Fury & Rage [Charis Tradent]

« Ils ont été dévastés... Je sens une puissance phénoménale. L’homme que nous traquons. »

Les mots du Nécromancien sonnaient avec glas. Ils étaient arrivés trop tard. Le village montagnard était en ruines. Tout avait été brisé, et les cadavres gisaient sur le sol, prostrés, bisés, pulvérisés. La main du mage se posa à nouveau sur le sol, et il ferma les yeux, murmurant une étrange mélopée. Zachiam avait pour habitude de dire qu’il fallait écouter les morts, car, quand ces derniers se mettaient à parler, leurs mots étaient terribles, beaucoup plus forts que ceux des vivants. Ils étaient mots récemment, et les empreintes étaient donc fraîches. Knaël, qui accompagnait l’homme, n’avait rien à dire. La nécromancie était toujours une discipline que la Nephalem n’avait pas spécialement comprise, mais elle reconnaissait volontiers les compétences de l’homme. Leurs mains se touchèrent, et elle vit alors des fantômes et des spectres, baignant dans les mémoires spectacles résiduelles qui flottaient dans ce lieu de carnage, des souvenirs éphémères que la magie arrivait à produire.

Des enfants hurlaient, fuyaient. Les flammes brûlaient.

« Dans les grottes, dans les grottes !
 -  Fuyez, fuyez ! »

Hurlements, souffrances, pleurs. Les hommes se battaient, les femmes croisaient le fer, et les autres, les civils, fuyaient. Ils étaient venus par la porte principale, et attaquaient en force. Une masse s’abattit sur le bouclier d’un guerrier, frappant si fort qu’il en eut le bras brisé, puis une main le saisit à la gorge, et l’envoya s’aplatir sur le sol, brisant ses vertèbres. Elle vit un archer lancer une flèche. Elle atteignit l’épaule d’un des Barbares. Ils étaient colossaux, massifs, mais même eux semblaient être petits en comparaison de leur chef. Un véritable géant. Plusieurs centaines de kilos de muscles. Il attrapa un ennemi par le torse, le soulevant, et l’envoya se balancer à travers une masure, puis frappa violemment sur le sol avec son poing droit, déclenchant une attaque magique de Terre.

Cette attaque était assurément à l’origine de la profonde fissure parcourant le village d’un bout à l’autre. Les souvenirs des morts n’étaient pas totalement fidèles à la réalité. Zachiam lui avait expliqué qu’il fallait s’en méfier, car ces visions étaient empreintes de subjectivité. Les guerriers avaient eux l’impression d’être attaqués par des colosses immortels contre qui les flèches se brisaient et les épées ne faisaient rien. Ils étaient forts, oui, mais pas invincible. Les ennemis n’avaient même pas pris la peine d’enterrer les cadavres, permettant ainsi de laisser derrière eux les animaux sauvages, qui viendraient se repaître de cette chair fraîche, retardant ainsi les éventuels survivants lancés à leur poursuite. Parmi les cadavres, certains appartenaient cependant aux envahisseurs, et Knaël avait reconnu les symboles bleuâtres sur leur torse. Ils appartenaient au clan qu’elle traquait avec Zachiam depuis maintenant plusieurs semaines.

Le clan de Baram. Baram était un Barbare colossal, massif, doté de pouvoirs magiques, notamment la possibilité d’utiliser la Terre depuis son poing droit. Même pour un Barbare, il était gigantesque, à tel point que Knaël se demandait s’il n’était pas un demi-géant. Baram laissait derrière lui un chemin tracé de cadavres et de pillages en tout genre. Elle le traquait dans ces montagnes dangereuses. Une vaste chaîne de montagnes s’étalant sur plusieurs milliers de kilomètres. On trouvait de tout et n’importe quoi : des cités naines abritant des mines, que ces cités soient vides ou encore en activité, des villages humains, et, dans les parties les plus sauvages des chaînes, plusieurs clans barbares. De ce que Knaël savait, ils étaient souvent embauchés par les nains pour les protéger, ce qui expliquait leur présence dans des endroits aussi sauvages.

Baram travaillait pour le compte d’une mystérieuse organisation terroriste que Knaël traquait avec la bénédiction de l’Empire d’Ashnard et de l’Ordre Immaculé, la Monarchie de la Rose. Ce mouvement dépassait les simples frontières de l’Empire, comme en témoignait sa présence ici. Baram était en train de massacrer les clans, sans que Knaël ne comprenne trop pourquoi.

« Les civils se sont réfugiés dans des cavernes... »

Elle s’avança à la sortie du petit village, et vit des traces de pas, des traces que la neige n’avait pas encore totalement recouverte.

« C’est par là-bas qu’il faut aller. »

Le duo retourna vers leurs chevaux.

« Pourquoi s’en prendre aux clans, s’il veut trouver de nouvelles troupes ?
 -  D’après ce que j’ai compris, ces clans vénèrent des divinités... Je pense que ce clan-ci a dû refuser de s’allier à lui. Il a du laisser des survivants pour qu’ils aillent transmettre le message... Vos dieux sont morts. Continuez à croire en des idoles mortes, et vous subirez le même sort. Quelque chose comme ça. »

Les Barbares étaient bien connus pour agir selon la loi du plus fort. C’est de cette manière que les Ashnardiens arrivaient à les soumettre, en allant défier leurs champions, et en les terrassant. Le lieu de culte de ce village avait par exemple été totalement dévalisé.

« Ils ont aussi tué les enfants... Les bébés qui n’ont pas eu le temps de fuir. »

Knaël serra les dents à l’annonce de cette nouvelle.

Ce type était un monstre.

« Non ! »

Assaillie par la douleur des blessés, des morts, Charis s'arquait dans son lit, les yeux grand ouvert, les yeux révulsés. Elle était en transe. Elle ne pouvait pas mettre en sourdine les sensations terribles qui la terrassait. Ses sujets étaient en danger. Vulnérables. A travers leurs yeux, elle vit le monstre responsable de ce carnage. Elle finit par ouvrir les yeux, haletante. En sueur, elle se redressa sur son lit. Son grand-père était proche.

« Qu'est-ce que c'était ? »

Elle se prit la tête entre les mains, les images dansant encore devant ses yeux.

« Un monstre, presque un géant... Il a annihilé le clan de la Neige. Il... C'était vraiment horrible. Je ne contrôlais rien. Je ressentais tout... »

Elle avait encore du mal à dissocier les ressenti de ses sujets de ses propres sensations. Surtout quand elle dormait.

En sueur, elle se leva, et se glissa dans l'énorme bain qui jouxtait sa chambre. Nue, elle n'avait pas de pudeur. Même si c'était son grand-père.

« Que vas-tu faire ? »

Se frottant doucement dans l'eau, la rousse soupira.

« Protéger mon peuple, évidemment. »

Crom sourit, fier de sa petite-fille.

Elle s'habilla par la suite, laissant sa crinière de feu sécher naturellement. Revêtant sa tunique, et son armure de cuir et de plates, elle glissa l'immense épée d’Héphaïstos dans son dos, et quelques poignards à sa ceinture. Une hache à la main, elle se téléporta non loin du campement des Neige. D'autres personnes étaient déjà-là. Le temps défile différemment dans le domaine des dieux. Combien de temps s'était-il écoulé depuis son rêve, sur Terra ? Quelques jours ? Quelques heures ?

Elle s'avança vers le duo, un rictus méfiant sur les lèvres. Elle ne sortit pas sa lame, et avança, les bras écartés, montrant qu'elle n'allait pas les attaquer.

