Anyway, let's dream [pv Candy]

[22:52:12]The Dreamer : Puisque tu mélanges allègrement connaissances et intelligence, je te vais te laisser t'extasier toute seule devant ton nombril.
[22:54:32]The Dreamer : Que ta soirée sois douce.

La frénésie passée, Cleo se mit à faire les cent pas dans son appartement. Cette conversation l'avait passablement agacée. Non, elle l'avait totalement agacée. Une fois n'est pas coutume la demoiselle sentait son coeur battre contre sa poitrine, essayant de réguler les vagues d'adrénaline qui l'accablait encore. Elle détestait se sentir dans cet état, le corps agité de sensations anarchiques, l'esprit embrumé par la colère. Surtout, il fallait ne rien faire alors elle tournait dans la pièce comme une bête en cage. Enfin un chaton dans son cas. Et quand elle croisait son miroir, elle se sentait ridicule à s'agiter de la sorte pour une simple conversation. En plus, c'était la première fois qu'elle discutait avec cette diva. D'habitude, elle les évitait, elle préférait ne pas leur répondre mais cette-ci... Celle-ci ! Bon sang, elle ne l'avait pas lâché de la soirée. Elle avait insisté encore et encore jusqu'à réussir à énerver la complaisante illustratrice.

En désespoir de cause, voyant qu'elle ne parvenait toujours pas à se calmer et que la conversation tournait en boucle dans son esprit enflammé, elle jeta ses habits dans son panier à linge sale et fila sous la douche. L'eau chaude eut l'effet espéré : peu à peu, elle finit par se calmer et s'adosser au carrelage pour laisser l'eau la bercer de ses doux clapotis dans le bac de douche. Après de longues minutes à laisser son esprit divaguer et passer en revue divers scènes plus doucereuses les unes que les autres, c'est l'eau froide qui la poussa à quitter son cocon de buée et de chaleur moite. Un jour, quand elle serait riche et célèbre, elle investirait dans une chaudière capable de lui fournir de l'eau chaude toute la journée s'il le fallait se promit-elle en s'enveloppant dans sa serviette. Elle gagna à nouveau sa pièce principale, glissa un bonbon à la violette sous sa langue et ouvrit sa fenêtre. Etre au dernier étage d'un building avait comme avantage de ne donner sur rien, pas de vis à vis, pas d'obligation de faire attention à sa tenue, rien. Si elle avait envie de se balader dans son intérieur affublée d'une soutane ou dans le plus simple appareil, rien ne l'en empêchait. Un coup d'oeil à son ordinateur la renseigna sur l'heure tardive, mais lui rappela aussi sa désagréable conversation.

Mais avant de céder de nouveau à l'agacement, elle ouvrit son coffret et de pendentifs et en tira un quartz rose qu'elle passa au bout de la chaînette autour de son cou, le calant sur son plexus solaire d'une main avant de prendre une grande inspiration. Elle sentit la colère refluer, comme une flamme que l'on vient priver d'oxygène pour s'épanouir. Elle répéta l'opération à plusieurs reprises avant d'aller enfiler son pyjama et de s'étaler sur son lit. Maintenant qu'elle était calme, une idée sournoise germa dans le fond de son crâne. Et si... Et si elle essayait de retrouver la malappris via un rêve ? Ce serait le meilleur moyen de lui régler son compte une fois pour toute et puis, ça aurait le mérite de la faire passer à autre chose. De toute façon, personne n'en saurait rien.

C'est avec cette idée en tête et un sourire mesquin gravé sur son joli visage que Cleo pulvérisa un peu de son parfum sucré sur son poignet et éteignit la lumière, procédant étape par étape à son rituel de coucher. Dans la pénombre, elle s'assura que ses géodes étaient en place, huma le délicieux parfum qui s'échappait de son poignet et ferma les yeux. Le sommeil, comme toujours, la gagna facilement.

Le paysage de son rêve restait flou, elle flottait quelque part, avançant par petits rebonds comme si son corps n'était soumis à aucune gravité. Elle se sentait bien, mieux, elle se sentait toute puissante et cette sensation la grisa de longues minutes. Jouant, tourbillonnant dans cet univers qu'elle se faisait une joie de découvrir, elle e oublia la raison de sa venue. Personne n'apparut donc, elle resta seule longtemps, jusqu'à ce qu'enfin, elle se lasse de ses jeux solitaires. Alors elle se concentra sur les paroles qu'elle avait lu plus tôt et qui avaient fini par l'agacer. Bientôt une voix reprit les phrases et Cleo sentit quelque chose, quelqu'un, dans son dos. Gracieuse dans son rêve, elle se retourna, posant sur l'inconvenante un regard acidulé. La scène n'allait pas tarder à se déclencher, elle allait bientôt pouvoir rabattre son caquet à l'anonyme, puisqu'elles étaient dans son rêve, que rien de tout cela n'était réel. Ou peut-être que ça l'était un peu, peut-être que l'autre ferait le même rêve -oh comme elle l'espérait !. D'avance, elle imaginait le réveil de sa victime après cette mauvaise blague, elle fabulait sur son incompréhension, sur ses doutes et peut-être se questionnerait-elle alors ? Ou peut-être serait-elle troublée par la journée.

