Talon n’éprouvait aucun remords à l’idée d’avoir endommagé certains des systèmes du vaisseau d’Aozaki. Tout aurait été plus simple entre elles si cette dinde n’avait pas cherché à l’enfermer. Un Sith se battait avant tout pour sa liberté. C’était la finalité même du Code Sith, et l’objectif suprême de toute l’existence des Sith : se libérer de leurs chaînes par la puissance. Si Aozaki se sentait courroucée, c’était la même chose pour Talon. La Sith, de fait, avait été plutôt gentille. Elle aurait aussi pu la tuer. Si Aozaki se présentait comme une tueuse, c’était aussi le cas pour Dark Talon, à cette différence près que, contrairement à la femme capable de changer d’apparence, Talon, elle, manipulait la Force, et qu’elle était la plus puissante des armes. Aozaki leur annonça vouloir coopérer avec eux contre le Grand Guédester, et Javert hocha lentement la tête.
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Vous m’en voyez ravi. J’ai malheureusement bien peur que tout ne soit pas aussi facile que ça... -
Je crois qu’il est temps que nous partagions nos informations, intervint Talon.
Je sais que ces deux Jedi sont venus parce que la Fédération Galactique a décidé de sortir des limites de notre propre Galaxie, et que le Conseil a senti cette menace, mais... -
Nous avons contacté ces Jedi à la Base Spatiale, résuma Javert.
Ils se sont montrés relativement réticents à l’idée de collaborer avec notre Empire, mais ont su se laisser convaincre après avoir entendu parler de la menace de la Nuée. -
Le but de l’existence des Jedi est la préservation et la protection de la vie, expliqua Maître Elias.
Cette... Cette créature de métal est notre ennemi, mais nous ne comprenons pas ses motivations... »
Les cartes étaient dans la manche de Javert, et, comme tout bon joueur, il jaugeait ses alliés, avant de savoir s’il devait les abattre ou non. Un ange sembla passer, avant qu’il ne finisse par hocher la tête :
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Nous l’appelons ‘‘Grand Guédester’’, mais lui-même préfère s’appeler ‘‘Le Collecteur’’. Il collecte... Il collecte des civilisations, et se nourrit des ressources vitales des planètes, notamment des midi-chloriens. »
Talon acquiesça en hochant la tête. Les midi-chloriens étaient des cellules microscopiques présents en toute chose, et qui permettaient de véhiculer la Force. Il fut un temps où l’Ancien Ordre Jedi, pour déterminer la puissance des Padawan, faisait des tests afin de prélever leur taux de midi-chloriens dans le sang.
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À l’origine de toute cette histoire, il y a un monde, et un chercheur... Yod-Colu. C’est le nom d’une planète tellurique à la technologie assez avancée, qui était peuplée d’habitants à la peau verte. L’homme qui nous intéresse s’appelait Vril Dox. »
Javert appuya sur un bouton, et une image holographique tridimensionnelle émana d’un petit appareil cubique sur son bureau, un visionneur d’images holographiques. La vitre de son bureau se verrouilla, des panneaux blindés apparaissant d’interstices pour plonger la pièce dans la pénombre. Talon put ainsi voir le visage de
Vril Dox.
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Je ne vais pas m’étendre longuement sur Yod-Colu... C’était un monde qui vénérait une divinité, Yod, et Dox, au sein de ce monde, était un chercheur en robotique et en informatique assez connu. Il avait une femme, Lysl, et un enfant... »
Dox était un génie, et, dans son laboratoire, il avait développé une IA talentueuse, C.O.M.P.U.T.O., et s’en servait pour explorer le reste de l’univers. C’est ainsi qu’il avait entendu parler des Formiens, qu’il appelait la Multitude. Le Conseil de Yod-Colu, l’organe en charge des activités de Yod-Colu, concentrant tous les pouvoirs, notamment judiciaire, avait appris, par le biais de Lysl, que Vril menait des expériences sur leur enfant. En conséquence, elle avait demandé à ce que le doctorat de son mari soit révoqué, qu’elle puisse divorcer, et qu’il soit enfermé. Le Conseil s’était saisi de l’affaire, et, à l’audience, Vril avait expliqué que ses intentions étaient d’améliorer son fils, de le protéger contre la venue imminente de la Multitude. Le Conseil était resté sourd à sa plaidoirie, et il avait été exilé dans un vaisseau à destination d’une planète-prison désertique à l’autre bout de leur secteur.