« Je suis Charis, protectrice des clans. Qui êtes-vous ? Avez-vous vu qui a... Torturé et annihilé le clan de la Neige ? »

Une longue traque se poursuivait, s’inscrivant elle-même dans une quête encore plus longue. Baram, malgré toute sa puissance et sa force, n’était qu’un pion dans une organisation ne comprenant que des pions. Il fallait remonter le long de l’échelle pour atteindre le gros poisson. Le clan avait été massacré, et Knaël, qui était une femme cultivée, en savait les motifs. Affaiblir les divinités protectrices, et ainsi convaincre les autres clans de le rejoindre. Les Barbares étaient disséminés dans tout le champ de montagnes, et ces clans tribaux formaient des relations complexes et ambiguës, reposant sur une série d’alliances et de guerres claniques. La culture barbare, contrairement aux clichés, ne se résumait pas qu’à des bourrins se tapant dessus sans réfléchir. Dire cela était aussi complet que dire que la culture naine se résumait à l’avarice. Les Barbares avaient un sens de l’honneur, et estimaient tout simplement qu’un combattant se devait de se battre au contact, minimisant ainsi l’influence et le rôle des armes à distance. La Nephalem savait qu’ils suivraient le plus fort, et Baram avait tout pour lui... Cependant, il n’était pas le seul derrière ça. Quelqu’un l’avait aidé à devenir aussi fort, et surtout à manipuler la Terre.

Le duo se trouvait encore dans le village quand Knaël sentit des ondulations magiques. Sa main se porta vers la poigne de son épée, et elle vit ensuite une femme apparaître. Forte, belle, avec une aura divine que la nature semi-angélique de Knaël perçut... Et qui pouvait potentiellement être hostile, surtout si elle se méprenait sur leurs intentions.

« Je suis Charis, protectrice des clans, s’annonça-t-elle alors, rassurant potentiellement Knaël. Qui êtes-vous ? Avez-vous vu qui a... Torturé et annihilé le clan de la Neige ? »

Ouf ! Elle ne les pensait pas responsables ! Peut-être bien qu’elle sentait que les deux êtres étaient innocents ? Knaël ignorait quels étaient les pouvoirs de cette femme, ni la nature de sa relation avec les clans. Elle ne savait même pas que ce clan s’appelait celui de la Neige.

« Je m’appelle Knaël, Nephalem en mission pour le compte de l’Empire d’Ashnard.
 -  Et moi, je suis Zachiam, un nécromancien venant de Nexus. »

Dit comme ça, ils formaient un duo atypique : leurs deux nations étaient en guerre, après tout.

« Nous n’avons pas directement vu qui a commis ce massacre, mais nous le traquons...
 -  Les morts l’ont vu. C’est un individu que nous traquons depuis des semaines, un puissant Barbare qui est venu ici pour amasser une armée de Barbares, Baram. Regardez plutôt. »

Zachiam ferma les yeux, et tendit sa main vers le sol, écartant les doigts. Il se concentra, et murmura entre ses lèvres une mélopée. Ses doigts se mirent à vibrer, et il les posa sur le sol. Des runes apparurent alors autour de lui, et des images apparurent. Zachiam s’était concentré, déclenchant ici un sort plus poussé que celui qu’ils avaient fait tantôt. Ce fut une véritable vision qui se forma, où on put voir les masures en flammes du clan de la Neige, leurs guerriers en train de se battre contre les colosses monstrueux de Baram. Les soldats de Baram semblaient insensibles à la douleur. L’un avait une flèche plantée dans le torse, mais continuait à se battre, les yeux éructant de rage. On le vit fracasser le crâne d’un homme avec sa masse cloutée, faisant éclater son sang sur le sol, des bouts d’os se nichant entre les clous.

« Les civils du clan se sont enfuis vers un refuge dans les montagnes... Baram va les traquer. »

On put également le voir utiliser sa magie, frappant violemment le sol avec son pied, faisant vibrer ce dernier, renversant plusieurs soldats. Cet homme était une force de la nature imposante, et un puissant mage.

« Vous savez où se trouve ce refuge ? Je pense qu’il faut s’y rendre sans plus tarder.
 -  Ou alors, aller voir le plus proche village... Baram va sûrement aller voir un clan rival de celui de la Neige pour leur faire part de ses exploits. »

Knaël comprit où il voulait en venir. Il allait falloir se diviser.

« Il faut voir si les réfugiés sont toujours en vie, et les envoyer à un endroit où ils seront en sécurité. »

L’inconvénient était que Baram avait toujours sur eux ce maudit train d’avance, ce train d’avance qui faisait que les deux guerriers étaient toujours à devoir simplement voir les traces de ces massacres, que ce soit de simples auberges isolées, des caravanes, de petits hameaux, voire de simples cabanes de bûcherons... Mais, peut-être qu’avec cette Déesse, ils avaient enfin avoir l’occasion de rattraper ce retard.

Charis portait un regard scrutateur sur les deux êtres en face d'elle. Elle ne les sentait pas dangereux pour elle. Elle ressentait aussi leur désir d'arrêter Baram. Elle pouvait leur faire confiance, au moins sur ce point. En soupirant, elle se passa une main sur le front. Elle avait passé trop de temps avec son grand-père. Elle aurait dû être plus vigilante. C'était à cause d'elle que Baram avait pu faire autant de dégât. Elle se sentait responsable. Elle allait réparer ses erreurs.

Observant la vision que déclencha Zachiam, le nécromancien, elle fronça les sourcils. En se concentrant un peu, elle pouvait sentir les vestiges du pouvoir utilisé ici. C'était terrible. Elle musela la douleur fantôme qui se répandait dans ses membres, et se concentra sur ce qu'elle voyait. L'armée de Baram était forte, et nombreuse. Elle était aussi cruelle, et presque invincible.

Puis la vision s'évanouit, et les deux guerriers reprirent la parole. En écoutant attentivement, la déesse essayait de mettre un plan sur pied. Elle ne savait pas où se trouvait ce refuge, pour le moment, mais elle se concentra, et repéra la trace de ses sujets. Ils filaient vers les montagne, ainsi qu'avait conclu Zachiam. Elle localisa le repère, en s'insinuant dans l'esprit d'un des civils en fuite, et hocha la tête.

« Je sais où est le repère. Ils y vont, en effet. »

Mais l'hypothèse selon laquelle Baram allait aller se vanter était plausible. Peut-être même allait-il détruire tous les villages sur son sillage menant au refuge des montagnes.

« Il est probable que Baram y aille aussi, pour anéantir ceux qui ne veulent pas se joindre à sa cause. »

Elle fit les cents pas un instant, son esprit cherchant à suivre la trace du guerrier qui voulait tuer les siens. Elle ferma les yeux, se concentrant, et finit par saisir une infime étincelle néfaste. Il était proche d'une cible. Il était plein de vice, et de désir de conquête.

« Il va éradiquer chaque village jusqu'au clan des Montagnes, où se trouve le refuge. »

Elle s'était arrêtée, et son regard luisait d'une détermination sans faille.

« Il n'est qu'à quelques lieues de son prochain massacre. Vous êtes prêts ? Vous êtes avec moi, pour aller aider ce village à se préparer à l'attaque ? »

Elle n'attendit pas leur réponse. Elle avait senti qu'ils traquaient Baram depuis un moment. Elle sourit, et elle se téléporta au centre du village qui n'allait pas tarder à subir les foudres de Baram. Avec elle, les deux guerriers se matérialisèrent également, ainsi que toutes leurs possessions et leurs montures.