Elle finit par s'approcher de la fille qui continuait à répéter leur conversation, sûre de ne rencontrer aucune résistance.
C'était amusant.    

La conversation venait de se terminer, laissant la déesse totalement insensible derrière la coque de son androïde. Elle aurait pourtant dût enrager, elle qui ne souffrait aucune insulte et écrasait des mondes dans sa poigne pour de simples doutes sur la pureté des pensées de leurs habitants. Pourtant, cette fois ci rien, elle voyait les mots signant l'arrêt des hostilités, elle n'y était d'ailleurs pas allée de main morte, mais il n'y avait qu'une légère envie de meurtre en elle, comme un animal dormant.
Elle mit cela sur le fait qu'à force de vivre avec des êtres aussi pathétiques elle en était venu à adopter une attitude contemplative. Elle aurait put les forger, les briser pour les éloigner de ce qui les amollissaient, mais ce n'était pas son travail, d'autres dieux s'en chargerait, elle était en… comment appelaient-ils ça ici ? Ah oui, en vacances. L'olympe, Bäal ou des divinités nouvelles se chargeraient de leurs misérables sujets, si eux même n'étaient pas trop médiocres pour prétendre à une telle charge.

Elle passa à autre chose, à d'innombrables autres choses plutôt. Car Candy avait cet avantage de pouvoir isoler le monde de son essence divine sans pour autant l'empêcher de rependre sa conscience sur le réseau. Elle jouait, quelque part elle devenait certainement une joueuse professionnelle, ou bien elle se faisait bannir d'un serveur pour triche. Ailleurs, elle pourrissait la vie à d'autres personnes, ne se rendant pas forcément compte de son comportement, car il était normal pour elle de se placer au dessus de tous, après tout, les dieux ne sont pas fait pour se parler au peuple mortel comme à un égal. En bref, elle envahissait le monde sans trop de violence, le laissant se guider comme il l'entendait car elle n'avait aucune envie de le prendre en charge, de ce côté là elle avait déjà donné dans son propre plan. Et le temps passait…

Il était tard maintenant, des pas se faisaient encore entendre dans les environs, l'ouïe de Candy ne lui permettant pas de ne pas les entendre. James avait visiblement beaucoup à faire avec Isiel, cela avait peut être un rapport avec le fait qu'Elle ait encore profité de la faiblesse de l'elfette pour mener à bien ses recherches. La déesse repoussa cette pensée dans un coin de son esprit, il pouvait toujours venir la rabrouer, il serait bien reçu et repartirait sans demander son reste, comme toujours.
Candy allait ouvrir quelques pages de plus pour explorer un coin d'internet encore vierge de son regard lorsque quelque chose dérangea son hôte. L'androïde réagit immédiatement.

[Système] Détection d'une forme d'énergie de source inconnue.
[Système] Évaluation des risques : Nuls. L'énergie n'est pas suffisante pour endommager la structure.
[Système] Energie de types : Magique. Sous classe : Psychique.
[Système] Source inconnue.
[Système] Contact recherché. Lancement des protocoles de tracking.
[Système] Contact psychique engagé. Protocoles de modélisation spirituelle lancés.
[Système] Modélisation avorté. Les modèles proposés ne conviennent pas, les variables doivent être réétudiées. Proposition d'ajout d'aléatoire.
[Administratrice] Accepté.
[Système] Modélisation terminée. Esprit en sommeil. Contact de psychique de type : Onirique.
[Système] Créations de sauvegardes des modèles.
[Système] Lancement des protocoles d'arrimage. Préparation à l'immersion.
[Système] Système sécurisé. Administratrice sécurisée.
[Système] Immersion. Bon voyage Administratrice.
[Système] Protocoles de surveillance psychiques engagés. Établissement d'un contrôle continu de la stabilité du pont onirique.