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Malheureusement pour eux, Dox était réellement un génie, et, pendant son transfert dans la barge pénitentiaire, il a téléchargé C.O.M.P.U.T.O. dans l’ordinateur de bord de la barge pénitentiaire, et a ensuite infesté tout le réseau électronique de Yod-Colu avec ce programme artificiel. En revenant de son exil, Dox avait entrepris un coup d’État. La venue de la Multitude n’était maintenant plus qu’une question de mois, si ce n’est de semaines, et il voulait sauver son mode natal... Ou, plutôt, l’essence de son monde natal. »
Par le biais de C.O.M.P.U.T.O., Dox avait voulu télécharger les bases de données de la planète : sa culture, son histoire, ses programmes scientifiques, ses recherches électroniques... Les expériences menées sur son fils n’avaient eu que pour seul but d’obtenir le patrimoine génétique de son peuple, et, pendant que le Conseil l’affrontait, C.O.M.P.U.T.O. se développait, infestant les hôpitaux, se servant sur le sang des patients, nourrissant à chaque fois ses serveurs principaux, dans le laboratoire de Dox. Le Conseil avait fini par attaquer le quartier général de Dox. Même si Dox avait créé un black-out mondial en piratant les réseaux électroniques, le Conseil disposait encore d’atouts, et les humains avaient combattu les machines et les robots, parvenant peu à peu dans le laboratoire de Dox. La guerre civile n’avait toutefois pas très bien terminé, car la Nuée était ensuite arrivée, noircissant le ciel par ses millions de spores, qui avaient été largués dans le reste du monde. Yod-Colu était condamné, mais cela ne faisait alors plus aucune importance pour Vril Dox, car il avait eu le temps de transformer son laboratoire, d’y apporter les modifications nécessaires. Son laboratoire était devenu
un vaisseau spatial, et, pour s’enfuir, Dox avait dû fusionner avec C.O.M.P.U.T.O.
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Il s’est relié à sa machine pour pouvoir la piloter, et pouvoir s’enfuir. Le ciel était rempli de Formiens, et les défenses orbitales de Yod-Colu ne servaient à rien contre une telle menace. Pour survivre, il a dû fusionner avec l’ordinateur central de son vaisseau. »
Ce faisant, Dox et C.O.M.P.U.T.O. avaient fusionné en une entité unique :
Brainiac. Brainiac n’avait cependant pas réussi à totalement fuir. La majeure partie de son vaisseau avait été pulvérisé par les Formiens, et il avait réussi à enclencher l’hyperespace à temps, dérivant au hasard dans l’espace.
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La destruction de Yod-Colu remonte maintenant à plusieurs générations. Brainiac a dérivé dans l’espace, et a été vaporisé en morceaux. Tout ce qu’il restait de lui, c’était un ensemble de puces et de microprocesseurs qui se sont retrouvés dans l’un de nos systèmes solaires... Dans l’une de nos décharges spatiales. »
Les décharges spatiales étaient des systèmes stellaires condamnés à la suppression, généralement parce que l’étoile était en train de devenir une supernovae. Ces décharges servaient à stocker les vaisseaux obsolètes, les satellites défectueux, ou tout simplement les détritus usuels, qui étaient largués ici par le biais d’énormes vaisseaux-conteneurs vidant les vastes décharges des planètes gordaniennes.
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Cette puce s’est retrouvée là-dedans... Elle a erré dans l’espace, et ce fragment de Brainiac a pu se reconstituer. Peu à peu, Brainiac a fusionné avec les autres puces, avec les autres déchets, et s’en est servi pour se recréer, pour se reconstituer. Nos décharges spatiales ne sont pas surveillées, et attirent souvent des ferrailleurs qui viennent voir s’il n’y a pas quelques systèmes exploitables dans les détritus. C’est de cette manière que nous avons appris l’existence d’un signal électronique qui enflait dans l’une de nos décharges. Nous avons envoyé une patrouille, en pensant qu’il devait s’agir d’un bug, d’interférences électromagnétiques résultant de l’activité solaire... Nos patrouilleurs ont vu cette créature, en train de s’assembler elle-même, reliant à elle chaque débris flottant dans l’espace. Ils ont contacté la base spatiale la plus proche, afin de savoir ce qu’ils devaient faire. »
Le responsable en charge avait choisi d’appliquer le protocole, et avait arraisonné cette chose. Il n’y avait aucun signe de vie émanant de cet amas de métal, et, pour eux, il semblait normal de l’amener, afin de l’analyser.
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Nous pensions qu’il s’agissait de substrats de programmes informatiques ayant trouvé un moyen de se réactiver... Nous étions loin de nous douter qu’une intelligence artificielle malveillante sommeillait là-dessous, et nous lui avons offert les moyens de se reprogrammer. »
Brainiac s’était connecté aux systèmes de la station spatiale, et, peu à peu, l’avait contaminé. Il avait eu accès à toutes les ressources technologiques gordaniennes par ce biais, en consultant les bases de données de la station spatiale, et s’en était servi. Il avait reconstitué un corps, et avait infecté le cerveau des Gordaniens présents sur place. Tout comme sur Yod-Colu, la situation avait dégénéré, Brainiac capturant et collectant chaque personne qu’il infectait. Le commandant avait réussi à avertir la flotte, et cette dernière s’était déplacée... Mais, quand elle était arrivée, la station spatiale était partie.
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Et je suppose que vous connaissez la suite... La station spatiale se trouvait à côté d’une planète tellurique que nous étions en train de terraformer pour y stocker des colons. Brainiac a eu accès à notre technologie de terraformation, et s’en est servi pour absorber les ressources vitales de la planète. Le temps que la flotte arrive, il avait déjà consumé la planète, et était devenu le Grand Guédester. Il était déjà parti, avec la capacité d’absorber des planètes, évoluant et grossissant à chaque fois. Il connaissait notre technologie, et nous a leurrés pendant un temps, en nous envoyant sur des fausses pistes, tandis qu’il s’attaquait à des planètes mortes, avant de remplir sa mission initiale... Collecter des civilisations, afin de les protéger des Formiens. »
Il releva la tête vers son auditorium.
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Vous connaissez toute l’histoire, maintenant. Avez-vous des questions ? »