En voyant la déesse arriver, les guerriers du village du clan du Sable s'inclinèrent, accueillant leur vénérée protectrice avec déférences, psalmodiant son nom comme une litanie.

Avoir l’aide d’une Déesse n’était jamais une mauvaise chose. Knaël avait appris à se méfier des Dieux, notamment des Olympiens. Ils prétendaient servir l’intérêt commun, et réguler tout Terra, mais, pour elle, ils étaient surtout motivés par leur orgueil, et semblaient plutôt préférer passer leur temps à se tirer dans les pattes, qu’autre chose. Cependant, cette Déesse était différente… Elle n’appartenait pas aux Olympiens, mais c’était son territoire. Knaël ne voulait pas s’imposer. Le Centurion d’Argent voulait une aide, pas un nouvel adversaire supplémentaire. Elle traquait Baram depuis Ashnard, depuis le comté de Lagarde, plus précisément*, et elle avait envie d’y mettre un terme. La Nephalem laissa donc à Charis le soin de déterminer leur prochaine destination, et la Déesse barbare opta pour le plus proche village, en pensant que Baram allait sûrement chercher à l’attaquer.

« Il n'est qu'à quelques lieues de son prochain massacre. Vous êtes prêts ? Vous êtes avec moi, pour aller aider ce village à se préparer à l'attaque ? »

Knaël et Zachiam se regardèrent brièvement. La femme connaissait assez peu le nécromancien, qu’elle n’avait de fait jamais rencontré avant cette histoire, avant la traque de la Rose. Cependant, elle lui faisait confiance. Non seulement parce qu’Iranaël lui avait dit qu’il était fiable, mais parce qu’elle avait l’habitude de pouvoir jauger les personnes lui faisant face. Elle expliquait cela par sa nature semi-angélique et semi-démoniaque, qui lui permettait souvent d’avoir des intuitions particulières à l’égard d’autres personnes. Ce n’était pas une technique fiable, ni même scientifique, c’était plutôt une sorte d’intuition. Or, elle ne ressentait aucune animosité particulière à l’encontre de Zachiam. Elle savait que l’homme s’était rendu sur Terreaufair, effectuant une mission secrète pour le compte de Nexus, et qu’il ne voulait pas spécialement en parler. Même si les deux individus étaient proches, ils appartenaient chacun à des puissances en guerre.

« Il n’y a malheureusement plus rien à faire ici, intervint Zachiam. Je suis prêt à vous suivre, Déesse Zachiam.
 -  Essayons d’arrêter là le massacre et les tueries. »

Les deux individus posèrent leurs mains sur le corps de Charis, et cette dernière téléporta le trio au centre d’un village.

Ils arrivèrent dans le village du clan des Sables. Le village s’organisait à flanc d’une montagne, au sommet d’une vallée enneigée. Les défenses, rustiques, se composaient de palissades en bois solides, mais l’avantage du terrain était pour eux. Les Barbares pouvaient également, en cas de difficultés, se réfugier dans les grottes. Le village était en effet apposé contre le flanc d’une montagne, et des ouvertures menaient à une caverne, qui devaient faire office de centre-ville. Il y avait de shuttes, des totems, des miradors en bois avec des archers, et probablement d’autres éclaireurs tout en hauteur.

Quand le trio arriva, toutes les personnes proches s’inclinèrent devant Chair,s louant son nom… La clameur enfla, et d’autres Barbares arrivèrent. Guerriers, qu’ils soient hommes ou femmes, enfants, ouvriers, vieillards… Au bout de quelques minutes, tout le village les encercla.

« Charis ! Charis ! entendait-on.
 -  Louée soit la Déesse, louée soit la Gardienne ! »

Il fallut attendre encore un peu. Knaël laissa le soin à Charis d’expliquer ce qui leur arrivait.

« Nos éclaireurs ont vu les flammes s’échapper du village… Nous avons envoyé des hommes pour en savoir plus, mais ils ne sont pas encore revenus. C’est terrible…
 -  Quel est le chemin le plus rapide pour rejoindre votre village à celui de la Neige ? »

L’homme ne répondit pas tout de suite, jetant un regard courroucé à Knaël, qu’il voyait comme une étrangère… Mais, comme elle accompagnait la Déesse, il lui était impossible de la repousser.

« Il faut traverser la forêt… Mais les survivants de la Neige ne sont pas venus chez nous. Ils ont probablement été se rendre au Sanctuaire, ce qui les conduira à passer par le village du clan de l’Ours.
 -  Vous devez organiser vos défenses. Est-ce que vous avez des rondins de bois ? En tenant compte du dénivelé, ils peuvent…
 -  Nous savons ce que nous avons à faire, étrangère », intervint alors une voix dans son dos.

L’impertinente voix émanait d’Alena, aussi surnommée « Yeux-Bleus » par les guerriers. Elle était la fille du chef du village, et considérée comme la plus puissante guerrière du Sable. Elle s’inclina devant Charis, en signe de respect.

« Pourquoi cette Horde nous attaque-t-elle ? Est-elle envoyée par une divinité rivale, Déesse Charis ?
 -  Nous traquons Baram depuis Ashnard, répliqua Zachiam. L’Empire a mis sa tête à prix, et la prime ne cesse de monter… De mémoire, elle s’élève à plusieurs millions de pièces d’ors, maintenant.
 -  Vous êtes donc des mercenaires…, répliqua lentement la femme.
 -  Nous avons été mandatés par l’Empereur d’Ashnard, Mordet Vilcius, et par l’Ordre Immaculé en personne, afin de traquer une conspiration. »

Knaël avait répliqué sur un ton sec, et sortit de ses affaires un papier, tamponné du sceau d’Ashnard, et signé par la main de Mordret en personne, attestant de sa présence ici.

« Hum… Très bien. Nous ne reconnaissons toutefois pas l’autorité de l’Empire ici, et encore moins celle de ces fanatiques de l’Ordre.
 -  Le fait est que vous avez maintenant un ennemi commun. Baram cherche à monter une armée, et est au courant des rites barbares. Il cherche à montrer que vos Dieux ne peuvent plus vous protéger, et qu’il est temps de vous fédérer sous sa bannière. »

Un frisson traversa la foule à cette idée. Vouloir défier les Dieux était une hérésie dans tous les cultes existants, mais, pour les Barbares, si jamais quelqu’un arrivait effectivement à ce tour de force, alors c’est qu’il était plus fort que les Dieux. Dans ce cas, pourquoi continuer à prier des gens qui apparaîtraient alors, à leurs yeux, comme des faibles ?

« Cet homme est fou !
 -  Nul ne peut se permettre ainsi de défier l’autorité des Dieux ! La Déesse nous protègera, et nous nous montrerons dignes de son soutien ! »

Les Barbares… Des guerriers dans le sang.


* : Cf. RP « Le véritable ennemi ».

L'arrivée de la déesse au village ne passa pas inaperçue. Accompagnée des deux mercenaires, elle écouta avec un sourire fier le clan des Sables clamer son nom. Puis expliqua la situation, alors qu'un guerrier du clan résumait ce qu'ils savaient également. Elle laissa les choses se dérouler devant ses yeux, portant son esprit au-delà des limites de son corps. Elle cherchait la trace de Baram, ou même de survivants des clans tombés. Elle écoutait distraitement ce qui se passait, mais son attention était focalisé sur des êtres épars qui se dirigeaient tous vers un même point. Le Refuge.