Elle y était, la déesse en elle même mais tenue par son système, ou plutôt celui de Candy. Celui ci veillait à ce qu'il n'y ait aucun risque durant cette activité pour le moins particulière. Non pas que la déesse risque quoi que ce soit, en revanche le plan pouvait trembler si son essence fuitait de quelque façon que ce soit. Mais là aussi, Elle était tranquille, son androïde était parfaite, quoi de plus normal pour un engin qu'elle avait elle même créé. Si elle voulait détruire ce plan il lui suffirait d'ouvrir la coque, en attendant personne ne risquait quoi que ce soit, surtout pas elle, même dans une dimension ou la logique perdait pieds.

Il y avait de la colère, un sentiment que la déesse connaissait bien et qu'elle ressentait aisément malgré son manque d'empathie. Cela était peut être dût à un contact d'esprit à esprit, les émotions seraient ainsi plus transparentes car les corps ne pouvaient les camoufler. Elle ne savait trop quoi en penser, des expériences sur les rêves Elle en avait des terra entiers dans sa mémoire, mais ce n'était pas le sujet l'intéressant le plus et cela ne lui avait que très peu servie durant l’expansion de son peuple à travers les galaxies de son plan. Elle repoussa donc les idées commençant à poindre, qu'en avait-elle à faire de ce que ressentait l'autre, ce qui importait c'était d'apprendre comment quelqu'un pouvait la cibler, et surtout pourquoi le faire.
Elle prit forme dans les brumes colorées du monde de rêve. Des couleurs s’agglomérèrent jusqu'à former l'image de son androïde. Elle n'en possédait pas d'autre, son essence ne résidait pas dans un corps ni même dans une image, Candy était une armure pour un monde demandant quelque chose de physique afin d'en expérimenter tous les aspects. Aussi choisit-elle la simplicité en revêtant cette apparence.
Jusque là elle s'était tenue en retrait, prenant place en ces lieux comme dans un mauvais fauteuil où il faut réussir à trouver une bonne position pour être confortable. Mais elle y était, elle pouvait tendre son esprit. Cela fit comme une déflagration, elle qui ne voyait alors que des brumes accéda à tout un réseau d'aspect chaotique. Un beau cerveau, remplit d'idées, de phrases en constructions, de paysages défilant. Des milliers de souvenirs se croisaient entre les synapses, formant une myriade de rêves, dont l'un d'entre eux était celui où elle se trouvait. Il y avait quelque chose de rassurant dans cette observation, à ce qu'elle pouvait voir elle se trouvait dans un esprit actif, pas simplement comme celui d'un rêveur, mais comme celui de quelqu'un qui sait ce qu'il fait, et cela signifiait que si elle mettait la main sur cette personne… l'aventure risquait de devenir amusante. Avec un petit sourire mental, l'androïde commença à avancer, à la recherche de l'image de ce qui avait établit un pont entre leurs deux esprits.

• Plus Cleo s'approchait de la femme dans la brume, plus ses traits lui apparaissaient clairement. La forme vague se transforma en silhouette qui à son tour vit ses contours se dessiner pour donner naissance à une allure féminine. Il fallut encore plusieurs pas en avant pour que la jeune humaine prenne conscience de l'apparence de la femme, de la... chose ? Parce que ça ne pouvait décemment pas être "juste" une femme. Ca avait un corps de femme, oui, mais ça tenait tout autant de l'animal. Le visage surtout était un odieux mélange d'humain et de félin. Cleo s'immobilisa quand ses pieds touchèrent le sol cotonneux de son monde onirique, troublée par ce qu'elle voyait. Ca avait un museau et des oreilles de félin. Ca avait même un genre de fourrure courte sur la face. Mais qu'est-ce que c'était que cette chimère ?
  
  C'est quoi ça ? C'est avec ça que j'ai parlé ? Qui s'est cru supérieur ? Pour de vrai ?
  
  Les pensées de la demoiselle filtraient sans peine. Son dégoût fut aussi intense que passager. e qui se tenait à quelques pas n'était rien d'autre qu'une abomination à ses yeux. Et si la surprise l'avait fait exprimer un fort rejet de cette drôle d'hybridation, elle se persuada bien vite qu'elle en était la cause. Ca lui fit tout drôle de constater que sa colère avait complètement déformé la femme avec qui elle avait discuté. Elle resta à la fixer de loin quelques instants, mais balaya bien vite sa méfiance. Ce petit imprévu n'empiéta pas davantage sur son humeur massacrante, attisant au contraire son propre sentiment de domination.
  
