Libération [Mélisandre Swann]

Elle ferma les yeux, souriant quand l’une de ses servantes caressa son ventre.

« Elles ne bougent pas ? »

Sha rigola doucement, et releva les paupières.

« Elles sont encore un peu trop jeunes pour ça, ma chérie... Mes bébés ne sont encore que des fœtus en formation. Je pourrais accélérer leur formation, mais il y aurait des risques sur leur santé mentale et leur évolution.
 -  Oh... »

La jeune femme hocha la tête, impatiente de pouvoir sentir les bébés de sa Déesse commencer à remuer. Et il fallait bien dire que Sha l’était également. Allongée dans un grand bassin, elle se prélassait, au milieu de multiples servantes nues ou dans des tenues très légères, qui la caressaient, la léchaient, la parfumaient, ou discutaient entre elles, voire s’embrassaient ou se faisaient l’amour. C’était un grand bassin qui n’était pas sans rappeler à Sha l’époque lointaine, où elle était une Déesse égyptienne. Elle avait construit ce bassin dans cette idée, et il y avait, tout autour de ce dernier, des colonnes en marbre. L’endroit était éclairé et aéré, avec quelques fleurs de lotus qui flottaient à la surface.

Sha avait une nouvelle demeure. Près de son Temple, elle avait bâti une forteresse. Un immense château construit en des temps records grâce à la magie et aux multiples Orcs qu’Açoka avait réussi à contrôler, depuis son séjour à Tonnefoudre. Les Orcs avaient été très efficaces, soulevant d’énormes charges de travail. Sanguilia, sa nouvelle femme, avait inauguré comme il se fallait les lieux, et, après cette grande fête, Sha avait donné à ses femmes ses derniers ordres de mission avant leur repos, forcé, pour qu’elles puissent accoucher de leurs bébés.

Un repos forcé, car Kiriko et Açoka étaient de vraies teignes, et, même si elles avaient pu commencer à se voir autrement que comme des rivales, il y avait toujours une forte rivalité entre elles. Kiriko était partie pour Galbadia afin de mener une mission importante, et Açoka, elle, était restée, et formait ses troupes, notamment les Paladins Noirs, le corps d’élite de Sha, avec l’aide de Zirael, qui dirigeait concrètement cet ordre, depuis qu’elle avait été convaincue de rejoindre les services de Sha.

Le bébé de Kiriko se portait bien, et, en fermant les yeux, Sha vit que sa femme à la combinaison violette était sur le pont du bateau, longeant les côtes de Galbadia. Elle s’intéressa ensuite à Açoka, perpétuellement reliée à ses femmes, et la vit se battre avec Zirael. Sha continua ensuite à méditer, heureuse et détendue. Maintenant que Kiriko avait réussi les Épreuves de Wallündrill, et que Sha était enceinte, des pans entiers de sa mémoire lui revenaient à l’esprit.

Pourtant, il y avait toujours une partie de son passé qui continuait à bloquer. Des fragments liés à son bannissement, mais qui impliquaient une femme... Sha se sentait proche d’elle, et avait, peu à peu, en faisant des efforts, retrouvé son identité. L’une de ses plus proches de sorcières de l’époque, connue pour ses talents exceptionnels d’herboriste et d’alchimiste, Mélisandre. Sha avait cherché à retrouver son âme, mais n’avait trouvé aucun signe de réincarnation.

*Et, cette fois, je crois bien avoir trouvé quelque chose...*

Sha se releva brusquement, surprenant ses servantes.

« Je dois m’absenter, les filles. Ne vous inquiétez pas, je reviendrais vite. »

Et, sans guère plus de cérémonial, elle se téléporta brusquement.


Ayant enfilé son manteau noir, Sha arriva devant une singulière grotte, au beau milieu d’une épaisse forêt, et fronça lentement les sourcils en dévisageant les lieux. Était-il possible que ce soit là ? Pendant qu’elle méditait dans le bassin, elle avait perçu un écho, un soupir lointain... Elle se rapprocha de la grotte, marchant sur des racines, des herbes sauvages. Un ancien sentier était là, totalement recouvert au fil du temps.

La grotte se trouvait à l’entrée d’un énorme massif montagneux, dans l’un des endroits les plus dangereux du monde. Sha s’y aventura, sentant toujours ce trouble, et comprit rapidement, en atteignant le fond de la grotte, qu’il y avait quelque chose d’anormal ici.

Elle ne vit en effet aucun nid, aucun monstre, alors que cet endroit aurait été le refuge idéal pour des kikimorrhes, ou d’énormes ours. Mais il n’y avait rien, rien d’autre qu’un mur nu et sauvage. Sha le caressa du bout de la main, avant de se concentrer. Ses yeux s’illuminèrent, tandis que ses lèvres émirent une élégante mélopée magique, puis, devant elle, le long du mur, de multiples arabesques violettes apparurent, formant un sceau complexe et solide, mais qui avait commencé à s’atténuer avec le fil du temps. Ici et là, elle voyait des traces effacées, soit autant de brèches que l’Ombre avait pu utiliser pour percevoir les échos distants et lointains de la femme prisonnière à l’intérieur.

*Mélisandre...*

L’Ombre se concentra alors, et força le passage. La magie se mit à vibrer autour d’elle, le glyphe résistant à son attaque... Mais ce dernier finit par se fissurer, puis explosa brusquement, faisant disparaître d’un coup le mur, révélant... Des murs ancestraux en pierre, formant l’entrée d’un escalier s’enfonçant dans les profondeurs.

*Une crypte...*

Intriguée, Sha allait s’avancer, quand une silhouette apparut devant elle. Une créature spectrale aux formes langoureuses, qu’elle reconnut bien, et amena un rictus sur ses lèvres.

Héra !

Il était arrivé quelque chose de terrible aux Olympiens. Et, d’une manière ou d’une autre, Sha savait qu’Héra y était liée. Aussi sévère que belle, la Mère de l’Olympe avait toujours souffert du caractère très volage de Zeus. En d’autres temps et en d’autres lieux, Zeus avait été un Roi charismatique et relativement charmant, compréhensif et tolérant... Avec une forte propension au badinage. La jalousie d’Héra était, de fait, très connue, et Sha savait que c’était cette jalousie qui avait conduit Héra à utiliser l’un des plus redoutables maux de l’Olympe.

Jadis, l’Olympe avait participé au Grand Conflit, à la grande bataille contre les Grands Anciens. Et, après avoir banni les Grands Anciens, les Olympiens avaient traqué leurs héritages. Ils avaient pourchassé les maux des Grands Anciens, dont la plus grande capacité était leur pouvoir corrupteur très élevé. Ils n’avaient pas pu détruire cette corruption, et l’avaient scellé dans une boîte magique, la Boîte de Pandore. Depuis lors, la Boîte faisait partie des trésors de l’Olympe. Sha avait récemment appris que la Boîte avait été ouverte. Depuis lors, les Olympiens avaient changé. Les maux de la Boîte les avaient corrompus, et Sha avait tenté de les soigner... Mais avait échoué.