Puis son esprit revint à son corps. Secouant légèrement la tête, Charis posa un regard bienveillant sur ses fidèles.

« Je vous protégerais, oui. J'ai failli à mon devoir, jusque là, parce que je prenais des forces auprès de mon grand-père, que vous estimez tous, je le sais. Je n'ai pas pu entendre les appels au secours avant de quitter son temple. Mais je suis là à présent. Et je ferais tout ce que je dois pour empêcher ce fléau qu'est Baram de vous faire du mal. »

Elle se tourna vers les deux mercenaires, un sourire aux lèvres.

« Mais pour cela, il va vous falloir faire confiance à Knaël et Zachiam. Même s'ils sont étrangers à notre communauté, ils ont des intentions pures, et sans risques pour nous. J'ai une totale confiance en eux. Pour l'heure, si vous ne souhaitez pas vous rendre au Refuge, organisez les défense. Il faut avertir tous les clans. Je me charge de cette partie. Je vais me rendre au clan de l'Ours pour les prévenir, et voir si d'éventuels survivants sont passés par là. Au moindre soucis, appelez-moi. J'arriverais dans l'instant. »

Elle parcourut ses fidèles du regard, avant de s'attarder sur Alena.

« Alena. Toi et ton père êtes de bons guerriers, loyaux et intelligents. Je compte sur vous pour continuer. Vous serez dûment récompensés. »

Elle s'inclina ensuite, et rejoignit ensuite les deux mercenaires.

« Je vais voir le clan de l'Ours. Voulez-vous restez ici ? Au cas où Baram arrive pendant que je préviens les clans ? »

Alena était méfiante, ce que Knaêl lui pardonnait. Elle ne demandait pas à ce qu’on la croit sur parole, et elle était au moins ravie que les Barbares n’aient pas cherché à les tuer tout de suite. La Nephalem était bien placée pour savoir à quel point les Barbares pouvaient être brutaux. La Déesse Charis parla sur un ton fort et assuré, expliquant à ses ouailles qu’ils pouvaient faire confiance en Zachiam et en Knaël. Alena ne dit rien, hochant lentement la tête, conservant toutefois une lueur soupçonneuse dans le regard. Elle se fiait fort peu à des papiers et  des documents, et croyait bien plus facilement en la parole de Charis... Plus ou moins. La Déesse était réfugiée chez son grand-père pendant que son peuple se faisait massacrer ? Était-ce parce qu’elle avait peur de Baram ? Charis leur expliqua qu’elle comptait l’affronter, et, pour ça, elle voulait se rendre au Refuge... C’était un lieu neutre, une terre sacrée pour les Barbares, un endroit que personne n’était censé attaquer, mais qui était aussi un coupe-gorge. Une immense grotte dans un canyon, entourée de récifs, de monts escarpés... Difficile de l’assiéger, mais impossible d’en sortir. Le clan du Sable respectait le caractère sacré du Refuge, et Charis, de son côté, voulait réunir les différents clans afin de faire front commun contre Baram et ses tueurs psychopathes.

Elle comptait donc, pour cela, rejoindre le clan de l’Ours, et, après avoir donné à Alena le soin d’améliorer et de préparer les défenses du clan du Sable, elle se retourna vers Knaël et Zachiam, demandant ce qu’ils comptaient faire :

« Je vais voir le clan de l'Ours. Voulez-vous restez ici ? Au cas où Baram arrive pendant que je préviens les clans ? »

Alena fronça lentement les sourcils, sans rien dire. Knaël et Zachiam, à nouveau, se regardèrent.

« Je vais rester ici. Mon expertise militaire pourra vous être utile. »

La Barbare hocha lentement la tête, acquiesçant en silence.

« Toute aide est bonne à prendre, a fortiori si elle émane de la Déesse. »

C’était une manière discrète de rappeler qu’Alena ne tolérait la présence de Knaël que parce que Charis leur avait expliqué que le clan pouvait leur faire confiance. Knaël s’en moquait. Elle était venue ici pour sauver des vies, et, si elle pouvait contribuer à les aider par le biais de la Déesse, Knaël acceptait ce choix. De fait, elle sentait surtout que l’hostilité d’Alena ne résultait pas que d’une sorte de profonde xénophobie... Il y avait autre chose, comme si elle semblait voir en elle une rivale...

Zachiam, de son côté, répondit rapidement à la Déesse :

« Quant à moi, je veux bien vous accompagner, Déesse Charis. Mes pouvoirs de nécromancien pourront être utiles afin de convaincre les autres clans. J’ai été dans le village du clan de la Neige, j’ai senti la colère et la douleur des morts... Ce sont des éléments qui pourront convaincre les plus réticents. »

Pour l’heure, chaque clan semblait plutôt en faveur de se défendre soi-même, plutôt que de tous se réunir. Zachiam restait proche de Charis, se montrant étrangement familière avec la divinité.

« Tous les clans vont vouloir se défendre eux-mêmes... Il faudra les convaincre de se regrouper au Refuge, afin de former une armée commune...
 -  Je vais essayer d’encourager Alena... »

Le terme « essayer » était plutôt bien choisi. Les Barbares étaient connus pour être têtus, et peu enclins à la négociation et à la discussion.

C’est ce qui se voyait ici, mais Zachiam comptait bien rester avec la Déesse, afin de se renseigner davantage sur cette région et sur les peuplades l’habitant.

La déesse hocha la tête, satisfaite. Elle offrit un sourire bienveillant à la guerrière qui lui avait fait face. Elle sentait les doutes de la jeune femme après ses paroles. Et elle-même ressentait des doutes sur sa capacité à affronter Baram. Elle n’était pas réfugiée par peur, chez son grand-père, mais pour parfaire son entraînement. Elle était une déesse novice, après tout, et malgré l’assurance qu’elle déployait, elle doutait d’elle-même, et de ses forces. Elle s’était bien faite tuée, par un étranger, quand elle était humaine. Cela prouvait qu’elle n’était pas encore infaillible.

« Puisse Crom veiller sur vous pendant mon absence. »

Puis elle se détourna, et posa sa main sur le bras de Zachiam qui était à ses côtés. Ils disparurent, dans un tourbillon de poussière, laissant Knaël seule avec Alena et le reste du clan.

De leur côté, la déesse et le nécromancien reparurent à la lisière du village du clan de l’Ours. Immédiatement, la rousse capta de la peur. Elle s’empressa d’entrer dans le camp, qu’elle trouva désert. En se concentrant un peu, elle sentit les guerriers tous réunis au même endroit, tandis que les enfants et les anciens étaient réfugiés dans les tentes qui composaient le village. D’un pas vif, la déesse se dirigea vers la grande tente dans laquelle les guerriers tenaient conseils.

« […] Sont pas que de simples rumeurs ! J’ai vu un de ces réfugiés. Il était terrorisé. C’était un bon guerrier, avant cela. Farouche et indomptable. Et je l’ai retrouvé tremblant comme une feuille, blanc comme un linge. Ce Baram, qui qu’il soit, sème la terreur et la désolation parmi les nôtres. Et que font nos dieux ? Ils demeurent absents, sourds à nos prières. A quoi ça sert de continuer à attendre leur aide ? Nous devons organiser notre défense maintenant !
— Tu t’égares, Nolan. Les dieux n’ont pas que ça à faire, de s’occuper de nous. Ils ont leurs propres problèmes également.
— Mais ce n’est pas une raison de nous ignorer ! Cette Charis, qui se dit protectrice des clans, elle est où, hein ? Je ne m’égare pas, Jolan. Je suis réaliste ! »

Ayant entendu ses paroles alors qu’elle s’était arrêtée près de l’ouverture de la tente, Charis se décida alors à entrer.