  Naïvement, elle pensait être la cause du mélange et en retirait une satisfaction communicative. Ce n'était  pas la première fois que son imagination prenait des libertés sur ses intentions quand elle s'endormait, alors elle ne chercha pas d'autres explications. Elle qui ne connaissait que les humains ne pouvait pas s'imaginer que de telles créatures existaient ailleurs que dans les rêves ou les livres. Seule ombre au tableau :dans un petit tiroir tout au fond de sa tête, elle sentit une pointe de culpabilité. C'était vraiment méchant de sa part -même si ce n'était pas tout à fait conscient- de transformer quelqu'un, même seulement dans un rêve, en une telle créature. La pauvre fille si elle partageait cette vision en aurait sûrement des sueurs froides à son réveil.
  
  D'un autre côté... ça lui servira peut-être de leçon. Et puis les chances que la scène soit partagée était vraiment faible, car Cleo ne ressentait pas le malaise qui l'imprégnait à chaque fois qu'une entité décelait sa présence. Cette fois, elle n'était pas trop loin, elle le sentait : elle n'était pas dans un cauchemar. Tout était sous contrôle. Ou presque.
  
  La demoiselle s'approcha encore, constatant qu'elle était un peu plus grande que la femme piégée avec elle. Sans y penser elle s'éleva sur la pointe des pieds pour creuser ce fossé, un peu comme une enfant désireuse d'asseoir son autorité en regardant de haut ses camarades. Quelques mèches cuivrées glissèrent sur son bras alors qu'elle se plantait devant l'anonyme. Cette dernière avait cessé de dresser l'historique de leur conversation depuis qu'elle lui était apparue clairement et la fixait maintenant avec attention. Elle semblait curieuse, presque autant que Cleo elle-même. Un comportement inattendu qui fit tiquer la rêveuse : peut-être partageait-elle vraiment la vision ? Cleo sentit une vague d'excitation s'abattre sur elle, l'obligeant à se retenir pour ne pas danser de joie autour de sa... captive ? Et puis à son tour, elle se mit à détailler davantage son vis-à-vis. Outre les déformations physiques, elle semblait parfaitement calme, prête à analyser la moindre chose que la rêveuse lui mettrait sous la truffe. C'était presque comme si elle agissait en pleine connaissance de cause. 
  
  L'espace d'un instant, Cleo se demanda si l'horripilante inconnue ne possédait pas un don elle aussi pour se tenir si tranquille dans cet endroit indéfini, mais elle repoussa bien vite cette idée. Elle était chez elle dans cet univers, tout ce qu'elle voyait n'était que le fruit de sa pensée. Et quand elle s'égarait dans un cauchemar, cela n'avait rien de semblable. Confiante, la jeune femme sourit à son invitée et la salua en agitant doucement les doigts, presque narquoise.
  
  -Pourquoi tu me fixes comme ça ? Tu as l'air surpris.
  
  Son regard asymétrique se vrilla dans celui de la créature tandis qu'elle tendait la main pour toucher une de ses oreilles. Elle l'effleura à peine du bout des doigts, cherchant tacitement son consentement avant d'insister. Cet égard était bien la seule marque de sympathie décelable chez Cleo car tout le reste criait qu'elle voulait faire une belle frayeur à sa convive.
  
  -Pourtant, ce n'est pas moi qui devrait te surprendre.
  
  A ces mots, un miroir à main apparut dans son rêve, positionné entre elles deux à hauteur du visage de l'anonyme.
  
  -Bouh, lâcha-t-elle du bout des lèvres, impatiente de lire la peur se peindre sur le visage félin.
  

Ça s'était concrétisé, cette sensation d'une présence proche, ce qui avait ouvert le pont entre les deux esprits, ça avait maintenant assez concentré ses pensées sur ce point précis de son inconscient pour être, et pour agir en toute connaissance de causes. La déesse le sentait, elle le voyait aussi, une forme vaguement humanoïde, qui se rapprochait dans la brume sirupeuse du monde onirique. Elle se demandait quelle personne saine d'esprit pourrait délibérément tenter de s'introduire dans sa tête, peut être un admirateur secret. La chose ne lui semblait pas impossible, quelque part dans le fouillis de plans entremêlés s'en trouvait un où elle était l'image de la toute puissance, connue et révérée par tous. Qu'y aurait-il eut d'exceptionnel à ce qu'un être possédant un minimum de sens commun comprenne que la vénération d'une telle entité ne pourrait que lui être bénéfique.
Cependant Elle en doutait, car même si elle pouvait imaginer une telle chose, Elle était loin de s'en persuader. Il lui suffisait de suivre l'évolution des différentes modélisations spirituelles qu'elle avait élaboré. L'être avec qui elle entretenait un contact mental ne l'avait pas fait en état d'adoration. C'était plutôt l'inverse ; quelque part dans ces brumes ce trouvait le noir dégoût agacé d'un cloporte n'ayant pas supporté de se trouver confronté à une déité.