*Tout cela est malheureusement encore flou...*

L’Ombre retrouvait peu à peu la mémoire, et observait silencieusement Héra, avant de lui répondre.

« Tu as trahi les tiens, Héra. Ta jalousie a damné ta propre famille... Mais, pire que tout, tu as osé séquestrer l’une de mes sorcières ! »

Et ça, c’était impardonnable. Héra n’en sembla toutefois guère navrée, et Sha vit alors d’horribles gargouilles fondre vers elle. Sa main se leva, et généra autour de son corps un bouclier. Les gargouilles rebondirent dessus, heurtèrent le sol, et hurlèrent de rage, avant de se ruer à nouveau sur elle. Sha était une Déesse puissante, d’autant plus que, depuis les Épreuves de Wallündrill, elle avait, tout en recouvrant ses souvenirs, également retrouvé ses pouvoirs. Un rayon noir jaillit de sa main, et frappa l’une des gargouilles. Un tir qui aurait fait exploser une gargouille normale, mais qui se heurta aux écailles en obsidienne de la créature, la faisant reculer.

Les gargouilles ouvrirent alors leurs gueules, et des rayons magiques jaillirent, heurtant le bouclier de Sha, ébranlant ce dernier. L’Ombre fronça les sourcils, et concentra davantage sa magie.

« Ne... Me... Provoque pas... HÉRA !! »

Sha se concentra encore, et fit exploser la magie autour d’elle, dans une déferlante qui repoussa à nouveau les gargouilles, et en fit exploser plusieurs. Elle se déplaça ensuite, se téléportant dans des volutes d’ombre, et atterrit en bas de l’escalier, avisant un couloir sombre. Elle claqua des doigts, et des flammes bleues s’allumèrent le long de torchères, éclairant le couloir. Sha s’avança un peu, et fronça les sourcils en voyant, sur le sol, recouvert de poussière, un sceau. Celui de l’Olympe.

L’Ombre entendit alors du bruit dans son dos, et se retourna... Mais pas assez rapidement. L’une des gargouilles la heurta de plein fouet, la renversa sur le sol, avant de chercher à la mordre... Sha se débattit alors en utilisant un puissant sort d’Air, qui repoussa le monstre, l’envoyant heurter un mur. Ce dernier tenta à nouveau de filer vers elle, mais, profitant de l’obscurité ambiante, Sha généra des tentacules noirs, qui jaillirent du mur, et s’enroulèrent autour de la gargouille, cherchant à la retenir.

Les écailles en obsidienne mettaient cependant les tentacules à rude épreuve. Sha les maintenait d’une main, les reconstruisant quand ils étaient détruits, et, avec son autre main, généra au-dessus d’elle une série de cônes en glace, les transformant en longs pieux, puis les abattit successivement sur la gargouille, ébréchant ses écailles. Las, la bête réussit à s’arracher à ses liens, et courut à nouveau vers Sha.

« Tu es tenace, toi... »

Elle le laissa s’approcher... Puis leva deux doigts. Le sol se mit à trembler devant elle, et une colonne de terre et de pierre jaillit alors, et frappa la gargouille, avant de l’envoyer s’exploser contre le plafond, tombant en morceaux.

Sha soupira ensuite, et observa la grande salle dans laquelle la gargouille l’avait envoyée, ses quelques rares plaies disparaissant instantanément... Et son pied heurta alors une toile d’araignée posée sur le sol. Sha se pencha vers la toile, et l’attrapa des doigts, l’examinant...

*Ce n’est pas de la soie ordinaire... Elle est chargée en fines particules magiques.*

Et puis, s’il y avait de la soie d’araignée, c’est qu’une araignée avait dû le faire.

Or, le sceau magique d’Héra avait été particulièrement efficace. Aucun insecte n’avait pu passer dans cette crypte.

Cette soie ne pouvait être que produite par Mélisandre. Sha se déplaça alors, cherchant sa trace... Mais ne vit peu à peu que de la soie, recouvrant les murs, le sol, le plafond, de telle sorte qu’elle n’était pas capable de discerner la présence de la femme.

« Mélisandre ! l’appela-t-elle. Mélisandre ! »

Sha ne tint pas compte des provocations d’Héra. La Mère de l’Olympe était bien connue pour être une langue de vipère, et elle cherchait surtout des traces de Mélisandre. Finalement, la Mère de l’Olympe lui ordonna de venir. Sha resta encore silencieuse, tout en cherchant aussi, à travers les toiles, autre chose... La source du pouvoir d’Héra dans cette crypte. Quand elle avait touché le sceau, elle avait pu sentir une trace de sa magie, et avait ensuite, à partir de ce point précis,  commencé à quadriller la zone. Elle sortit néanmoins brièvement de ctete recherche en voyant une silhouette massive se rapprocher, et vit finalement... Une impressionnante Drider qui se posta devant elle. Les yeux de Sha s’écarquillèrent sous la surprise, elle qui se rappelait de Mélisandre sa longue chevelure blonde, ses yeux cendrés, et ce visage noble et élégant qu’elle portait.

« Mélisandre... »

Plutôt que de parler, Mélisandre se mit à pleurer, et se ratatina sur place, pendant qu’Héra continuait à parler, chaque mot étant comme un coup de couteau planté dans le corps de la Drider. Elle évoqua alors « Hélène », et Sha eut un nouveau flash, une brève vision...

...Celle d’une jeune fille qui lui souriait, tout en courant le long d’une plaine longeant un cour d’eau, avant de se poster devant, et de se concentrer, générant des tentacules aqueux qui se redressaient fièrement et se multipliaient. Sha souriait alors, sa main jointe à celle d’une magnifique femme, et elles s’embrassèrent tendrement...

« Hélène... Ma fille... »

Sha prit soudain conscience qu’elle avait eu une autre fille, qui avait disparu. Hélène... Et Héra indiqua alors que Mélisandre l’avait dévoré. Sha écarquilla les yeux sous la stupeur, et regarda le corps de la Drider, recroquevillé sur le sol. Mélisandre continuait à pleurer, et Héra se mit à rire, un rire dément. Serrant le poing, Sha la regarda alors.

« Tu as tué une enfant, Héra ! Ta jalousie envers Zeus t’a rendu complètement folle. Toi et les tiens m’avez fait tant de mal... Je te garantis que tu me le paieras, Héra. »

L’Ombre venait de repérer une statue abritant un puissant phylactère, et généra autour de la statue sa magie. La statue d’Héra se fissura, vibra sur place, puis explosa brusquement, et le phylactère en fit de même. La maudite silhouette d’Héra disparut alors, et Sha sentit ses pouvoirs magiques lui revenir.

