; en outre, quand ils avaient l'estomac plein, ils étaient moins vifs, leurs mouvements et leur corps engourdis par la digestion.
Bien entendu, ce n'était pas glorieux mais il n'en avait cure : il était un professionnel, pas un chevalier errant. En outre, vertueux ou pas, on était tous comestibles pour ces sales bêtes...
C'est alors qu'il aperçut au loin une forme humanoïde entrer dans la caverne.
- Oh merde, quel amateurisme ! pesta-t-il, pensant avoir affaire à un concurrent, désirant lui aussi toucher la récompense. Le soleil n'était pas encore tout à fait couché et il y avait fort à parier que le monstre était encore éveillé. Jurant comme un charretier, le sorceleur se précipita à toute vitesse vers la grotte, espérant qu'il n'arriverait pas trop tard pour sauver les fesses de l'inconscient qui venait d'entrer.
L'intérieur était sombre mais pour Kolgrim cela n'était pas un gros problème puisque sa vision s'adaptait à l'obscurité ambiante. Il avait fait à peine quelques mètres quand il ressentit une vibration se répercuter à travers la caverne tandis qu'un bruit de rocher brisé se fit entendre.
- Bon ben mon concurrent a trouvé le Basilic. Enfin, plutôt l'inverse... dit-il tout bas. Un hurlement strident retentit alors dans la grotte, signe que l'autre devait avoir survécu à la première attaque et s'apprêtait à subir la seconde. Silencieux, il courut dans la direction d'où était venu le cri tout en armant son arbalète d'un carreau explosif.
Une fois sur place, il vit un serpent géant, sans nul doute une sous-catégorie, maritime, de Basilic, se préparer à cracher son venin sur la personne qu'il avait vue auparavant. Elle ne semblait pas blessée mais il fallait faire vite : Kolgrim pointa son arbalète vers la gueule du monstre et tira : le carreau manqua de peu sa cible et explosa à quelques mètres d'elle ; cet échec eut au moins l'avantage de détourner l'attention du monstre de sa proie.
Surpris, le Basilic se mit à siffler de colère et se dirigea vers l'endroit d'où était venu le projectile. Kolgrim, se servant du décor naturel, avait bougé de rocher en rocher, se dissimulant ainsi aux regards de la bête.
L'affrontement direct ne valait rien avec ce type de créature, il valait mieux user de tactiques de guérilla.