Ce qu’elle en savait... Natalia en savait beaucoup, justement, mais ce «
beaucoup » incluait presque exclusivement des informations confidentielles, le genre de trucs qu’il valait mieux cacher à de civils. Il y avait tellement d’autres explications qu’un Poltergeist... Mais la réalité simple était que Black Widow ignorait ce qui s’était passée là-dessous. Elle, elle n’avait rien senti qu’un léger malaise, qu’elle avait assimilé au passé glauque de cet endroit, et à cette chose qu’on appelait l’
imagination humaine. Mais même l’imagination ne vous mettait pas dans un tel état de folie. Alors, qu’était-il arrivé à Félicia ? Natalia n’en savait rien, mais elle avait besoin que Dwight s’écarte un peu pour procéder à ce genre de trucs qu’un civil n’était pas censé voir. Cette musique fut donc une bénédiction, et elle laissa Dwight partir, hochant la tête quand il demanda à Natalia de ne pas bouger, afin qu’ils se renvoient dans plus d’un quart d’heure, suivant ainsi ce sacro-saint principe propre aux films d’horreur : dès que les protagonistes se séparaient, la Mort s’abattait sur eux.
«
Je ne compte pas bouger d’ici, le rassura-t-elle.
De toute façon, si vous rencontrez un truc anormal, hurlez, je vous entendrais. »
Elle n’osa pas lui dire que sa connaissance en matière de films d’horreurs était nulle. Quel intérêt de regarder des films pour se faire peur ? De fait, avec tout ce qu’elle avait vécu, elle aurait presque pu trouver détendant de regarder un
slasher. Elle laissa Dwight partir, et, après s’être assurée qu’il était bien monté, et qu’il ne risquait donc pas de la surprendre, Natalia passa aux choses sérieuses. Widow alla dans le hall, afin de trouver son sac, le prit, et retourna dans le lobby, face à la Chatte dormant tranquillement sur le canapé. L’espionne sortit de ses affaires une petite seringue, et s’en servit pour prélever le sang de Félicia.
*
Navrée, ma chérie, mais, tant que je n’ai pas la preuve formelle que ton sang est bien normal, je pars du principe qu’il y a une autre explication à ta crise qu’une possession démoniaque.*
Délicatement, la femme russe préleva un peu de son sang, puis sortit un autre objet de sa besace, une sorte de micro-ordinateur permettant, entre autres, d’analyser les données. L’appareil présentait la forme d’une tablette tactile, et elle déposa les gouttes sur l’écran de la tablette, permettant ainsi aux multiples capteurs d’analyser le sang. Des résultats indéchiffrables pour Natalia, mais elle comptait les envoyer au SHIELD, pour analyse. L’appareil mit quelques minutes à analyser le liquide écarlate, puis elle l’envoya. La communication était assez mauvaise par ici, mais la bonne fortune lui sourit. La réponse ne viendrait pas pour tout de suite, mais elle avait au moins effectué son boulot.
Natalia rangea ensuite tout son fatras, puis soupira lentement, s’adossant contre le mur en regardant Félicia. Difficile de reconnaître dans ce visage assoupi la folle furieuse qui s’était jetée sur Dwight, puis sur elle, tantôt. Un visage d’ange dissimulant des mains griffues... Natalia pouvait comprendre ça. Elle avait fait partie d’un programme de tueuses surentraînées, des beautés fatales, comme des roses, aux pétales magnifiques, mais à la tige hérissée de pointes mortelles.
*
Je n’aime pas attendre...*
Natalia n’entendait plus les bruits de pas de Dwight depuis quelques minutes, et s’avança dans le hall, décroisant les bras. Elle voyait mal Hiro et Tana se lancer à l’exploration de cet hôtel. Est-ce qu’ils avaient voulu les suivre dans le sous-sol ? Soupirant, Natalia jeta un coup d’œil vers le lobby. Félicia était toujours là. Pas de disparition mystérieuse et instantanée à signaler, et elle se rapprocha de l’escalier, les mains sur les hanches. Dwight avait dû commencer son exploration du premier étage. Le rejoindre était terriblement tentant, ne serait-ce que pour satisfaire sa curiosité personnelle, mais elle ne pouvait pas s’y risquer.
«
Dwight ?! s’enquit-elle donc, depuis le hall, en haussant la voix.
Tout se passe bien ? »
Un grincement résonna alors sur sa gauche. Tournant sa tête vers l’origine du bruit, Natalia vit qu’une porte à double battant s’était légèrement entrouverte, et s’en approcha. Relativement calme, elle ne tremblait pas, même si tous ses sens étaient aux aguets. Qu’il se passe quelque chose d’anormal dans cet endroit était admis, que cet
anormal soit physique ou immatériel. Son expérience lui soufflait toutefois qu’un être humain normal pouvait être infiniment plus dangereux qu’un spectre, et, s’il y avait effectivement un tueur là-dedans, elle avait bien plus de raisons que de se méfier.
Poussant la porte, elle débarqua dans l’ancien réfectoire de l’hôtel. Il n’y avait plus de tables, simplement un grand hall vide aux peintures écaillées sur la droite, avec, sur la gauche, une série de baies vitrées crasseuses, parfois fissurées, montrant l’un des multiples jardins faisant le tour de la propriété. Au fond, il y avait le comptoir. Quelques sifflements d’air s’échappaient des vitres, et, vu le grincement de la porte, il y avait bien des lustres que quelqu’un aurait dû la rafistoler un peu.
*
Rien de plus que le vent...*
Grommelant contre elle-même, Natalia referma la porte dans son dos, et s’empressa de retourner dans la pièce où Félicia dormait... Et s’arrêta alors en y pénétrant, son regard se fixant sur la table au centre de la pièce. Félicia était toujours là, oui...
...Mais il y avait maintenant sur la table une
petite poupée japonaise. Une poupée qui n’était pas là quand Dwight et Natalia était entrés.
*
Hein ?*
Natalia se rapprocha, nerveuse, regardant autour d’elle... Tout en se demandant
comment cette poupée avait bien pu faire pour débarquer ici. Elle n’avait rien entendu, et c’était peut-être ça qui était le plus effrayant. Son regard se fixa à nouveau sur l’escalier menant au sous-sol, avec cette impression qu’il y faisait encore plus sombre, et que, quelque part dans cet hôtel, un esprit machiavélique était en train de jouer avec eux.
«
Bordel, Félicia, réveille-toi ! »