Un moment de silence s’instaura alors. Mélisandre pleurait, confuse, enfermée ici depuis des siècles, les sorts magiques d’Héra l’empêchant de mourir de faim. Sha se rapprocha alors d’elle, et fléchit les genoux, puis posa ses deux mains sur les joues de Mélisandre.

« Mélisandre... Ma chérie... »

Sha soupira alors, et des larmes coulèrent à son tour de son visage, tombant sur les cheveux de la Drider. Elle avait encore conservé sa longue chevelure blonde, et Sha releva son visage, sentant une vague forme de résistance de la part de la femme.

« Non, Mélisandre, non, ne me résiste pas... Je t’interdis de pleurer, ma chérie. C’est moi... Moi qui ai failli à mes obligations à ton égard. »

Elle l’embrassa sur le front.

« Héra a tué notre fille, Mélisandre... Elle a tué Hélène. Tu n’as été que l’instrument de sa folie et de sa démence, je t’interdis, tu m’entends... Je t’interdis d’endosser cette responsabilité ! »

Sha soupira encore, se pinçant les lèvres, puis continua à caresser ses joues. Elle se concentrait, et utilisait sa magie pour s’immiscer dans l’esprit de la femme, et la détendre, dans la mesure du possible.

« N’essaie pas de parler... Pas encore. Je n’ai pas pu te protéger d’Héra et de sa folie, Mélisandre, mais... Je te promets de me rattraper. Plus jamais elle ne te fera du mal, mon bébé. Et peut-être que tu pourras un jour me pardonner de n’avoir pas su te protéger... »

Comment Sha aurait-elle pu en vouloir à Mélisandre ? La Drider n’était qu’une victime de la folie d’Héra !

Sha était sincèrement désolée, et, ce faisant, baissa sa garde... Une erreur fatale, car un dard se planta brusquement dans son flanc. Ses yeux s’écarquillèrent, et elle hoqueta de douleur, avant de sentir Mélisandre se redresser brusquement, la saisir à la gorge, et la plaquer au sol.

« Aaaarrrgh... !! »

Elle serra les dents, comprenant qu’Héra s’était jouée d’elle depuis le début. Quelle idiote ! Comment avait-elle pu croire que Mélisandre, sa fière guerrière, sa puissante et noble sorcière, se mettrait à pleurer et à se ratatiner sur place ? Sha ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Elle avait foncé tête baissée dans un piège grossier, sous-estimant la vilénie d’Héra. Elle savait que le poison ne la retiendrait guère, et voulait mettre ce temps à profit pour porter un coup fatal à ses enfants.

L’idée horrifia Sha, mais, d’un autre côté, elle n’avait pas envie de s’en prendre à Mélisandre... Mais il s’agissait de protéger ses enfants ! Mélisandre leva bien haut son bras, et s’arrêta brusquement, entamant un coup de poing qui aurait pu avoir des conséquences terribles... Sha l’observa sans rien dire, en puisant dans sa magie blanche pour soigner et purger ses veines de ce poison.

« Mé-Mélisandre... »

Du fond de sa psyché, la Drider communiqua à Sha, et lui indiqua comment faire pour mettre fin à l’envoûtement d’Héra. Cette dernière se redressa, et Sha soupira, en voyant, à travers la magie, l’aura d’Héra envelopper le corps de Mélisandre. Elle serra les lèvres en se redressant lentement, Mélisandre la dominant de toute sa hauteur. La Drider était vraiment très impressionnante, et se mit à ricaner dangereusement devant elle.

« Tu... Tu vas payer pour tout ça, Héra... Mélisandre ne t’appartient pas, libère-là ! »

Le poison se dissipait dans ses veines.

« Désolée, Mélisandre... Je vais devoir te faire du mal, ma chérie... »

Les mains de Sha se tendirent vers elle, et des éclairs noirs fusèrent, frappant la créature. Las, Mélisandre s’avérait être très résistante, et bondit brusquement vers Sha, qui se téléporta, évitant son attaque, atterrissant quelques mètres plus loin. Mélisandre bondit alors vers elle, montrant que, tout en étant lourde et grande, elle pouvait aussi se montrer très rapide. Sha dut à nouveau se téléporter, évitant sa charge. La Drider défonça un mur sous sa rapidité, et Sha concentra à nouveau sa magie. Même si le poison se retirait, il était toujours là, l’empêchant de se concentrer, de réunir correctement son énergie magique.

Le temps que Mélisandre ressorte du mur qu’elle avait défoncé, Sha avait concentré des cônes de glace, et les abattit sur elle. Ils explosèrent contre son corps, ne la blessant que superficiellement, provoquant à nouveau les moqueries d’Héra. La Drider bondit à nouveau vers elle, et Sha se protégea avec un bouclier. Les griffes de son amie entaillèrent le bouclier, et les puissantes pattes de la bête s’abattirent dessus, le faisant exploser... Puis les griffes de la Drider fusèrent vers elle. Sha évita de justesse l’attaque, qui visait son ventre, mais les griffes entaillèrent malgré tout sa chair, faisant couler son sang.

Mélisandre la chargea alors avec ses mandibules, et Sha tomba au sol, s’écroulant devant la femme, qui appuya de tout son poids sur ses jambes et le bas de son ventre, heurtant l’emplacement de son utérus.

« Hmmmm... ! »

Elle sentit Mélisandre l’écraser, usant de tout son poids.

Sha gémit encore.

« Non... Pas... Pas mes bébés... ! »

Héra ricana alors, rapprochant doucement son visage, comme pour voir le désespoir sur le visage de sa rivale... Et, ce faisant, commit elle aussi une erreur. Sha fronça alors les sourcils, et ouvrit la bouche. Une longue langue reptilienne jaillit alors, et heurta le front de Mélisandre, attaquant la gemme rouge située au milieu de son cristal, et la fendilla. Surprise, Mélisandre se redressa, et Sha, profitant de la faiblesse qu’elle avait simulé, se redressa brusquement.

« Tu ne t’en prendras plus à moi, Héra... Ni à mes enfants, et encore moins à mes sorcières... DISPARAIS ! »

Sha concentra des éclairs dans ses doigts, et envoya un trait très précis, un éclair qui heurta la gemme endommagée par son coup de langue tranchant... Et la gemme explosa pour de bon.

Mélisandre était enfin libérée de la prise d’Héra sur elle.

Sha sourit alors... Et cracha alors du sang.

« Hooo... »

La tête lui tourna alors, le poison remontant en elle... Et elle s’écroula sur le sol.

Quand Mélisandre rouvrit les yeux, elle dut constater qu’elle était... Ailleurs.

