Je n'écris pas pour la performance, juste pour le fun... Donc la qualité littéraire n'est pas exceptionnelle.
La biographie de Siegfried est un sujet qui me tient à cœur. Aux éléments inventés se mêlent la réalité, après quelques recherches, etc. Première partie, donc. Je verrais si j'enchaîne avec une deuxième.
Y a pas de cul. C'est pas prévu.
Personnages :
Anton von Königsberg, qui deviendra Siegfried. Noble allemand, descendant de famille Prussienne. Futur SS.
Dieter von Königsberg, son père, chef de famille, baron et général de la Herr.
Helena von Königsberg, née von Schenck, sa mère.
Christian von Schenck, frère de la précédente, ancien capitaine de la Herr.
Hilde Kasner, la bonne.
Maria von Königsberg, née von Hartnung, future femme.
Paul von Hausser, baron, l'un des fondateurs de la SS.
Walter Schellenberg, SS, membre du RSHA/SD.Abréviations & Lexique :
SD : Sicherheitsdienst, service de renseignement du Reich.
RSHA : Riechsicherhauptamt, organisme des services secrets allemands, auquel appartenait le SD ainsi que les Einsatzgruppen. Dirigé par Heydrich, un sale FDP.
SS : Les méchants nazis.
Waffen-SS : Branche armée des SS. Un SS n'est pas forcément un soldat, mais un Waffen-SS oui.
Nazi : Euh...
Wehrmacht : Armée allemande.
Herr : Armée de terre.
Luftwaffe : Armée de l'air.
Kriegsmarine : Armée de mer (si si).
Herr : "Monsieur", peut avoir l'équivalent de "Sir" en Angleterre pour souligner la noblitude.
Freiherr : Baron.
Freikorps : "Corps Franc", milices de citoyens qui menaient des combats au nom de l'Allemagne sans avoir le soutien de leur gouvernement. En fonction des périodes, ils étaient tantôt acceptés, tantôt criminalisés. La majeure partie d'entre eux a fini dans les rangs nazis.
Prinz-Albrecht-Strasse : "Rue du Prince Albrecht".
Quatsch ! : "Conneries !"
Nicht wahr ? : "Pas vrai ?"
& d'autres choses que j'ai zappé.
Le futur papa fumait, beaucoup. Sale habitude qu'il transmettra à son unique descendant. Il avait ses raisons - il était dans la nerveuse attente dudit héritier, et, un homme de camp à ses côtés, c'était bien la première fois depuis une année qu'il ne faisait plus attention au front.
On pouvait reprocher beaucoup de choses au baron Von Königsberg, mais pas celui d'être négligent avec sa famille. Il aimait profondément sa femme, comme nul autre n'aimait dans toute l'Allemagne. Ses colères récurrentes, son sens de l'honneur et de la décence qui occupaient constamment son esprit et façonnaient ses manières de noble comme les plus dérangeantes des obsessions, sa fidélité exacerbée au Kaiser et l'impression irritante que le socialisme et toutes les autres formes de progressisme plongeraient l'Allemagne dans une décadence fatale, tout cela en constituaient un personnage assez classique dans le paysage courtisan teuton.
Mais plus rien maintenant n'importait. À côté de son télégraphe, le général attendait des nouvelles.
Il n'avait pas de fils. À son âge, ça lui pesait beaucoup. Son nom valait quelque chose en Allemagne, et il refusait de mourir au front sans avoir transmis de quoi transmettre l'héritage de sa noblesse. Fils de Wilhelm von Königsberg, ministre du précédent Kaiser, petit-fils d'Anton von Königsberg, héros prussien de la guerre contre les français et compagnon de Bismarck dans la fondation de l'Empire Allemand, et il pourrait continuer ainsi et remonter jusqu'à Henri l'Oiseleur, mythique souverain de Bohème du XIIIème siècle. Et tout pourrait s'arrêter. Si il devait être fauché par un obus anglais, sans fils, sans frère, son nom s'éteindrait simplement, et son sang avec.