« Je suis là. »

Elle avait parlé d’une voix forte. Autoritaire. C’était pour mieux masquer son trouble. Elle ne pensait pas que les clans étaient aussi désunis. Ils commençaient à se désolidariser des dieux.

« Et voici Zachiam, un nécromancien venu nous épauler dans cette lutte. »

S’avançant un peu plus dans la tente, jusqu’à ce placer au centre du cercle formé par le conseil des guerriers, la rousse tourna lentement sur elle-même, fixant les hommes rassemblés ici de son regard clair comme l’acier.

« S’il y a tant de doutes dans ton cœur, Nolan, alors pourquoi continue-tu à prier mon grand-père, chaque soir et chaque matin ? »

Elle n’attendit pas de réponse. En fait, elle enchaîna pratiquement aussitôt :

« Je sais que Baram fait des ravages. Je suis là pour vous convaincre de tous aller au Refuge. Vous êtes de braves guerriers, mais Baram l’est tout autant. Il a pour lui une absence totale de morale, et désire anéantir vos croyances. Des clans sont déjà tombés sous ses assauts. Et d’autre tomberont si vous restez ici.
— Pourquoi devrions-nous abandonner nos terres ? Vous êtes la déesse, réduisez-le en poussière avec un éclair de foudre, où que sais-je encore ?
—Parce que je ne peux pas me concentrer pour lui foutre une raclée si d’autres meurent encore. Je ressens chacune de vos blessures, chacune de vos morts. Je ne peux pas être la déesse que vous voulez que je sois si vous vous entêtez à garder vos positions.
— Mais qu’est-ce qui rends Baram si fort ? C’est encore un de vos conflits entre divinités ? Qui est-ce qui le contrôle ? Un Olympien ?
— Je l’ignore encore, malheureusement. Mais ce n’est pas une rivalité entre les dieux. C’est bien plus que ça. Cet homme, ce Baram, désire anéantir vos croyances. Il désire prendre le contrôle de ces lieux, de vos terres. Il ne vit que pour la guerre et la destruction. Et vous lui facilitez la tâche en restant ici.
— On ne quittera pas nos terres ! Intervint alors un autre guerrier. »

Elle s’écarta finalement du cercle des guerriers pour faire signe à Zachiam de s’approcher.

« Zachiam. Dites-moi. Pouvez-vous faire voir à ces hommes ce que vous m’avez montré tantôt ? »

Elle se disait que, peut-être, en voyant la force inhumaine de Baram, et ses monstres de soldats insensibles à la douleur, le clan de l’Ours pourrait revenir à la raison.

Tandis que Knaël restait en arrière, Zachiam, qui n’avait guère à se plaindre de sa situation (pour quelqu’un qui aimait la compagnie des morts, être en compagnie d’une bonne vivante était quelque chose de très appréciable), se retrouva devant le village du clan de l’Ours. Contrairement au clan du Sable, dont le village était à flanc de montagne, celui de l’Ours était niché au sein d’une profonde forêt. Le duo s’approcha lentement, Zachiam restant en retrait, ne voulant nullement faire de l’ombre à la Déesse. Il en profitait pour se plonger dans la magie, et ne percevait aucune trace de Baram. Le Barbare et sa Horde n’étaient pas encore passés par là, mais le bruit du massacre du clan de la Neige avait atteint cette forêt. Quand ils entrèrent, ce fut pour voir l’entrée du village déserte... Même les sentinelles n’étaient plus là. Zachiam se plongea encore dans la magie, et sentit une masse vivante à proximité.

Le village s’était en réalité réuni dans une grand-place, devant plusieurs autels, et ce qui semblait être le temple local, à côté de la maison du chef, où une immense tête d’ours empaillée était plantée sur le fronton. Une vive conversation parcourait la populace, et Zachiam resta encore en retrait, laissant la Déesse Charis rappeler à ses ouailles qu’elle était là.

*Elle est plutôt conciliante et diplomate, pour une Déesse guerrière... Je connais des Olympiennes qui auraient tranché la gorge de ce Nolan pour un tel blasphème...*

Charis semblait être une Déesse relativement jeune, qui n’était pas encore à l’aise avec son rôle. Pour Zachiam, c’était là l’explication de son comportement. Ce manque de cruauté devait se justifier par une inexpérience, car, pour autant qu’il se souvienne, il n’avait jamais vu une Déesse réagir de cette manière à un blasphème, a fortiori dans un peuple réputé pour sa sauvagerie et sa force physique. Charis s’empressa de le présenter, et le nécromancien hocha légèrement la tête. La nécromancie avait rarement une bonne publicité, et il vit quelques regards dédaigneux. Quel était donc cet énergumène qui accompagnait leur Déesse adorée ? Charis, de son côté, essaya de leur prouver qu’elle était là pour eux, mais ses ouailles avaient peur... Et Charis, qui peinait à les convaincre de rejoindre le Refuge, se retourna vers Zachiam :

« Zachiam. Dites-moi. Pouvez-vous faire voir à ces hommes ce que vous m’avez montré tantôt ? »

Le nécromancien hocha lentement la tête.

« À vos ordres, Déesse. »

Zachiam s’avança un peu, et se retrouva au centre de l’assemblée, près du prédicateur. Le chaman local avait visiblement tenté de faire un sermon, et le sermon avait peu à peu évolué en ce tintamarre public. Zachiam laissa planer quelques secondes de silence, observant son assemblée, et finit par parler :

« Vous n’affrontez pas une vulgaire menace, Barbares de l’Ours. Vous n’affrontez pas un autre clan rival voulant s’accaparer vos terres ou saillir vos femmes ! L’homme qui vous assiège, Baram, viendra vous, et vous soumettre la même proposition que celle qu’il a faite au clan de la Neige. Rejoignez-le, ou mourrez. Voilà le choix qu’il vous offrira. Baram et ses Barbares ne sont pas des guerriers ordinaires. Ils ont été améliorés par des sorts sombres. Les Olympiens ne les ont pas envoyés, pas plus que les Ashnardiens, ou les Nexusiens. Ce Baram est le messager d’une autre menace, une menace qui a su profiter de nos divisions et de nos dissensions pour croître. Une menace qui vous dépasse, une menace qui vise Terra toute entière. Ce que Baram vous propose, c’est de rejoindre sa Horde, de devenir ses esclaves, de renier vos Dieux. Oui, vous serez plus forts, mais vous en oublierez votre âme. »

Le nécromancien se tut légèrement. Il n’était guère habitué à de tels speechs, mais il sentait que l’audience l’écoutait attentivement. Il les regarda rapidement, s’humecta les lèvres, et tendit alors ses mains à droite et à gauche. La magie se mit à suinter de son corps, et, peu à peu, des fantômes semblèrent apparaître autour de Zachiam, formant comme des volutes blanches qui tournoyaient faiblement.

« J’ai été au clan de la Neige, Barbares, j’ai vu le malheur, le chaos, j’ai entendu la colère des morts, leur souffrance... Vous ne me croyez pas ?! Vous pensez pouvoir les vaincre ?! Vous croyez que vos bouts de bois tiendront quand ils incendieront la forêt ?! Voyez, Barbares de l’Ours, voyez !! »

L’un des principes bases de la nécromancie, c’était qu’il fallait toujours écouter les morts. Contrairement à un vivant, un mort n’avait aucune raison de mentir. Les spectres étaient des idées, des souvenirs résiduels, que Zachiam avait su capter, et les spectres fondirent sur la foule, provoquant quelques hurlements de panique... Avant que de sinistres visions ne s’emparent de leurs esprits.