Une incroyable sensation de douceur et de chaleur devait l’entourer. Pour une fois, elle n’était plus sur les parois nus de sa grotte. Quelle était donc cette étrange texture ? Il lui faudrait sûrement un peu de temps pour reconnaître le contact agréable et doux du lit dans lequel elle était plongée. Nue, une couverture remontait jusqu’à hauteur de ses seins, et on avait tiré les rideaux de la chambre, empêchant ainsi de l’aveugler avec la lumière du soleil, lumière à laquelle la jeune femme ne devait plus être habituée, tant elle en avait été privée.

Les minutes passèrent, et, en réalité, la femme sombra à plusieurs reprises. La malédiction cessant, son corps retrouvait ses propriétés naturelles. Héra avait maintenu artificiellement en vie la femme grâce à son énergie divine, et la malnutrition s’empara d’elle. À plusieurs reprises, elle émergea en voyant des femmes près d’elle, lui faisant boire des potions, des herbes, mais ces rares moments de conscience disparaissaient vite, les sages-femmes l’aidant à dormir.

Finalement, le réveil définitif de Mélisandre eut lieu. Elle avait rapidement retrouvé sa morphologie usuelle, mais était encore très maigre. Elle était seule dans une grande chambre, avec un lustre au plafond, et de grands tableaux. Elle put également constater que le sang circulait de nouveau dans ses jambes. Une bourrasque de vent venait de la droite, écartant des rideaux. Mais ce qui devrait sans doute attirer davantage son attention fut le plateau-repas en argent sur une table de chevet à droite, comprenant du pain frais, et de l’eau. Ses lèvres étaient encore tuméfiées, même si on l’avait beaucoup fait boire. Non, elle ne rêvait pas.

Alors que Mélisandre finit par manger, tant son ventre devait gargouiller, la porte de sa chambre s’ouvrit. Des bruits de talons claquèrent sur le sol, puis, quand elle leva la tête, elle put voir la femme qui l’avait secouru de son cauchemar...

Sha !

Portant un élégant manteau bleu en fourrure, elle avait, comme à son habitude, une large ouverture le long de son ventre, et sourit en se rapprochant d’elle.

« Enfin réveillée, ma beauté ? »

Elle se téléporta, et arriva sur le lit, s’asseyant dessus, et caressa de sa main le visage de Mélisandre, avant de s’empresser de lui faire un câlin.

« Je dois te remercier... Ton sort de soin a été très efficace dans la crypte... Mais, comme tu peux le voir, tu en es sortie, ma chérie. »

Sha lui caressa les cheveux, et sourit à nouveau, serrant fort Mélisandre, embrassant ses cheveux.

« Tu es de retour à la maison, Mélisandre... Ta vraie maison. Et, cette fois-ci, je ne laisserai plus personne t’arracher à moi, plus jamais. »

Mélisandre pouvait pleurer si elle le voulait, Sha ne s’en formaliserait guère. Elle continuait à caresser ses cheveux, et détacha brièvement son visage.

« Et ceci pour te convaincre que tu ne rêves pas, Mélisandre... »

Sha se pencha vers elle, et l’embrassa tendrement sur les lèvres, pendant quelques secondes. Quoi de mieux pour la convaincre qu’elle ne rêvait pas ?

Ce bref frottement des lèvres stimula Mélisandre. Sha aurait pu lui faire un véritable baiser, mais elle préféra laisser le soin à Mélisandre. C’était un autre souvenir qu’elle avait d’elle. Quand elles formaient un couple, Sha s’amusait à l’embrasser légèrement, car, à chaque fois, Mélisandre revenait à la charge, et c’est ce qu’elle fit en ce moment. Dès que l’Ombre fit mine de retirer ses lèvres, Mélisandre se précipita contre elle, et l’embrassa férocement, fourrant sa langue dans sa bouche, confirmant ainsi que, malgré son état de fatigue, elle était toujours là, toujours aussi vivace. Sha soupira de plaisir, et posa ses mains sur les épaules de la femme, répondant naturellement à son baiser, son corps se serrant contre le sien.

Mélisandre avait passé plusieurs siècles dans cette crypte, emprisonnée par Héra. Même Sha n’aurait pas pu la sauver si Mélisandre n’avait été une puissante sorcière. Pendant les quelques jours où elle avait été dans le coma, Sha et ses sorcières avaient lutté, mais Mélisandre s’était aussi battue, intérieurement, pour survivre. Et Sha allait y revenir plus tard... Pour le moment, elle ovulait juste profiter du contact de sa sorcière, du fait d’en avoir retrouvé une. Mélisandre avait été un membre influent de son culte jadis, et Sha allait avoir besoin de son aide. Le baiser se prolongea donc, autant pour convaincre Mélisandre qu’elle ne rêvait pas, que pour célébrer leurs retrouvailles. Toute chose avait néanmoins une faim, et la sorcière rompit le baiser, puis commença à reprendre ses esprits, avant de s’excuser pour Hélène.

« Ce n’était pas ta faute, Mélisandre. »

Sa sorcière parla alors d’Héra, et la colère pointa dans son cœur... Mais son corps la rappela rapidement à ses limites. Sha poussa alors sur les épaules de Mélisandre, la forçant à se coucher.

« Je sais que tu as toujours eu horreur de ça, Mélisandre, mais, pour l’heure, il faut que tu te reposes. Tu sais, ça fait une semaine que je t’ai ramené dans mon palais, et une semaine que moi et les autres luttons pour que ton corps survive à tous les sévices que tu as vécu. »

L’Ombre lui sourit à nouveau, et sa main vint caresser les cheveux de la femme, avant de se poser sur ses lèvres.

« Et puis, tu as passé six siècles dans cette crypte... Le monde a changé depuis, Mélisandre. Il faut que tu te mettes à jour, ma chérie. »

Sha retira sa main, puis resta assise à côté d’elle. Il y avait énormément de sujets à aborder, alors elle commença par ce qui intéresserait le plus Mélisandre.

« Héra a perdu la raison, Mélisandre. Elle a toujours été très jalouse des relations de Zeus, et... J’étais l’une de ses amantes. Mais elle n’aurait jamais été aussi loin en temps normal. Elle... Elle a été manipulée, influencée par quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui a été jusqu’à réussir à la convaincre d’ouvrir la Boîte de Pandore. Ça ne signifie pas qu’Héra devra être épargnée, mais ça nous encourage à la prudence, Mélisandre. Ceux qui ont manipulé Héra ont rendu les Olympiens fous. Les Olympiens m’ont banni à cause de ça. La Boîte les a manipulés, a exacerbé leurs défauts. La soif de pouvoir de Zeus, la jalousie d’Héra... »

Elle se tut alors, et secoua la tête, puis se pencha vers Mélisandre, et l’embrassa.