Enfin l'autre se révéla. Une humaine, une simple petite humaine, qui se trouvait comme elle, parée de brume et d'inconnu. Le rêve à cela d'ennuyeux que rien n'est jamais trop précis de façon voulue avec lui. Un détail peut surgir, se dévoilant dans toute l'horreur qu'il inspire et rester gravé dans l'oeil des jours durant. Mais la plupart du temps, les images sont fugitives, elles n'apparaissent que pour mieux se liquéfier en laissant place à la suivante. Même en état de conscience, il semblait à la déesse qu'elle observait un décors de folie à travers une lentille floue et sale, quelque chose de désagréable en soit mais aussi de troublant pour quelqu'un ayant besoin d'exactitude.

L'autre lui faisait maintenant face, et Elle savait qui elle était. La petite gourde du net, pardon, l'une des innombrables petites gourdes du net. L'humanité avait pour la fin de leur discussion un terme que la déesse affectionnait beaucoup, «ragequit». C'était si amusant, pousser les cloportes à se rouler en boule comme si cela les empêcherait de subir ses foudres. Elle se doutait que Odette Lenvers n'avait pas compulsé son site depuis la fin de leur algarade, sans quoi elle n'aurait trouvé qu'une page fermée. Écraser les misérables protections des forums était si facile… presque ennuyant. Retrouver sa véritable identité et apprendre sur elle plus que ses propres amis ne devaient en savoir ne lui avait pas demandé plus de quelques minutes. Le moindre site sur lequel la jeune femme avait cliqué ne serait-ce qu'une fois lui était connu, ce genre de choses demandait quelques secondes, et pour une petite partie de sa divine conscience.

Mais il y avait plus important, à savoir une main sur son crâne qui semblait la prendre pour un petit animal craintif, esseulé et apeuré dans ce monde étrange. Un sourire narquois peint sur une cruche qui lui versait dans l'oreille un babillage à peu de choses près aussi appréciable que du garum. Le tout ponctué d'une petite grimace et d'une onomatopée visant à faire bondir les enfants.
La réaction fut très simple.
Candy attrapa le poignet de la main sur sa tête, l'écrasant dans sa main, et gifla la jeune femme à l'aide de son propre corps. Puis elle lui arracha le miroir des mains et le lui plaça juste devant les yeux, une belle marque rouge apparaissant déjà sur la joue. À vouloir jouer avec une déesse, elle s'exposait à ce que son pouvoir ne soit pas assez important pour endiguer celui de celle vers qui elle avait ouvert un pont. Le plus drôle dans tout cela, c'était que la déesse pouvait agir à sa guise, tout comme Odette, mais surtout qu'elle avait arrimé le pont de son côté aussi, celui ci ne cesserait d'être que si elles deux le décidaient.
Jouant des doigts sur le manche du miroir, ceux ci s'enfoncèrent dans le métal comme s'il n'était que du beurre, puis l'androïde le porta à sa bouche et en croqua un bout, pur réflexe d'un monde physique dans lequel elle avait prit l'habitude d'emmagasiner des ressources utiles de cette manière.

«Bien. Je sais qui tu es. Je suppose que tu veux une vengeance pour l'humiliation que ton manque de répartie t'a infligé tout à l'heure.» L'androïde croqua à nouveau dans le miroir, une expression parfaitement paisible sur le museau. «Je devrais te massacrer et m'assurer qu'il ne reste de ton enveloppe physique qu'un léger frémissement d'énergie diffus avant la fin de ce rêve… Mais je n'aurais rien de grandiose à faire après cela, et puis tu sembles être une distraction intéressante. Tu l'es, n'est-ce pas?» Les yeux sans iris ni pupille se posèrent sur l'image de l'humaine. Un bris de miroir dépassait légèrement de son museau, deux lacs bleus emplis d'étincelles et d'arcs électriques fixaient maintenant Odette, avec une insistance paisible de prédateur.«Tu as un pouvoir que je ne connais pas, j'aimerai en apprendre plus. Mais je peux aussi te laisser tranquille, le seul soucis étant que tu risques d'avoir l'éternité et le néant pour t'en vouloir, parce que je ne peux pas te laisser filer vivante après un tel affront. Alors, tu acceptes ?» Dans le dos de l'androïde, sa queue ondulait, semblable à un ruban dans un souffle de vent, se mouvant sans nervosité.