Ses réflexions sont interrompues par le cliquetis du télégraphe. L'opérateur de penche sur sa feuille et retranscrit en toutes lettres le message passant sur le canal de l'armée. Il ne peut réprimer un sourire avant même d'avoir fini, puis lève les yeux vers son commandant.
-C'est un garçon.Le général exulte. Il a envie de sauter, de courir, de hurler. Sa dignité prussienne l'en empêche évidemment, et il se contente de poser une main sur l'épaule du soldat.
-Anton. Qu'on le nomme Anton.Écrire la bio d'un perso qu'on aime, c'est un régal. Enfin, je trouve. C'est un peu l'aboutissement du travail du joueur. Une fiche perso c'est assez restrictif, et, pardon, mais je ne me gêne pas pour critiquer les trucs faits à la va-vite. Cinq lignes de caractère, 15 d'histoire. C'est un minimum minimal. Je ne peux pas me contenter de ça.
On voit des biographies de célébrités historiques qui arrivent à sortir en plusieurs volumes. Chaque année, des révélations apparaissent sur Napoléon, Jeanne d'Arc et Henri IV. Et encore, des mystères demeurent, sur lesquels on glose pas mal. Et si on savait la vérité, si on savait tout sur tout, de combien de centaines de pages se gonfleraient les récits ?
Et encore - il y a la limite du réel. La vérité se borne parfois à manquer de romanesque. Cette sale terre-à-terre, pire que moi, s'obstine à rendre certains actes, certaines morts, pire que vulgaires. Nous, nous pouvons nous permettre d'inventer, d'en rajouter à outrance, jusqu'à ce que la vulgarité change de sens, et que l'obscène vienne par l'abus quasi pornographique d'effets de manche, d'irréel et de clichés, plutôt que par le nu grossier offert par le vrai.
Et malgré tout cela, certains pensent que 15 lignes, c'est trop.
Mouai.
La récession. La remise en question de la noblesse. Le socialisme. La république. L'inflation. La défaite. Les tributs de guerre. Le bolchevisme russe. Les freikorps d'extrême-droite. Le parlementarisme. L'anti-militarisme. Et tous ces maux qui secouent la famille von Königsberg. Tout le monde s'en fout. Le petit Anton, plus jeune de sa fratrie, joue dans les neiges de Bavière avec ses deux plus grandes cousines, et un oncle - qui a pourtant presque son âge. Les aléas des générations.
Ses parents lui offrent ses premières vacances, et son premier hiver blanc. Comme un chat le ferait, il découvre la sensation des pas s'enfonçant dans la neige crissante - avec appréhension d'abord, puis avec un intérêt manifeste. Il y marche un peu, y plonge sa main, sous le regard attendri du baron, de la baronne, et du reste de la famille. Il constate l'étrange froideur de la chose, se questionnant sur la nature d'une si étrange substance. N'a-t-il jamais vu la neige, demande une tante ? Non, répond le père. Le jeune Anton est assez souvent malade. Faible constitution, paraît-il. Il passait ses hivers, souffrant, dans un lit, et ne sortait que très peu lorsque la pluie de coton tombait sur le fief paternel.
Une cousine s'avance, prend un peu de neige et lui met sur le nez. Le baronnet fronce les sourcils, se frotte les naseaux, puis éternue. Et tout le monde rit.
Deux livres achetés en plus. L'un sur Napoléon, l'autre sur Auschwitz.
À part ça, j'ai pas de thunes.
Mais merde, les livres quoi. Disons que ça me fera de la matière pour écrire...
Ahah. J'aime bien imaginer Siegfried en gosse, n'empêche. Petit garçon frêle, naïf et influençable.
-Danke, Hilde.Le jeune Anton était l'un des seuls à dire merci à la bonne. Son père levait les yeux au ciel en l'entendant faire... Il baissait alors aussitôt la tête, pris de honte. Il recevait aussitôt le sourire complice de sa mère, qui elle-même démontrait sa gratitude envers les employés, et un coup de coude de son oncle, qui lui faisait signe de relever la tête.