« La guerre menace... Mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’heure, Mélisandre, je veux que tu saches que tu n’as rien à te faire pardonner. Hélène a été tuée par Héra... J’ai perdu bon nombre de mes enfants, mais je compte bien reconstruire une famille. De fait... C’est déjà en cours. »

Sha lui sourit alors, et attrapa la main de Mélisandre, la posant sur son ventre.

« Même s’ils encore au statut d’embryon, tu dois les sentir, non ? Mes deux bébés germent dans mon ventre... Et mes autres bébés dans les ventres des autres femmes. Et toi aussi, Mélisandre, tu porteras nos enfants. Six siècles se sont écoulés, mais ça ne change rien à l’amour que je ressens pour toi. C’est cet amour qui m’a permis de te retrouver, tu sais, malgré les sortilèges d’Héra. Je ne veux pas que tu sois dominée uniquement par la rancœur, Mélisandre, mais aussi par l’amour qui nous unit, car il n’y a que cette force qui amène à la construction... Et je veux reconstruire mon culte, où tu y as toute ta place. »

Sha sourit à son tour, en entendant Mélissandre parler de souvenirs heureux, à l’époque où elle était enceinte d’Hélène. Oui, Sha s’en souvenait. Mélisandre, si fière d’elle, avait toujours été une tête brûlée, mais, lors des dernières semaines, Sha lui avait interdit de faire trop d’activités, et avait soigneusement veillé sur elle... Ce qui, concrètement, avait passé par une intense activité sexuelle. Sha se rappelait même que, la veille de l’accouchement, elle continuait à pénétrer sa femme, faisant bien évidemment très attention à son bébé, mais sans la négliger. Mélisandre soupira alors, annonçant ne pas avoir la force de lui faire l’amour.

« Hm... Ce ne serait pas raisonnable, en effet, ma chérie. Mais... »

L’Ombre n’ajouta rien, car une forme bondit brusquement sur le lit, juste à côté d’elles. Mélisandre put rapidement voir de qui il s’agissait... L’un des éléments mignons du culte des sorcières, et, plus généralement, de la personnalité de Sha : un chat ! Un élégant chat noir venait d’atterrir sur le lit, observant de ses yeux diurnes les deux femmes. La main de Sha caressa alors la petite tête poilue du chat, et elle sourit. La queue caudale du félin se redressa, et il se mit à ronronner, tout en miaulant légèrement.

« J’ai oublié de te le dire, mais ma passion pour les chats n’a jamais diminué. »

Sha avait d’ailleurs diffusé un édit interdisant la chasse aux chats sauvages. Ces derniers devaient être capturés, et amenés au palais, afin d’y être nourris, traités, et d’y vivre ensuite. Mélisandre ne pouvait pas avoir oublier à quel point Sha aimait les chats. Après tout, le chat était le compagnon traditionnel des sorciers. Cette petite créature poilue avait la capacité de ressentir et d’absorber les énergies magiques. Les sorciers utilisaient ainsi les chats comme compagnons quand ils utilisaient des sorts de magie noire complexes, les chats agissant comme des éponges pour absorber les reflux d’énergie magique.

L’Ombre les aimait donc beaucoup, et, rapidement, le chat noir bondit sur Mélisandre, et se frotta contre elle. D’autres chats se rapprochèrent alors, poussant des miaulements et des ronronnements, venant se frotter contre les femmes.

« C’est vrai, Mélisandre... Tu es trop faible pour que je te fasse l’amour comme il se doit... Mais je peux t’offrir un délicieux avant-goût. »

Sha se redressa alors, et, devant Mélisandre, retira son manteau. Elle finit ainsi toute nue, et se concentra rapidement, en fermant les yeux. La magie l’enveloppa, et, quelques instants après, Sha se transforma. Elle prit une forme très particulière, disparaissant des yeux de Mélisandre... Avant qu’une chatte ne bondisse à son tour sur le lit.

« Mrrraaaawwww... !! »

C’était une magnifique chatte noire, avec des yeux blancs étincelants, qui se rapprocha de manière très féline, une patte après l’autre, et bondit sur le corps de Mélisandre, remontant doucement sur elle. Patte après l’autre, elle alla sur son ventre, puis entre ses seins, jusqu’à approcher son visage du sien. Une petite tête poilue aux oreilles triangulaires fixa les yeux de Mélisandre, avant de se pencher encore... Et de lécher ses lèvres.

Les autres chats agirent alors de concert, venant lécher les paumes de Mélisandre. La magie de Sha agit en ce sens, des tentacules fins et légers s’enroulant autour des poignets de Mélisandre, pour les clouer sur le lit, laissant ainsi le soin aux chats de lécher ses paumes, tandis que d’autres léchaient ses bras. Surtout, ses seins se retrouvèrent assaillis par les langues de plusieurs chats, qui léchaient ses tétons, frottaient leurs corps poilus contre sa peau. Un autre chat léchait directement son nombril, et d’autres léchaient également ses jambes, ainsi que son sexe, léchant sans hésitation ses lèvres intimes.

« Rrrrrrrrrrr...
 -  Rrrrrrrrrrrr... !! »

Et le tout, bien sûr, se faisait dans un incroyable concert de ronronnements, chaque chat vibrant de plaisir, provoquant chez Mélisandre une infinité de sensations exquises et délicieuses.

« Mraaaawwww...
 -  Miaaaaaaaaaaawww... !! »

Sha n’allait tout de même pas la laisser dormir sans profiter un peu de son corps. Mélisandre avait rapidement retrouvé des formes, et, même amoindrie, elle pouvait ressentir du plaisir. C’était là tout ce que Sha lui souhaitait. Mais les choses ne faisaient encore que commencer. Les tentacules retenant les poignets de Mélisandre disparurent très rapidement, lui laissant l’usage de ses membres, et Sha se désintéressa des lèvres de Mélisandre. Elle se retourna, et s’amusa quand même à caresser le nez et les lèvres de sa sorcière avec sa queue caudale, avant de se déplacer. Il était fréquent que Sha embête ses sorcières en prenant sa forme de chatte. Elle aimait souvent se glisser entre des sorcières ainsi, et se réveillait en se blottissant contre leurs bras. Sous sa forme de chatte, Sha voyait ses pouvoirs diminuer, mais ressentait les mêmes sensations qu’un chat. Elle était donc très sensible, et adorait les caresses.

Marchant sur le ventre de Mélisandre, elle se rapprocha du chat qui se tenait entre ses cuisses, et miaula contre lui, frottant son visage au sien, avant de lécher son cou. Les deux chats se frottèrent ensuite entre eux tendrement, ronronnant et vibrant, leurs têtes venant ensuite s’apposer l’une à l’autre, se frottant tendrement.