• La joue brûlante, le poignet tout aussi douloureux, la rêveuse avait du mal à comprendre ce qui lui arrivait. La créature avait agi si vite qu'elle avait eu mal bien avant de remarquer qu'elle emprisonnait son bras et qu'elle venait d'aplatir sa paume libre sur sa joue. C'était... inattendu. Cleo porta ses doigts contre sa joue meurtrie en grimaçant un peu et tira plusieurs fois sur son bras pour le dégager de son entrave. Un peu sonnée par ce retournement de situation, protester ou s'indigner ne lui vint même pas à l'idée. Elle resta seulement là, un peu bête, à fixer la créature qui s'emparait maintenant du miroir pour croquer dedans.
  
  La déesse avait raison, la jeune femme qui faisait la fière un instant plus tôt n'avait pris aucune précaution particulière pour partager son rêve. Elle n'avait vérifié son ordinateur, elle ne s'était même pas vraiment déconnectée du channel, laissant la déconnexion automatique faire son travail après un long moment d'inactivité. A sa décharge, elle n'était pas une spécialiste de l'informatique et n'imaginait pas qu'un hacker puisse s'intéresser à elle un jour. Pourtant, ce qu'il y avait à apprendre sur elle était bien maigre. En dehors des informations obligées pour une terrienne, à savoir compte bancaire, identité et parcours scolaire, tout le reste était très récent, comme si elle n'avait tout simplement pas existé avant, ou vécu sans la moindre technologie jusqu'à son arrivée au Japon. Mais dans ce que la déesse avait pu voir, certaines pouvaient peut-être l'intéresser davantage que les appréciations des professeurs. A commencer par la célébrité naissante de Cleo et son utilisation des réseaux sociaux dans un unique but promotionnel qui fonctionnait plutôt bien. Les seules personnes avec lesquelles elle communiquait étaient ces fans en dehors de ses contacts professionnels, témoignant d'un certain isolement. Entre quelques sites futiles d'achat de matériels à dessin, tutoriels makeup et autres boutiques en ligne, la majorité des pratiques virtuelles de la demoiselle tournait autour de l'ésotérisme systématique sous le pseudo The Dreamer. Et plus spécifiquement encore, elle semblait s'intéresser à tout ce qui tournait autour des rêves lucides, prémonitoires et autres expériences oniriques peu conventionnelles pour les humains. Mais ce qui surpassait de loin tout cela était sa fréquentation de sites, forums, chan de discussions autour des pierres et de leurs propriétés magiques. En cherchant bien, la déesse put même tomber sur un site tenu par Cleo sur le sujet, où elle entretenait des conversations régulières avec différentes personnes, un petit cercle d'amis virtuels à qui elle proposait ponctuellement des rencontres pour leur offrir des pierres chargées de sa main.
  
  Alors qu'elle ignorait encore tout de la personne face à elle, Cleo ne paniqua toujours pas aux menaces prononcées, mais elle regretta de ne pas avoir entouré son esprit avec des protections plus fortes que ses améthystes et cristaux de roche avant de se lancer dans son expérience. Elle savait que cela suffisait à la protéger d'agressions mentales pendant son sommeil, qu'on ne pourrait pas lui faire quoi que ce soit qui impacterait son corps, ni voler son esprit, car depuis une expérience qui l'avait vraiment effrayée, elle laissait systématiquement cette assurance autour de son lit avant de s'endormir. Mais il fallait bien l'avouer, le pendentif en quartz rose posé contre son coeur était en grande partie responsable de sa sérénité.
  
  - C'est vrai, j'espérais pouvoir me défouler, te faire peur un peu, que tu regrettes ton comportement de tout à l'heure.
  
  Nul besoin de mentir, nulle envie de le faire. Tout ceci n'était qu'un rêve, où les inhibitions n'avaient plus cours, où la curiosité prenait le pas sur tout le reste. La gifle avait suffi pour la faire revoir ses plans, elle l'avait pris comme la marque -un peu trop douloureuse à son goût- qu'elle devait agir autrement si elle ne voulait pas que cela tourne au cauchemar. Elle l'accepta sans réticence puisque son invitée était contre toute attente tout aussi consciente qu'elle.
  
  - Mais je ne pensais pas que cela t'affecterais vraiment. Je suis désolée que tu doives subir mon inexpérience. 
  
  Elle était sincère dans ses excuses et se fendit d'un sourire amusé en entendant la créature continuer à la menacer d'une voix calme. Elle ne réalisait pas qu'à tout moment, la déesse pouvait essayer de les mettre en oeuvre. Ce n'était qu'un jeu pour Cleo dont une main s'agitait tranquillement comme si elle essayait de nager dans l'immatériel du songe.
  