-Tu es un Von Königsberg. Tu ne baisses pas la tête.Lui n'en était pas un. Il n'était que le frère de la maîtresse de maison, et portait le noble nom de Von Schenck - bien moins réputé que celui de l'hôte du repas.
Anton remplit son assiette de la fumante potée de légumes apportée devant lui avec un certain appétit. L'austère pater familias lui reproche souvent de trop manger à table, et de manquer de retenue : Il se sait protégé en ce jour, car il est habituellement moins rabroué lorsque des invités sont présents.
-Au final, cette histoire aura servi de leçons aux rouges.
-Les rouges ne retiennent aucune leçon, Christian. Ils sont aussi bornés que des animaux sauvages.Même en énonçant des reproches, la mère d'Anton était d'une douceur infinie. Elle restera à ses yeux comme un modèle de bonté.
-Fanatisés. Tout ce qu'on gagnera à être tendre avec eux, c'est qu'ils prolifèrent. Ils se posent en victime, ils deviennent plus violents, rallient le peuple avec leur mensonge, et on laisse faire ça. Heureusement que certains osent s'opposer à eux...Le père ne disait rien depuis plusieurs minutes, tut dans un mutisme commun chez lui. Son beau-frère, plus loquace, en profitait pour le prendre à parti, amusé.
-Dieter ! As-tu décidé de fermer les yeux sur le sombre avenir de ton pays ?
-J'ai décidé de ne pas me mêler de la démocratie. Elle est l'ennemie affichée de nos rangs... Et l'ennemie déguisée du peuple.Anton écoute attentivement, sans jamais s'exprimer, bien trop jeune pour avoir le droit au chapitre.
-Tu sais que ça ne marche pas comme ça. Les agitateurs communistes sont partout, ils cherchent à faire faiblir la République pour nous rendre esclaves de la Russie. Si tu ne bouges pas, tu es complice.
-Tu fais de la politique, Christian ?
-Je fais don de mon argent à ceux qui nous aident à lutter contre les rouges.Les couverts du vieux général s'écroulent sur la porcelaine de son assiette, il fixe son parent par alliance avec stupeur. La maison des Von Königsberg est frappée d'un long moment de flottement, pendant lequel personne n'osera bouger. Même Anton, qui ne comprend pas bien la portée de la chose, ne fait pas un geste.
-Tu es de ceux qui financent les nationaux-socialistes ?Christian sourit, et reprendra tranquillement son repas en haussant les épaules.
-J'en suis.
L'âgé essuie sa bouche avec sa serviette avant de la jeter au sol, sa femme soupirant, sachant que le débordement n'était pas loin.
-Dois-je te rappeler que le Kaiser lui-même a désavoué Herr Hitler ?
-Quel Kaiser ? Nous n'avons plus de Kaiser.
-Comment, quel Kaiser ? J'ai juré fidélité au Kaiser, pas à la République. Wilhelm est toujours en vie.
-Quatsch ! Moi, cher Dieter, je me suis contenté de servir la Nation. Et celle-ci est en péril, tu te souviens ? Tu préfères que l'Allemagne soit aux mains des rouges ? Avec des socialistes au pouvoir, la porte leur est grande ouverte !
-Je n'ai pas à faire de choix ! Ni les rouges ni Hitler ! Ce garçon est dangereux, tu m'entends ? Je préfère les modérés actuellement au pouvoir plutôt que ceux qui ont juré de nous égorger !
-Que lisais-tu quand tu étais petit, Dieter ?Le Baron est pris de court. Ses yeux s'ouvrent grand, et il ne sait que répondre. Son interlocuteur reprend aussitôt :
-Avec ta femme, ma soeur, nous lisions les exploits de Bismarck. Il parlait de la grandeur de l'Allemagne, d'une Europe unifiée, rassemblée, d'une économie prospère, et de la peur que nous inspirions au monde entier avec une armée qui balaierai tous nos voisins. Qui nous parle de ça, hm ? Qui ? Qui mieux qu'Herr Hitler ?