« Mrrrrrwwww...
 -  Miaaaaawwww... »

Sha écarta le petit chat sans le vexer, et se retrouva à sa place. Une autre conséquence de sa situation de chatte était qu’elle avait un odorat très développé, ce qu’elle illustra en reniflant ce sexe, ce vagin tendre et impatient. Ses moustaches caressèrent les cuisses de la femme, vibrant doucement dessus, et elle s’allongea entre les cuisses de Mélisandre, avant de frémir en sentant les doigts de sa sorcière caresser sa tête.

« Rrrrrrr... !! »

L’Ombre enfonça sa petite langue fourchue dans son vagin. Elle était bien moins grosse qu’une langue humaine, mais ceci lui permit d’atteindre des points très précis. Sa langue râpeuse s’aventura ainsi sur son clitoris, qu’elle lécha précisément, tout en avalant volontiers sa cyprine, qui se mit à couler sur son visage, sur sa truffe, et sur ses moustaches. Elle léchait avidement son clitoris, avaltn surtout sa délicieuse mouille, pendant que les autres chats continuaient à s’attaquer à son corps.

Outre lécher ses seins, ils léchaient aussi le creux de son cou, son ventre, ses jambes. Une dizaine de chats accompagnaient ainsi Sha, plongeant Mélisandre dans un océan de douceur et de tendresse. Quoi de mieux pour oublier ces six siècles de souffrance ? Sha comptait bien lui offrir son premier orgasme... Un orgasme qui avait mis plus de six siècles à venir, et qui annonçait sa nouvelle existence, loin de la souffrance et de la malédiction qu’elle avait vécue.

Le tout sous un concert de miaulements, de frottements, et de ronronnements !

Sous un tel traitement félin, Mélisandre ne put lutter longtemps. Les chats s’excitaient sur elle, trop nombreux pour qu’elle puisse résister. Sha, surtout, porta le clou final, utilisant sa petite langue pointue pour l’enrouler autour du bouton de plaisir de son amour, et appuyer dessus. Elle s’appliquait pour ne stimuler que la zone sensible, produisant chez Mélisandre des sensations exquises, renforcées par le frottement de son petit nez, ou de ses moustaches, qui frottaient ses lèvres intimes et sa peau. De fait, le bout de la tête de Sha disparaissait dans les lèvres intimes de la femme, qu’elle s’amusait à lécher longuement. Tous les chats ronronnaient, vibraient, se frottant contre le corps de Mélisandre, miaulant contre ses oreilles, léchant son cou, ses joues. Aucune femme n’avait jamais pu résister longtemps à un tel traitement ! C’était l’un des petits plaisirs que Sha n’offrait qu’à certaines femmes. Un traitement exquis, reposant sur une douceur inouïe. Pas une once de douleur ou de souffrance, mais simplement un plaisir intense et inouï.

Et ce plaisir atteignit le point critique chez Mélisandre. Dans un grand soupir, la femme se vida contre Sha, serrant son petit corps poilu, et le visage de Sha se retrouva recouverte de mouille. Mélisandre jouit généreusement, ne poussant même pas un cri, les yeux fixés dans le vague, avant de sentir une grande vague de bonheur traverser son corps... Une vague qu’elle n’avait pas dû ressentir depuis fort longtemps, en réalité. Sha sentit alors Mélisandre se redresser, se mettant à califourchon sur le lit, et miaula quand ses mains la saisirent. Son visage était recouvert de mouille, la cyprine de sa chérie plaquant ses poils sur sa tête.

« Miaaaawwww... »

Sha ronronna encore en sentant les mains de Mélisandre se serrer contre elle, et frotta sa petite tête contre ses seins, les léchant brièvement. Le corps de Mélisandre avait, de fait, pris une teinte un peu huilée, à force d’être léchée de partout. Aucun centimètre carré de sa peau n’avait été épargné par les chats, qui commençaient à se coucher sur le lit, ronronnant encore faiblement.

« Rrrrrr... »

Sha sentit alors Mélisandre l’embrasser et la lécher tendrement, tout en la tenant dans ses bras. Les petites griffes des pattes de Sha ne manquèrent pas de sortir pour se crisper délicatement aux poignets de la femme, et elle ronronna encore, poussant un léger miaulement, en sentant encore Mélisandre la lécher, frottant son nez contre ses oreilles. Sha était bien la plus heureuse des chattes en ce moment, tant Mélisandre la câlinait ! Indéniablement, la sorcière retrouvait son énergie, et finit ensuite par demander à être bordée.

La chatte cligna des yeux, et secoua la tête... Puis des volutes d’ombre se formèrent autour d’elle, et, sous les yeux de Mélisandre, Sha apparut, sous sa forme astrale, ombre délicieuse aux yeux immaculés, qui lui sourit.

« Une histoire ? »

Sha en avait plusieurs en stock, fort heureusement, et reprit finalement sa forme humaine, avant de s’allonger contre Mélisandre, et d’attraper sa tête d’une main, la plaquant doucement contre son corps, sa tête s’enfouissant contre ses seins.

« Je vais te parler d’Açoka, Mélisandre... Une femme dont tu n’as encore jamais entendu parler, amour, mais que tu vas vite connaître, car elle est l’une de mes femmes. Son ventre porte ma graine, et je porte la sienne. »

Sha lui parla alors de Tonnefoudre, et de la quête d’Açoka pour obtenir des formules alchimiques et des élixirs permettant de commander aux Orcs. Elle parlait d’une voix calme, tout en caressant d’une main les cheveux de Mélisandre, bien décidée à la rassurer, à lui montrer qu’une nouvelle vie s’offrait à elle, et que plus jamais elle ne retournerait dans sa crypte.

« ...Et toi aussi, Mélisandre, tu porteras mon enfant, et je porterai le tien... Mais tu ne seras pas que ma pondeuse, ma chérie, oh non... Toi aussi, tu seras un pilier de mon culte, mon aimée. Maintenant, repose-toi, reprends des forces, et sache que je veillerai toujours sur toi, maintenant... Toujours et à jamais. »

Mélisandre s’était plutôt bien rétablie. Après leur douce nuit d’amour féline, elle avait rapidement pu user de nouveau de ses jambes, et manger convenablement. De fait, elle avait même mangé beaucoup les premiers jours, afin de reprendre des formes, et en avait profité pour se renseigner. Elle avait ainsi appris que sa Déesse s’était rapprochée d’une ancienne Olympienne, Sanguilia, anciennement connue sous le nom de Perséphone. On lui avait parlé de l’épisode de la Tour de Zäazel. Zäazel, un mage noir, avait créé une tour magique dont le but était de siphonner l’énergie des Dieux, et ainsi pouvoir devenir, lui-même, divin. Sha était partie l’affronter, et avait rencontré Sanguilia à cette occasion. Elles avaient réussi à terrasser le mage noir, et avaient provisoirement occupé la tour. Les Olympiens s’étaient ensuite manifestés, soucieux de détruire la Tour, et Sha et Sanguilia les avaient affrontés. C’était à cette occasion que Sha s’était rappelée avoir jadis eu une aventure avec Zeus, et que les Dieux étaient devenus fous en ouvrant la Boîte de Pandore.