Sur une image, on vit Kromell, le plus puissant guerrier Barbare de la Horde, sous Baram, charger un homme. Plusieurs flèches avaient décoré son dos, et il envoya son pied massif renverser un bouclier, puis planta son épée. Un autre membre de la Neige le chargea alors avec une hache sur le côté, et se mangea le coude du géant dans la tête, suivi d’un coup d’épée qui le frappa au ventre, l’ouvrant en deux, vomissant son sang sur le sol. Kromell s’approcha ensuite d’une tente, à l’intérieur de laquelle plusieurs femmes et des enfants se tenaient là.

« Maman ! Maman !
 -  Monstre ! »

L’une des mères bondit vers Kromell, avec une dague, et l’homme la frappa sèchement du revers de la main, puis frappa avec sa lame, tuant une autre femme, faisant hurler les enfants, ainsi que plusieurs bébés...

Les images étaient dures, mais avaient pour but de leur faire comprendre la gravité de ce qui les attendait.

« Le pouvoir d’une divinité dépend de la ferveur que ses ouailles lui apportent, signala Zachiam. Ayez foi en votre Déesse, foi en sa puissance et en sa volonté de vous protéger, et elle aura la force de se dresser face à Baram. »

Ce n’était qu’un conseil... Car la foi reposerait éternellement sur le concept du libre-arbitre. On ne pouvait pas les forcer à croire, ni les forcer à agir. Tout ce qu’il fallait, c’était que leur décision se fasse en pleine connaissance de cause.

Oh oui, Charis était une jeune déesse. Elle avait encore cette compassion qui caractérisait les humains. Elle n’avait pas vécu suffisamment pour devenir aigri, cruelle ou même juste impassible. Elle ressentait leur peur, comme elle ressentait leurs désirs. Elle ne voulait pas les punir pour ce manque de foi, parce qu’elle songeait intérieurement que c’était une réaction normale. Son grand-père l’aurait sûrement comprise, mais il l’aurait incitée à se montrer plus ferme. Plus insensible. Car c’était ainsi qu’un dieu régnait, selon lui. Surtout un dieu barbare. Mais la rousse ne voulait pas envenimer les choses. Quand elle se tourna vers le nécromancien, elle espérait sincèrement qu’il puisse les convaincre.

Elle ressentit la portée de ses mots dès qu’il commença à parler. Même les plus rétifs des barbares se calmèrent un peu, le temps de l’écouter. Ils n’étaient pas sûrs de ce qu’ils devaient faire. Quand il commença à montrer les visions, Charis les partagea. Elle voyait aussi ses scènes qui lui nouèrent l’estomac. Baram se montrait terrifiant. Le clan de la Neige n’avait eu aucune chance face à lui. Il les avait purement et simplement exterminés. Hommes, femmes, enfants. La tristesse serra le cœur de la déesse en revoyant ces terribles images, ces scènes poignantes. Elle pouvait sentir que chacun des guerriers dans la place avait les mêmes sentiments. Horreur. Chagrin. Rage. Mais elle lisait aussi de l’hésitation, sur le visage de certains. Quand Zachiam termina son petit discours, leur demandant d’avoir foi en elle, la déesse cru lire du mépris sur le visage de quelques-uns.

Fronçant les sourcils, elle décida alors d’intervenir, appliquant en partie les conseils de son grand-père. Elle blinda son cœur, essayant de ne pas penser à ce qu’ils venaient de voir.

« N’avez-vous donc aucune confiance en moi ? En Crom ? C’est lui qui m’a demandé d’être votre protectrice. C’est lui qui m’a incitée à rester le plus possible sur Terra pour venir voir chacun de vous. Et quand je ne suis pas là, que je m’entraîne dur pour être à la hauteur de ma tâche, un géant intervient, et sème la panique parmi vous. N’avez-vous donc aucune foi, pour être déstabilisé si rapidement ? Votre clan est-il donc un clan de lâches ? »

Elle sentait que ses paroles portaient, et atteignaient le cœur de chacun. Continuant sur sa lancée, elle ajouta :

« Comme moi, vous avez pu voir ce qui est arrivé au clan de la Neige. Zachiam a pu nous montrer leurs derniers instants. Les avez-vous vu flancher ? Ils chargeaient cette troupe ennemi avec rage, mais avec la foi aussi. Ils sont morts en guerriers, et non en pleutres. C’est leur souffrance, leurs appels incessant qui ont réussi à m’atteindre, même dans ce refuge où je m’entraîne avec mon grand-père. C’est leur foi qui m’a permis de venir ici, pour vous aider avant qu’il ne soit trop tard. Sont-ils donc mort pour rien ? Parce que si vous reniez vos croyances pour vous ranger aux côtés de Baram, c’est bien ce qui arrivera. Si vous n’avez plus foi en moi, vous trahirez leur mémoire aussi sûrement que si vous passiez à l’ennemi. N’avez-vous donc aucun honneur ? »

Ses phrases étaient jetées avec conviction. Sa voix portait dans toute la place, atteignant les oreilles de tous, gagnant les cœurs de chacun. Elle pouvait sentir un engouement se créer. Une voix, dans le fond, hurla un « Non » retentissant, suivi de son nom. Bientôt, d’autres suivirent. Les guerriers se décidaient, et peu à peu, ils scandèrent avec force et conviction le nom de leur déesse.

La rousse ferma les yeux en relevant la tête légèrement, savourant ce regain d’énergie qu’ils lui transmettaient. Une aura brillante se forma autour de son corps, alors que leur foi reprenait de la force. Bientôt, même les plus récalcitrants hurlaient le nom de Charis, et réclamaient vengeance pour le clan de la neige.

Par-dessus les cris de ses guerriers, Charis parla. Sa voix était amplifiée par cette énergie nouvelle.

« Alors unissons-nous ! Unissons les clans pour une grande bataille. Resserrons les alliances des clans, et allons mettre une raclée à ce Baram qui se croit tout permis ! Vengeance, mes amis. Vengeance pour le clan de la Neige. Ensemble, nous le vaincrons ! »

Des cris vengeurs retentissaient toujours, saluant les paroles de la déesse. Un sourire s’installa sur ses lèvres. Un sourire quelque peu cruel, quand elle pensait à ce que ses guerriers  et elle pourraient faire contre Baram. Ensembles, les clans seraient une force non négligeable. Ils seraient une puissante armée, et après la défaite de Baram, ceux qui l’ont envoyés y réfléchiront peut-être à deux fois avant d’attaquer de nouveau les barbares aussi impunément.

Charis se tourna vers le nécromancien, le remerciant de son intervention avec un large sourire. Penchant la tête vers lui, toujours entourée de cette aura brillante, elle lui souffla quelques mots à l’oreille.

« Si tous les clans réagissent ainsi, on va vite mettre un terme à l’avancée de Baram. Vous continuez avec moi ? »

Le prochain clan serait sûrement celui des Lions. Farouches guerriers, ils étaient normalement de fervents croyants en la déesse. Si le massacre du clan de la Neige n’avait pas ébranlé leurs croyances, ils ne devraient pas en avoir pour longtemps à les convaincre d’unifier les clans.