-Il nous pendra. Comme les communistes, comme les français, comme les autres.
-Tu es trop pessimiste, Dieter.Son ton péremptoire imposait la vérité. Tout le monde se taisait, à commencer par le jeune Anton, qui se renconcentrait sur son assiette, avant d'être interpellé par son oncle.
-Et toi, mon garçon ?
-Quoi donc, mon oncle ?
-Christian, n'embête pas mon fils.
-Taaatata ! Il est en âge de raisonner, je crois ? Je disais, et toi, mon garçon ? Comment vois-tu l'avenir ?Pour une fois qu'on lui demandait son avis sur un sujet sérieux, il ne savait que dire.
-Je suppose... que l'avenir sera mieux. Qu'on aura de nouveau du travail et du pain dans notre pays. Et que nous serons de nouveau une grande nation.
-Nous n'avons jamais cessé d'être une grande nation, Anton. Simplement, certains l'oublient, comme tu viens de le faire. Alors, toi, tu es du genre optimiste ? Mais comment peux-tu être sûr de cet avenir ?
-J'ai l'impression... non, c'est bête.
-Non, nous t'écoutons, parle.
-J'ai cette image... d'une roue. Comme si les Empires étaient tous situés sur la roue d'une charrette. Parfois, nous sommes l'Empire au sommet, et quand la charrette avance, nous sommes en déclin, jusqu'à être en bas, et d'autres empires sont en haut à notre place.
-Comment t'es venu cette idée ?
-En lisant, mon oncle. Des livres d'histoire. Les histoires des empires ne sont qu'apogées, déclins et crises, avant une nouvelle apogée. Une roue.
-Et bien, tu as une intelligence qui me plaît. Mais dis-moi, selon toi, tous les empires nous sont un jour supérieurs ?
-Non, non, parce que certains n'arrivent pas à arrêter la charrette, leur chance leur passe dessus. Nous, allemands, sommes le seul à savoir comment stopper la marche des choses, pour rester le peuple au sommet.
-Bon garçon. Votre fils est malin. Je reconnais bien là cette vivacité propre aux Von Schenck.
Dieter savait que c'était une pique dirigée à son encontre. Il reprenait.
-Et celle des Von Königsberg ?
-Oh, non, pas du tout. Vous êtes des stratèges, nicht wahr ? Votre truc, ce sont les plans, les organisations, les murailles, les rouages. Nous sommes des gens de bataille, nous comblons les trous que vous laissez dans vos rangs, et nous adaptons à l'alea du combat.
-C'est pour cela que tu n'es que Capitaine et que je suis Général.
-Je suis fier d'avoir servi en tant que Capitaine, Dieter. Anton, mon grand, c'est une autre leçon que je te laisse : Sois fier de tout ce que tu fais. Même si la chose paraît dérisoire aux autres, il faut que tu saches apprécier ce qui te paraît, à toi, être un exploit. Regarde ton père : Il a bâti une maison, a épousé ma sœur, a mené des batailles, et a fait naître un fils remarquable. Et regarde moi : Sans famille, sans travail. Mais j'ai la chance de ne pas être un vieil aigri coincé dans le passé comme lui. Nous sommes tous différents. C'est l'agrégation de toutes ces différences qui forment une grande nation, unie et puissante. Finis tes haricots. On reparlera des nationaux-socialistes après.Si ça peut tous vous rassurer, Siegfried a fini ses haricots.
Son oncle Christian est une figure d'admiration, il fait plus « officier fougueux » que le paternel. Sa figure sert d'inspiration à un Siegfried qui veut ressembler à son père tout en étant différent. Il tentera tout au long de sa carrière d'être le meilleur officier possible – sans le savoir, cela passera par être la synthèse entre le papa et le tonton.
-Baron ?Le jeune homme, tout juste sorti de l'adolescence, lève les yeux de son formulaire. À l'arrivée de celui qui l'apostrophait, tous les uniformes dans la petite salle se dressent en un garde-à-vous bien orchestré.