Suite à cela, Sha avait entrepris la construction d’un immense palais, destiné à accueillir sa famille, mais aussi à amrquer le nouveau chapitre de son culte, qui était désormais lié à celui de Sanguilia. Mélisandre avait ainsi pu voir à quel point la construction avançait vite. Le gros-œuvre était déjà fait en grande partie. On créait d’immenses jardins avec des plantes qui poussaient très vite grâce à la magie, et les Orcs travaillaient d’arrache-pied, ainsi que les sorcières, et quantité d’ouvriers. Le tout était de finir ce vaste palais en quelques mois seulement, car il était destiné à marquer le nouveau pouvoir de Sha. Mélisandre put aussi voir la région environnante, où les quelques villages du passé étaient maintenant en train de devenir de grandes villes magiques. Sha n’avait indéniablement pas chômé, mais, surtout, Mélisandre passa ses journées à la grande bibliothèque du palais, qui était terminée... En grande partie. Il y avait de multiples ouvrages, dont beaucoup avaient été rapportés par les multiples sorcières ayant rejoint le culte en apprenant le retour de Sha, et qui savaient qu’il fallait s’unir. Non seulement l’Olympe était devenue folle, mais l’Ordre Immaculé étendait chaque jour davantage son influence, et, si l’Empire d’Ashnard était encore relativement épargné jusqu’à présent, partout ailleurs, les sorcières étaient souvent poursuivies et traquées. L’Histoire avait une tendance sinistre à se répéter, et, pour éviter cela, Sha avait décidé, non pas de se dissimuler, comme elle l’avait fait jadis, mais de développer son culte.

Chaque jour, elle alla voir Mélisandre, et garda pour elle ses analyses. Non seulement Mélisandre se renseignait sur le monde, mais aussi, et surtout, sur sa malédiction. Sha avait beau être la Déesse des Malédictions, le maléfice lancé par Héra ne disparaîtrait pas facilement. Et, si Mélisandre avait une forme humaine, sa forme de Drider était toujours là, et terrorisait Mélisandre. C’était pour cette raison que Sha ne lui avait pas encore proposé de l’épouser. Maintenant que les souvenirs revenaient, Sha se rappelait en effet que, juste avant son bannissement, les deux étaient fiancées, et sur le point de se marier. Une raison supplémentaire pour inciter Héra à bannir Mélisandre, et à la maudire. Mais, là, Mélisandre avait trop peur de sa véritable nature pour l’envisager.

Ce soir, donc, il faisait nuit, et, comme toujours, Mélisandre était au milieu de multiples ouvrages, cherchant à créer une formule alchimique qui tuerait en elle les gènes arachnides. Elle avait encore pris des potions pour améliorer ses capacités cognitives, et lisait avidement... Quand la main de Sha se posa doucement sur son épaule.

« Encore, Mélisandre ? »

Elle soupira légèrement, et se pencha vers elle, embrassant la femme sur les lèvres, caressant avec sa main sa joue.

« Tu ne devrais pas abuser des potions... Tu te prives d’heures de sommeil dont ton corps et ton esprit ont énormément besoin, tu sais. »

Mais Mélisandre avait toujours été comme ça, terriblement têtue. Tout en se renseignant sur l’évolution des techniques alchimiques, elle cherchait comment lutter contre sa seconde nature, et fuyait le sommeil, car elle avait fait un cauchemar où elle se transformait en Drider... Et avait, de fait, failli se transformer dans la réalité, se réveillant juste à temps pour l’en empêcher.

« On devrait en parler, Mélisandre... Mais pas ici. Suis-moi, ma chérie. »

Sha se téléporta, et, instantanément, les deux femmes se retrouvèrent à l’extérieur, près d’un agréable grand lac avec une petite île en son centre. D’élégantes furolucioles sortaient du lac, des lucioles brillantes qui, quand on les regardait trop, pouvaient matérialiser des silhouettes qui vous étaient familières. Mais, présentement, elles servaient surtout à faire joli.

Ce lac était au sein du palais, preuve de la taille colossale que la forteresse allait prendre. De l’autre côté du lac, on voyait encore des tours en construction. Une fois l’ensemble terminé, le lac serait une sorte de sanctuaire interne, un lieu de méditation. Pour autant, l’endroit ne serait pas étouffant, car Sha comptait créer un cour d’eau qui donnerait droit sur les douves, offrant ainsi une belle ouverture permettant de voir dehors.
 
« Je sais que tu fais des cauchemars, Mélisandre... » lança alors Sha.

Sha ne savait pas trop comment aborder ce sujet difficile, et se pinça nerveusement les lèvres. Elle décida finalement d’y aller par petites touches, et serra les mains de Mélisandre dans les siennes.

« Qu’est-ce qui t’effraie, ma chérie ? Je suis là pour t’aider, Mélisandre, tu le sais... »

Sha savait ce qui la terrifiait, bien sûr, mais il fallait que ça vienne de Mélisandre elle-même...

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres suite à la réflexion de Mélisandre.

« Oh, on peut me cacher bien des choses... Mais pas toi, ma chérie. »

Elles étaient proches, après tout. Sha avait su pour les cauchemars de Mélisandre, et, surtout, pour sa transformation, car elle avait senti cette perturbation magique. Mais elle n’insista pas, laissant à Mélisandre le soin de se confier... Ce que cette dernière fit, non sans difficulté, en lui expliquant qu’elle ne contrôlait plus son corps, et qu’elle craignait de dormir, car elle avait peur de se transformer. Elle avoua ce que Sha avait réalisé en la soignant... Que Mélisandre était toujours une Drider. Et cette hypothèse terrifiait sa sorcière, qui ne voulait surtout pas reprendre cette forme, et menacer à nouveau Sha.

Mélisandre finit par laisser ses larmes s’exprimer, et Sha posa ses mains sur ses joues, avant d’aller l’embrasser tendrement.

« Mélisandre, Mélisandre... Tu te trompes, ma chérie. »

Sha s’écarta alors d’elle, et la serra dans ses bras.