La symbolique était importante, et, après leur avoir montré cette vision, Zachiam s’écarta rapidement. C’était à Charis de leur prouver qu’elle était leur Déesse, qu’elle était là pour eux, pour les diriger et pour les guider. Si Zachiam restait à côté d’elle, on croirait logiquement que Charis, cette jeune Déesse, avait besoin de l’aide de quelqu’un pour diriger, pour commander. Le Nécromancien ne voulait pas interférer. Lui qui s’était spécialisé dans l’étude des morts avait ô combien les vivants tenaient aux symboles et aux choses simples. L’être humain était ainsi fait qu’il avait toujours besoin d’un leader, d’un modèle qui lui permettrait de se hisser. C’était quelque chose de fascinant, car, malgré tout ce que l’Homme avait bâti, il existait encore, en lui, un doute fondamental sur ses propres capacités. Un paradoxe fabuleux, qui était pour certain horrible, et, pour d’autres, une bénédiction. Zachiam laissait ainsi ses pensées vagabonder, jusqu’à voir le discours de Charis faire mouche.

C’était une jeune Déesse, et, comme toutes les jeunes divinités, elle avait à cœur de régner par l’exemple et par la foi plutôt que par la peur et la démonstration de force. Un choix que Zachiam respectait. Pour Charis, cette épreuve était son baptême du feu, l’occasion pour elle, et surtout pour le peuple dont elle avait la responsabilité, de voir si leur foi était bien placée, et si Charis était bien apte à les défendre et à les protéger. Il fallait bien reconnaître que sa plastique n’était pas le seul avantage de cette femme : son discours fit mouche. Elle l’axa sur la fierté des Barbares, et ce dernier, un peuple de guerriers par nature, lui répondit en hurlant et en brandissant les armes, provoquant le petit frisson qui allait bien dans le creux des reins. Bras croisés, Zachiam regardait silencieusement, sans trop savoir comment se comporter. Devait-il la féliciter ? Risquait-elle de prendre cela pour une sorte de complaisance ? Elle restait une Déesse, après tout, et les Dieux étaient connus pour avoir un comportement assez particulier… Et Zachiam, après tout, avait davantage l’expérience des morts que des vivants. En un sens, il trouvait ce genre d’attroupements rafraîchissants. Quand on côtoyait régulièrement les morts, on en appréciait encore plus de voir des personnes bien vivantes.

Charis brillait de mille feux. Elle recevait la foi de ses ouailles, et Zachiam sentait clairement la magie affluer autour d’elle… Une magie puissante et ancestrale, l’une des plus puissantes qui soit, capable de déplacer les montagnes : la foi. Les Dieux disposaient, grâce à la foi, d’une puissance surnaturelle, et cette aura autour de Charis perturba Zachiam. Il n’en montra rien, mais il ne savait pas ce qu’il ressentait en la voyant. Belle, Charis l’était, et il l’avait déjà remarqué.. Mais là, avec cette aura autour de son corps, sa beauté semblait avoir gagné un ou deux grades supplémentaires.

*Elle est magnifique…*

Ce simple mot était entièrement suffisant, à bien y réfléchir. Elle tourna sa tête vers lui, avec un sourire ravi. Comme on dit… Quand on côtoie les morts, on en apprécie que davantage les vivants… Et les morts étaient loin d’être aussi beaux que la céleste personne se tenant devant lui. Elle s’avança vers lui, et, même si Zachiam s’efforçait de ne rien en montrer, il suffisait de voir son regard pour y lire une sincère admiration. Il soupira quand elle se rapprocha de lui, que ses seins frôlèrent son torse, pour qu’elle lui murmure à l’oreille :

« Si tous les clans réagissent ainsi, on va vite mettre un terme à l’avancée de Baram. Vous continuez avec moi ? »

Cette question méritait-elle vraiment une réponse ? Zachiam la regarda en souriant légèrement… Puis fléchit le genou, posant le pied à terre, et attrapa l’une des mains gantées de la Déesse, afin de l’embrasser dessus. Un geste qui n’avait pas que pour but de la séduire, mais aussi de montrer aux plus sceptiques des Barbares qu’il n’était pas un égal de Charis, mais bien qu’il la suivait.

« Seul un fou oserait ne pas vous suivre, Déesse Charis. »

Que Zachiam s’agenouille face à elle gêna un peu Charis. Mais, consciente du regard des siens sur elle et sur le nécromancien, elle eut la sagesse de n’en rien montrer. C’était une marque de respect, elle le voyait bien. Un fin sourire s’installa d’ailleurs sur les lèvres. Un sourire charmant, plein de gratitude. Les guerriers l’encensèrent encore un peu avant de reprendre leur sérieux. La déesse fit alors signe à Zachiam de se relever, presser sa main avec chaleur.

« Votre dévouement vous honore, Zachiam, et me donne confiance en l’avenir. »

Elle se tourna de nouveau vers les guerriers, une détermination nouvelle au fond de ses iris d’argent.

« Nous allons vaincre ce Baram, mes amis. Je vais aller, de ce pas, prévenir les autres clans. Il est vital que nous nous unissions. Restés ainsi éparpillés ne fera que nous diviser, nous affaiblir. Je reviendrais, avec des renforts. Je vous en fait le serment. »

Son poing se serra et se leva haut vers le ciel, en même temps que les clameurs de ses sujets. Avec un sourire, la rousse prit le bras de Zachiam.

« Tenez-vous prêt, nous y allons. »

Elle ferma les yeux et, un instant plus tard, leurs cellules s’éparpillèrent dans le temps et l’espace, guidées par la volonté farouche de Charis. Ils ne mirent que quelques secondes à réapparaître à l’endroit visé par la déesse. Ils se trouvaient à présent dans l’enceinte du clan des Loups. Un clan hargneux, qui défendaient férocement leurs territoires et les leurs. Niché au creux d’un bois, le campement était à l’image de ces fiers guerriers. Sauvage. Pratique. Indétectable. On pouvait apercevoir, si on cherchait bien, la tanière de ces loups. Dans un buisson, près d’un arbre, sous une grotte. Les habitations étaient disséminées un peu partout, soigneusement dissimulées aux regards non-avertis.

Mais dès que la rousse et son compagnon apparurent au centre de la place principale, cette dernière entendit le son des arcs qu’on bandait, des épées que l’on tirait au clair. Elle était consciente des dizaines de regards qui se portaient sur elle et sur Zachiam. De l’animosité omniprésente qui saturait l’air de décharges électriques pour quelqu’un qui était sensible aux émotions d’autrui. Elle s’empressa alors de lever les mains, haut, et de laisser transparaître son pouvoir. L’énergie gagnée précédemment illumina ses paumes et se répandit dans le camp permettant aux guerriers de l’identifier comme leur déesse. Ce pouvoir apaisa aussi les tensions qu’ils ressentaient, et ils baissèrent les armes en sortant des fourrés, un à un ; hommes, femmes et enfants.

Charis s’avança alors, au centre du cercle qu’ils créaient autour d’elle et du nécromancien. Baissant les bras, elle les planta plutôt sur ses hanches, incarnations de la vigueur et de la fibre guerrière des clans.

« Mes amis. Il me faut vous parler d’une menace. Sans doute avez-vous déjà eu vent des rumeurs qui courent. Un guerrier, qui se fait appeler Baram, cherche à fédérer les nôtres autour de lui. Mais ce n’est pas l’unique souci. Certes, il disperse nos amis, nos frères et nos sœurs. Ce qu’il y a de plus grave, c’est qu’il ne laisse qu’un funeste choix aux clans qu’il visite. Le rejoindre, ou mourir. »

Elle fit une pause, évaluant l’attention des siens en les parcourant tous du regard.