-Paul Hausser, instructeur dans la Waffen-SS.
-Anton von Königsberg. Je suis honoré, Herr Hausser.
-Moi de même, baron, moi de même... Je connais bien votre père.
-Oh. Il ne sait pas que je suis ici, vous savez. Je ne demande pas de traitement de faveur.
-C'est honorable à vous mais... Enfin, soyons clair, baron : Devenir officier dans la SS demande deux ans de service dans le rang, en tant que simple soldat. Peut-être plus si vous n'êtes pas éligible à la charge d'officier d'ici-là.
-Vous êtes venus me dissuader d'appartenir à ce corps d'élite ?
-Je suis venu vous dire que, peut-être, vous devriez réfléchir à l'éventualité de tenter la Wehrmacht. L'armée de notre beau pays vous offre un plan de carrière tout tracé...
-C'est mon père qui vous a demandé de me dire cela ?
-Non. Vous l'avez dit vous-même : Il ne semble pas au courant. Je vous dis ce qu'il vous dirait s'il était là... Quoique j'imagine bien le vieux Dieter le faire avec plus de véhémence, si vous me permettez de m'exprimer ainsi.
-Écoutez, je viens dans la SS justement pour me faire un nom sans devoir subir l'influence de mon ascendant. Je viens cueillir ce que mes ancêtres ont dû prendre par leur sang... Vous comprendrez donc que je refuse de changer d'avis. Je veux entrer dans la SS.
-Bien. Peut-être puis-je néanmoins m'arranger pour vous éviter les deux ans de service dans le rang.
-Non, Herr Hausser. Je ferais le temps nécessaire sans traitement de faveur. Je ne veux rien devoir à personne.Paul sait qu'il a affaire à un têtu. Un vrai prussien, d'ailleurs : malgré son jeune âge - 19 ans, lit-il aussitôt sur son dossier - il a la tenue noble des gens de son rang, le port altier dans son costume, ses cheveux courts sur le côté, coiffés raide en arrière, une douce arrogance dans le ton et un calme mépris dans le regard, tout pour signifier qu'il est un seigneur.
Au final, il décèle un sacré potentiel chez ce baronnet, hautain et fermé.
-Herr von Königsberg, savez-vous quel est l'intérêt des années obligatoires comme soldat pour tout officier ?
-Pour développer un esprit de corps. Pour que les officiers ne restent pas cruellement enfermés dans leur mentalité de capitaines et de généraux, détachés des réalités du terrain. Et pour que chaque soldat sache que leur officier est passé là où il est passé. Je me trompe ?
-Et qu'en pensez-vous ?
-Que je préfère avoir des subordonnés qui ont confiance en moi, et que ça me paraît être une bonne solution. Si ils m'ont vu suer et saigner avec eux, d'instinct, leur commander deviendra plus facile. Hausser regardait le secrétaire militaire chargé d'enregistrer la candidature. Il acquiesce.
-
Ravi de vous compter parmi nos rangs. Oui, j'ai ce gros avantage sur le biographe : Je romance. J'invente des dialogues. Je me fais plaisir.
Cependant, je me demande si tout ça n'est pas inutile. D'autant que je ne connais pas vraiment le caractère de Hausser : Juste qu'il était noble, comme Siegfried. Mes recherches à son sujet n'ont pas mené à grand-chose quant à ce que je cherchais.
Je vais peut-être devoir me concentrer, à mon grand dam, sur des personnages dont le caractère est plus publiquement connu, pour plus de réalisme.
...Ou j'invente des persos... Hm.
Le hall de l'hôtel continental écrasait ses visiteurs d'une pompeuse lourdeur : Les lambris d'une terne dorure de disputaient avec le velours sombre sur les murs, les lumières tamisées donnaient un effet sombre mal convenu, et l'espace censément grandiose qui séparait les murs aux autres murs et le sol au plafond donnait l'impression aux visiteurs d'être perdus dans un grand rien ; ou un grand tout, peut-être, mais en tout cas, quelque chose auquel l'esprit commun ne peut s'accommoder, et ne considère qu'avec perplexité et gêne.