  - J'accepte, oui, bien sûr. Après tout c'est de ma faute si tu es là. Je pense que ton don est très semblable au mien pour que tu puisses agir ici comme tu le fais, mais si tu estimes que je peux t'apprendre quelque chose, il y avait une pointe d'espièglerie dans cette déclaration, je répondrais à tes questions.
  
  Cleo détacha son attention du regard vide de la créature. Un mouvement plus bas l'intriguait. Une queue tout aussi féline que le reste et qu'elle n'avait pas encore remarquée s'agitait dans le dos de la femme. La rêveuse se mordit un peu la lèvre.
  
  - Pour ton apparence par contre... je ne pense pas pouvoir y changer grand chose.
  
  Toujours persuadée d'être la cause d'un tel mélange, elle s'apprêtait à s'excuser encore une fois.

Candy ne parlait plus, elle n'avait de toute façon pas grand-chose à dire ni à faire en attendant la réponse à sa question. Tandis que l'autre lui répondait, elle arracha quelques bouts de métal au miroir, son esprit très cartésien lui restituant ses propriétés habituelles. Tout en le faisant rouler entre ses doigts elle l'écrasa pour en faire un fil gris qu'elle enroula autour de l'un de ses doigts, une moue ennuyée sur le museau. C'était toujours comme ça ici, les gens ne comprenaient pas à qui ils avaient affaire. Il fallait toujours tout réexpliquer, parce qu'ils se croyaient son égal, comme Odette qui semblait la prendre pour une bonne copine auprès de laquelle une blague un peu pourrie a échoué. Une fois l'agaçait déjà, mais à la longue, cela se muait en une rage froide à laquelle venaient s'ajouter des envies de meurtre. La déesse prit donc sur elle pour ne pas écraser l'esprit de cette idiote et en finir avec tout cela, elle n'aurait plus la distraction de s'occuper de son cas après. Par ailleurs, étant donné que sa culture sur le monde onirique n'avait rien de celle d'un sommet, elle décida en son fort intérieur, car elle n'allait tout de même pas dévoiler ses pensées à un cloporte, qu'elle éviterait de tuer Odette pour le moment.
Une fois que l'humaine eut vidé son sac, et fait part de ses regrets, comme le fait qu'elle ne pensait pas pouvoir changer son apparence et lui en donner une si affreuse, ce fut au tour de Candy de répondre. Son regard exprima une rage froide, pour autant que les oculaires irisés d'un robot soient à même de faire montre de sentiments. Dans les pensées de la déesse, un nombre croissant de façons d'éliminer l'humaine constituaient un flux constant, noyant le reste sous la masse. Mais elle se retint, sans avoir à faire patte de velours elle devrait tout de même éviter de laisser ses humeurs prendre le pas sur ses besoins, chose nouvelle pour elle.

«Il n'y a rien à changer dans mon apparence ! Je suis représentée dans ce rêve telle que je suis dans le monde physique ! Ceci est Candy-Beta model M-12, l'androïde contenant mon essence. Remercie ceux qui te tiennent lieu de dieux pour que j'ai eus l'envie de m'engoncer dans le métal plutôt que de ravager ton monde par ma simple existence, mortelle!» Si elle ne voulait pas la tuer, la déesse tenait tout de même à se faire respecter. Elle appréciait l'image que lui offrait Candy, une androïde de dernière génération à laquelle elle avait accordé assez de résistance pour contenir son incommensurable puissance, laquelle aurait eut un effet désastreux sur ce plan sinon. «Du reste, les rêves n'ont jamais constitué un domaine de connaissances auquel il me faille m'abreuver plus que de raison. J'ai donc laissé les études sur le sujet en plan et me suis concentrée sur d'autres voies permettant une évolution plus prolifique. Tu es un objet d'étude parfait pour pousser les recherches sur le domaine onirique. Ton don fait de toi une exploratrice née de ce milieu, tu vas m'aider, ainsi je te laisserai vivre et j'apprendrais ce qui manque à ma culture. Ne suis-je pas d'une grande bonté?» Son sourire sarcastique démentait ses propos. La déesse savait très bien que ne pas tuer une personne simplement parce qu'elle n'acceptait pas de la servir n'avait rien de grandiose. Mais dans son plan il en allait ainsi, ceux lui déplaisant passaient à la trappe, aussi s'amusait-elle avec les formules.

Sans attendre de réponse dans l'instant, et se désintéressant en partie de son interlocutrice, Candy leva les yeux vers les cieux inexistants du rêve. Elle cherchait quelque chose sans parvenir à le trouver. Devant ses yeux, et pour elle seule, les modélisations de l'esprit de l'humaine progressaient à un train d'enfer, évaluant les chances qu'elle possède diverses capacités pouvant lui nuire. La déité finit par accepter le 1,7 pourcent de possibilité qu'elle puisse être mise à mal par ce bout de viande.