« La malédiction d’Héra... Ce n’était pas de te transformer en Drider, Mélisandre. »

Que voulait dire l’Ombre par là ? Elle laissa planer quelques secondes, juste afin de s’assurer qu’elle avait la concentration de Mélisandre, et s’empressa de lui faire des précisions complémentaires :

« Héra a retourné ta force en faiblesse, Mélisandre. Sa véritable malédiction, c’est de t’avoir mis en horreur cette forme. Tu ne peux plus revenir en arrière, Mélisandre... »

De cela, Sha n’était pas totalement sûre. Elle menait aussi des recherches de son côté, mais le fait est que Mélisandre avait passé plusieurs siècles sous sa forme de Drider. On ne pouvait pas effacer cela d’un coup de baguette magique. Elle ne pouvait tout simplement pas lutter, et, si elle pensait que ne pas dormir permettrait de lutter contre ça, alors sa sorcière se trompait. Le pire, c’est qu’elle en avait sûrement conscience, mais qu’elle se refusait à l’admettre, ce qui expliquait pourquoi elle se mettait à pleurer.

« Cette forme est en toi, Mélisandre, et tu dois apprendre à la maîtriser. C’est aussi simple que ça. Tu vois les mauvais côtés, mais... Sous cette forme, tu es aussi terriblement puissante, Mélisandre. Après tout, tu as pu utiliser un venin qui a réussi à restreindre mes pouvoirs, à moi qui suis une Déesse. Et tu as fait ça sans même maîtriser tes pouvoirs. Tu crois que c’est cette forme qui t’a rendu folle et dangereuse dans la crypte, mais ce n’était pas ça. Non, c’est Héra qui t’a manipulé. »

Sha voulait lui expliquer qu’elle n’avait rien à se reprocher, et qu’il ne fallait pas incriminer ses capacités de Drider.

« Héra t’a doté de cette forme parce qu’elle connaît la longévité exceptionnelle des Driders. Avec sa magie divine, elle pouvait te maintenir en vie, et aussi te torturer en te faisant adopter une forme, et en te forçant à tuer notre fille. Mais elle aurait pu te transformer en n’importe quoi d’autre, ça n’aurait rien changé. Tu as passé six siècles sous cette forme. Mélisandre, ma chérie, je sais que tu n’as pas envie de l’entendre, mais tu es désormais davantage une Drider qu’une humaine... Et, si tu ne prends pas conscience de cela, tes nouveaux pouvoirs et ta culpabilité te dévoreront. »

Tout cela ressemblait fortement à un sermon, ce qui n’était guère dans l’habitude de Sha, qui rajouta alors, en la serrant plus fort dans ses bras.

« Je veux t’aider à maîtriser ta forme, Mélisandre... Et alors, tu seras plus puissante que tout ce que tu n’as jamais été. Je suis convaincue que, si Héra t’a transformé en Drider, c’est parce que, inconsciemment, tu devais penser que cette forme est la plus puissante qui soit... Et que, en te faisant abhorrer ça, elle estimait qu’elle gagnerait sur toi. Je t’ai libéré de la crypte d’Héra, mais il faut encore que nous te libérions de son influence nauséabonde... Et, pour ça, ma chérie, il faut que tu apprennes à contrôler ta nouvelle forme. »

Enfermée pendant des siècles dans une crypte magique, Mélisandre avait perdu la raison. Elle était devenue folle, et Sha était suffisamment lucide pour savoir qu’elle ne se rétablirait pas en quelques instants. La reconstruction serait longue, et Sha avait vite compris qu’il y aurait des transformations irrémédiables. Pour elle, il était impossible de revenir sur la forme de Drider. Cette nouvelle forme était acquise, et au moins avait-elle réussi à user sa magie pour que Mélisandre reprenne sa forme humaine... Mais ce n’était pas sa forme normale. En tout cas, cette apparence ravivait en elle bien des souvenirs, celle d’une sorcière forte, belle, hantée par ses vices, et qu’elle avait aidé à aller mieux, jusqu’à l’aimer, et à caresser son ventre rebondi, rempli d’une vie naissante et palpitante... Un souvenir qui provoqua une nouvelle fracture dans l’esprit affaibli de Mélisandre, qui se mit à pleurer devant Sha. Elle s’agenouilla sur le sol, n’arrivant plus à retenir ses larmes, se trouvant inutile, faible... Et ayant honte de son comportement vis-à-vis de Sha.

Silencieuse, la Déesse la regardait, et grogna ensuite, sa main glissant sur la joue de Mélisandre. Elle saisit son menton avec une poigne ferme, et releva sa tête, croisant le regard rougeâtre de la femme, au milieu de sa belle chevelure dorée, même si celle-ci avait connu de meilleurs jours :

« Depuis quand ma sorcière pleure comme une princesse arrogante et capricieuse, hm ? Tu te permets de penser à ma place, Mélisandre ? Il n’y a que moi qui suis capable d’estimer qui est digne ou non de mon amour. »

Sa voix était calme, posée, appuyée, et elle sourit encore, mielleusement. Son autre main caressa la joue de Mélisandre, Sha faisant preuve d’une étrange attention...

« Relève-toi, Mélisandre, une sorcière n’est jamais agenouillée comme ça... »

Une fois que la sorcière s’exécuta, Sha fit un geste surprenant... En la prenant dans ses bras. Elle lui fit un câlin tendre, serrant sa main sur les cheveux de Mélisandre, plaquant sa tête contre son torse.

« C’est comme ça que nous nous consolons, Mélisandre... »

Elle laissa passer le temps qu’il fallait, ne disant ensuite plus rien. Ses mains se contentaient de caresser le dos de Mélisandre, glissant sur sa chevelure, tandis que la jeune sorcière se laissait aller. Une fois la première larme tombée, le reste venait comme un véritable torrent. Elle avait souffert pendant des siècles, et s’était aliénée pour oublier tout ça, pour occulter ce qu’Héra l’avait forcé à commettre. Et, en revoyant Sha, le poids de sa culpabilité lui retomba sur les épaules. Tout ça était compréhensible, mais le plus surprenant était encore à venir. En effet, quand Mélisandre commença à cesser de pleurer, ou entre plusieurs soupirs, elle entendit comme un écho, et sentit même quelque chose d’humide sur son visage.

Si elle relevait le visage, elle constaterait alors que sa Déesse pleurait également, et se mit à la serrer encore plus fort. Yeux clos, Sha essayait sans succès de retenir ses larmes.

« C’est moi, Mélisandre... C’est moi qui ne suis pas digne de ta dévotion, de ton amour... Moi, qui suis supposée protéger mes sorcières, et je n’ai pas pu empêcher Héra de te corrompre, de t’emprisonner pendant des siècles... »

L’Ombre soupira encore, et rouvrit les yeux. Ses beaux yeux jaunes étaient embués, ce qui était assez rare chez elle, très rare. Sha caressa les deux joues de Mélisandre.

« Je suis tellement désolée, mon aimée... Je n’ai pas su être à la hauteur pour toi... »

Et elle apposa son front contre le sien, aussi désolée que Mélisandre semblait l’être...