Les formes dans la fumée bougeaient... Puis, brusquement, une silhouette surgit de cette brume odorante, attrapant Agathe par le bras pour l’entraîner dans les escaliers. Avant même de pouvoir voir de qui il s'agissait, la personne parla, d'une voix féminine et légèrement stressée... Ou bien était ce autre chose ? Un simple "Par ici !" qui ne laissait de toute façon pas la place à la protestation. La force de la poigne qui entraînait l'adolescente était telle qu'elle n'aurait pu lui résister de toute façon, ce qui collait assez mal avec la douceur sensuelle de cette voix de femme. Une fois toutes les deux à l'abri dans la cage d'escalier, cette main puissante, bien que fuselée, relâcha l'étau et Agathe pouvait désormais mieux détailler celle qui lui faisait face :
Comme on pouvait s'en douter, c'était une femme, une brune, aux cheveux longs. Au premier coup d'oeil, on remarquait sa silhouette des plus voluptueuse, la marque la plus évidente de cette volupté se présentait sous la forme d'une énorme paire de seins qui déformait outrageusement son long manteau de cuir brun. Manteau qui, d'ailleurs, empêchait de voir la tenue qu'elle portait en dessous. Seul ses pieds et ses mains étaient visibles, tous deux couverts de cuir, l'un par des bottes à talons hauts, l'autre par des gants sombres aux paumes pourpres. Rajustant ses lunettes fumée du bout du doigt sur des yeux rougis par la drogue, la jeune femme sourit :
- Salut... Je suis la grande soeur de Paul. Heu... On percevait, dans sa voix, la mollesse de quelqu'un qui n'avait pas le cerveau totalement opérationnel. A bien y réfléchir, l'odeur de la fumée évoquait le cannabis, nul doute que cette "frangine" avait fumé. Mon frangin est pas là, il avait une course urgente à faire, alors il m'a dit de rester pour t'accueillir et t'emmener à la maison. Elle désigna à son interlocutrice l'embrasure de la porte d'où elle l'avait tiré. Là c'est un squatt pour drogués. J'comptais t'attendre à l'entrée du bâtiment, mais comme tu tardais un peu, j'ai voulu passer l'temps, tu vois ? J't'ai pas laissé avec eux, parce que dans leur état ils pourraient essayer d'te violer... ahah... Mais heureusement, j'suis là ! J'peux quand même pas laisser quelque chose arriver à l'amour de sa vie, pas vrai ?
La brunette se fendit d'un sourire qui se voulait rassurent, mais on voyait bien qu'elle ne avait lourd sur la caboche. Après s'être pincé l'arète du nez entre le pouce et l'index, la donzelle secoua la tête, comme pour reprendre ses esprits, avant de regarder la cage d'escalier. Sortant un trousseau de clefs, avant de se diriger vers l'étage supérieur. Mais, au milieu de l'escalier, elle s'arrêta, pour se retourner vers la fugueuse.
- Oh ouais... Heu... Tu vas p'têtre pas m'croire sur parole. J'suis vraiment sa soeur hein, j'essaie pas de te piéger ni rien. Il m'a souvent parlé de toi... Agathe, c'est ça ? Tu vois, j'connais ton nom, parce qu'il me l'a dit. Si, si... Tu viens ? Faut pas rester là, y a des types bizarres dans le coin.
Après cette petite démonstration, la jeune femme continua sa route, montant les marches en se tenant à la rambarde pour être sûre de ne pas tomber... et elle faisait bien, parce que, plusieurs fois, son esprit embrumé lui fit manquer une marche. Mais la brune tint bon, s'assurant régulièrement que son invitée suivait bien. Arrivé au deuxième étage, la donzelle s'approcha d'une porte qui était en curieusement très bon état, comparé à la décrépitude ambiante. Elle introduisit la clef dans la serrure, avant d'ouvrir le panneau de bois, invitant Agathe à entrer. L'intérieur était à l'image de l'entrée, d'un niveau de vie qui faisait tache comparé au reste du bâtiment. Seul les murs nus, vierges de toute peinture ou papier peint, rappelaient que le milieu n'était pas le plus riche : On pouvait y voir le plâtre nu ici, les plaques de placo par là... Mais le mobilier était en bon état et, bien qu'il s'agissait de meubles bon marché, cela valait largement mieux que les matelas miteux qu'on avait pu voir dans la cage d'escalier.
Agathe fut conduite dans le salon, qui disposait d'une télé, d'un canapé assez grand pour y accueillir une bonne douzaine de personnes, ainsi que d'une multitude de poufs. Une petite table basse était posée contre le mur, quelques canettes vides encore placées dessus. La prétendue grande soeur de Paul guidait Agathe, un bras enroulé autour de ses épaules et la poussa sur le sofa sans vraiment lui laisser le choix, tombant à ses côtés, pour l'enlacer de manière un peu trop affectueuse :
- Je vais te dire, ma petite Afathe, quand tu verras Paul, je parie qu'il sera pas comme tu l'imaginais... Comment tu l'imaginais, ton apollon ?