« Ce qu’il veut vous faire croire, c’est qu’il est plus puissant que moi, que Crom, que tous nos dieux. Supercherie ? Bien sûr. Mais il espère qu’en affaiblissant votre foi en moi, en vos dieux, vous allez nous affaiblir. Et c’est vrai. Les dieux sont peut-être tout-puissants, mais ils dépendent de vos croyances, de votre foi et de votre dévotion. Je ne pourrais pas vous protéger si vous ne croyez plus en moi. Si vous n’espérez plus rien de notre culture, de nos traditions. »

Elle tourna un peu sur elle-même, jetant un discret regard vers son compagnon.

« Mais nous ne sommes pas seuls dans cette lutte. Zachiam, ici présent, nous aide. Ses compagnons aussi œuvrent à la chute de Baram. Non seulement parce que ce guerrier représente le mal, mais parce qu’il sert une puissance redoutable. Terrifiante. Lâcher prise voudrait dire condamner Terra. Et je peux vous assurer que vous ne souhaitez pas le sort qu’il réserve aux plus faibles et aux indisciplinés. Vous ne le souhaiteriez même pas à votre pire ennemi. Baram retire toute dignité aux guerriers. Tout honneur, et toute décence. Mais je vous laisse juger par vous-même, au travers des vestiges qu’il a laissé derrière lui, au travers des visions de ce qui s’est produit que mon ami Zachiam va à présent vous montrer. »

Pour l’instant, les guerriers étaient restés silencieux. Tel des loups, ils évaluaient la menace. Charis s’écarta alors d’un pas pour que le nécromancien puisse partager la vision d’horreur qu’avait laissé Baram derrière lui. Elle croisa les bras, digne et fière, encourageant son compagnon d’un regard empli de foi et de courage. Elle croyait en son peuple. Mais elle croyait également en lui, cet étranger qu’elle n’avait rencontré que peu avant. Elle avait sondé son âme, sans même le vouloir, et elle avait trouvé plus que la volonté de simplement anéantir Baram et ceux qui étaient derrière lui. Malgré son esprit et sa magie résolument solitaire, elle avait lu entre les lignes, et le savait digne de sa confiance, de son amitié.

Après le clan de l’Ours, Zachiam et Charis continuèrent leur périple, en se rendant désormais dans le clan du Loup. Zachiam se disait qu’il y avait peut-être un lien entre le clan et le nom… Ou s’agissait-il juste de choisir un animal fétiche, et de le garder pour soi ? Le nécromancien n’en savait pas grand-chose, mais était, en revanche, certain de plusieurs choses. Pour commencer, Charis était une jeune Déesse, et humble pour une Déesse… Et il aimait bien ça. Des Dieux, Zachiam connaissait surtout les Olympiens,  connus pour leur arrogance légendaire. Et cette Charis… Elle était si étonnante qu’il l’appréciait. En plus de ça, elle était véritablement motivée à défendre son peuple, forte… Et belle, bien évidemment. Zachiam avait beau être proche des morts, il avait beau être un nécromancien, il appréciait aussi la compagnie des vivants. Paradoxalement, plus il côtoyait les morts et les esprits, et plus il appréciait le contact des vivants. Se tenir contre Charis quand elle les téléportait était donc un moment particulièrement agréable, qu’il savourait à chaque fois avec la plus sincère des joies. Et c’était encore plus vrai quand il tombait sur de belles femmes.

Ils se retrouvèrent donc au clan des Loups. Il y avait des hommes avec des fourrures, des guerriers portant parfois des masques de loups, qui servaient à effrayer leurs adversaires. Contrairement aux massifs guerriers de l’Ours, ils étaient plutôt fins, sveltes, agiles. Des archers, des guerriers agissant par furtivité, ou préférant compter sur leur rapidité que sur leur force brute. Zachiam examinait tout ça. On disait que  les Barbares étaient un peuple païen, sauvage, que leur culture avoisinait le néant absolu. Or, ce n’était pas du tout ce que Zachiam observait. Il voyait, au contraire, un peuple, fier, brave, courageux, avec leurs rites, leurs traditions, et leurs cultures. Chaque clan semblait avoir la sienne, et les membres du clan des Loups s’avérèrent rapidement assez méfiants, formant autour des deux visiteurs un cercle étroit et menaçant. Zachiam les regardait, silencieusement.

*Les vivants ont peur des morts, mais, et ce à bien des égards, je trouve les vivants nettement plus dangereux que les morts. On sait à quoi s’attendre avec un mort. Un vivant, lui, peut mentir, changer d’avis…*

Si les êtres humains n’avaient pas aussi peur de l’inconnu, ils admettraient beaucoup plus facilement la présence de fantômes. Néanmoins, Zachiam garda pour lui cette réflexion. Bras croisés, planté dans la neige comme une espèce de garde du corps, il laissait Charis répéter la même histoire. Les regards se tournèrent ensuite vers Zachiam, et ce dernier décroisa les bras.

« Très bien… Je dois vous prévenir, ça va vous faire un choc… »

Zachiam ferma alors les yeux, puis diffusa la vision… Similairement la même que dans les autres clans. Le même spectacle de corps massacrés, d’êtres monstrueux ne respectant rien. Les Barbares n’étaient pas des sauvages, non. Ils étaient cruels, oui, mais, à leur manière, respectaient un certain code de l’honneur. Tuer des enfants, des vieillards, des femmes ? Ce n’était pas digne de Barbares, mais ceux de Baram ne se gênaient pas. Zachiam sentit une certaine agitation traverser la foule, mais il s’inquiétait surtout pour Charis. Ces gens étaient son peuple. Voir ainsi cette même scène de torture se répéter, en boucle, même pour une Déesse, ce ne devait pas être très agréable…

La vision se termina au bout de quelques minutes, et laissa un silence placide s’instaurer dans l’assemblée.

« Ces monstres…
 -  Mais qui sont-ils ? Pourquoi font-ils ça ?! Pourquoi s’en prendre à nous ?!
 -  Ce sont des monstres ! Crom doit nous protéger ! »

Zachiam leva les mains, et chercha à parler… Chose difficile, avec tout ce tumulte.

« Écoutez… Ce n’est pas vous que Baram cherche à tuer. Sa cible, c’est Crom.
 -  Crom ?
 -  Crom est immortel !
 -  La puissance d’un Dieu dépend des faveurs qu’il reçoit, de son nombre de fidèles, de la survie de son peuple. Plus Baram tue les vôtres et instille le doute en vous, et plus le pouvoir de Crom diminue. Ce n’est pas suffisant, en soi, pour le tuer, mais… Comme Charis, votre Déesse, l’a dit, Baram est l’envoyé de forces puissantes, des forces qui savent la puissance dont nous sommes capables en nous unissant. Jadis, tous les Anciens Dieux s’allièrent pour venir à bout de tyrans ancestraux, les Grands Anciens. Ces noms ne vous sont peut-être pas inconnus… Ces gens ne veulent pas que l’Histoire se répète, et s’en prennent à vos Dieux, car ils savent qu’ils sont forts, et qu’ils ont besoin de vous pour se battre. Alors, soyez les fiers Barbares que vous êtes, et faites honneur à Charis, Charis, qui ne désemplit en revoyant à chaque fois le spectacle de ce clan massacré ! Unissez-vous ensemble, et vous écrabouillerez ce monstre ! »

Peut-être aurait-il pu faire un bon politicien, dans une autre vie…