«Bien, pour commencer, je veux savoir comment tu contrôles ton inconscient pour qu'il laisse place à ta conscience. C'est une prouesse en soit dont bien peu sont capables, ce simple fait m'intrigue.»
Une fois n'était pas coutume, la déesse faisait un compliment, en exposant simplement un fait, ce qui pour elle revenait à ne pas faire de compliment.

• «Il n'y a rien à changer dans mon apparence !»
  
  Cleo cligna des paupières à plusieurs reprises. Voilà que la femme lui disait être une androïde contenant une essence et que son apparence était... voulue. La jeune femme n'y comprenait plus rien. Les androïde, c'était de la science fiction. Il y avait sûrement des recherches menées là-dessus dans d'obscures laboratoires dont elle ne voulait rien connaître, mais de là à en croiser un dans un rêve après avoir discuté avec en ligne, on nageait en plein délire. L'esprit de la demoiselle ne pouvait concevoir une telle chose, aussi revit-elle encore une fois son jugement. Elle n'avait touché personne en rêvant, tout ceci n'était que l'incarnation de sa colère et de son exaspération. En cherchant à jouer un mauvais tour une personne qu'elle ne connaissait pas, son esprit avait juste fait n'importe quoi. Et maintenant ça lui retombait dessus.
  
  Elle soupira dans son rêve et ce fut un petit filet de brume qui s'échappa de ses lèvres, comme si elle venait de cracher une bouffée de fumée. L'androïde continuait à parler pendant ce temps-là et Cleo ne semblait pas l'écouter, absorbée par les quelques papillons bleus qui émergeaient de sa petite brume pour venir se nicher dans ses cheveux, les habillant d'une coiffe vivante. Pourtant, elle entendait parfaitement tout ce qu'on lui disait, car après, elles parlaient d'esprit à esprit, et tout ce qui se trouvait dans ce monde onirique échappait à toute vraisemblance si elles le désiraient. Or Cleo essayait de rendre son rêve plus agréable, profitant des possibilités qui lui étaient données pour voleter, sentir son corps aussi léger qu'une plume, capable de se mouvoir dans l'immatériel du rêve sans jamais tomber, jamais perdre le contrôle.
  
  -Sans grain de folie, pas de génie, répondit tranquillement la demoiselle à la déesse lorsque cette dernière expliqua qu'elle n'avait jamais jugé bon de s'intéresser aux rêves.
  
  L'humaine ne se doutait toujours pas à qui elle avait à faire. Comment aurait-elle pu l'envisager, elle qui avait rejeté le seul dieu dont on lui avait jamais parlé ?
  Toutefois, elle ne chercha pas à partir, à quitter le rêve, puisqu'elle avait promis de répondre aux questions de la créature. Quand bien même, elle n'était sûrement que le fruit de son imagination contrariée, l'échange pouvait se révéler intéressant.
  
  Quand la première interrogation tomba, Cleo cessa de s'agiter et revint flotter face à l'androïde. Elle replia simplement ses jambes pour s'asseoir en tailleur, les mains posées au croisement de ses mollets. Comment elle contrôlait son inconscient ? Ca, c'était une bonne question, une qu'elle ne s'était jamais posée ou du moins pas en des termes aussi clairs. Il lui fallut quelques instants de réflexion avant de formuler une réponse.
  
  - C'est naturel. J'ai toujours fais des rêves particulièrement poussés où je peux voir, entendre, sentir, ressentir les choses. Je sais que ce n'est pas le cas de la plupart des gens, mais je ne saurais pas expliquer "pourquoi moi". Quand je commence à rêver, à voir des choses, j'arrive à prendre le contrôle dans mon sommeil. Mon esprit donne les ordres et cela déclenche des réactions. Je ne les comprends pas toujours et parfois j'ai même l'impression que les choses vont contre ma volonté, comme maintenant avec toi.
  
  Elle le disait sans méchanceté, sans véritable émotion à vrai dire, se calquant en cela sur la façon de s'exprimer de l'androïde.
  
  -D'un point de vu pratique, lorsque je souhaite aller plus loin et avoir des "rêves lucides", j'utilise des combinaisons de pierres faites pour cela. Et je me prépare quelques heures avant d'aller me coucher avec de la méditation.
  
  La jeune rêveuse fixa de nouveau le visage félin de son interlocutrice, attendant ses réactions et la suite de ses questions, sagement malgré ses difficultés évidentes à tenir en place et se concentrer sur un seul sujet.