Anton laissait ses yeux vagabonder vers le gratin du Reich renaissant : À un diplomate hagard aux yeux de basset triste, Au corps massif engoncé dans un trois pièces presque trop serré, un jeune colonel (ou du moins, de loin, ses galons y ressemblait) de la Kriegsmarine, enjoué et jovial, tendait la main pour lui serrer énergiquement. Les deux hommes devisaient au milieu du hall, statiques dans un paysage en mouvement : Telles des pierres installées sur la ligne médiane d'un fleuve, tout autour d'eux se mouvait, l'employé et son chariot de valise, le couple bourgeois traînant une petite fille en robe princière, le soldat aux sourcils froncés qui tripotait avec nervosité une montre qui ne tiquait plus, tous coulaient autour d'eux, obstacles qui pourtant n'existaient pour personne. Pas même pour eux : Tandis que le colonel parle, l'air pédant et satisfait, parlant presque pour lui-même, le diplomate à l'oeil ailleurs, vers une jeune fille de bonne famille, puis ce qui semble être son fiancé, puis les parents du fiancé, s'échappe vers le lustre très fourni en ampoules, détaillant la verrerie qui y pend et tente sans succès d'en propager l'éclat, jusqu'à revenir cet son interlocuteur, se rendant compte qu'il n'a pas écouté la moitié de son discours. Peu importe : Sourire convenu, parole légère, l'illusion est sauve, et il l'emmène vers le bar de l'hôtel.
Anton, plongé dans sa contemplation sociologique, ne voit pas paraître à ses côtés le Untersturmführer Schellenberg, sommité au sein de l'appareil nazi. Tout étonné, il se lève brusquement, cafouillé un vague salut romain, avant de saisir la main qui lui était tendue. Walter, un sacré type... sur qui il ne savait rien. Siegfried n'était pas encore au courant des subtilités de la bureaucratie allemande, et beaucoup de noms qu'on disait célèbre lui échappaient totalement. Peu importe : Quand on lui a dit que Schellenberg voulait le rencontrer, il a dit oui sans même réfléchir.
Pendant une bonne demie heure, le rieur officier s'amuse à le questionner, l'interrogeant parfois sur des matières très privées. Le jeune baron n'est pas habitué à une telle intrusivité, qui plus est de la part d'un autre SS. Il répond cependant le plus honnêtement possible.
L'interlocuteur finit par se lever, abandonne quelques billets pour payer les consommations, et commence à s'éloigner.
-Attendez, je ne sais toujours pas pourquoi je suis venu, ni pourquoi je vous réponds.Moqueur, Schellenberg lui tend une carte en riant.
-Rendez-vous à cette adresse dans une semaine. Vous avez été recommandé pour entrer dans les services secrets de votre pays, et je ne vois jusque là aucun obstacle à cela. À moins que vous ne soyez une pédale ou que vous ayez du sang juif, présentez-vous ici et demandez votre nouvelle affectation. Nos locaux sont petits, vous devrez partager votre bureau avec une dizaine d'autres personnes.
OK, c'est court, j'aurais pu faire beaucoup plus, mais j'avais deux solutions : Soit me taper une bio de Schellenberg, voire simplement mater ses interrogatoires à Nuremberg pour me renseigner sur le caractère du personnage, soit me contenter d'un passage sans trop de détails pour éviter de déborder.
Sachez simplement que c'était l'un des meilleurs agents secrets de sa génération, qu'il a balancé tous ses potes à Nuremberg, et qu'il s'est tapé Coco Chanel.
Trois hommes sortent d'un large bâtiment art nouveau, sur la Prinz-Albrecht-Strasse, au beau milieu de la nuit. Un calme étonnant dans la petite rue paisible, à la veille de la guerre. Trois uniformes noirs, ceux de la SS, dont l'officier, très détendu, plaisante avec ses subordonnées en leur offrant une cigarette à chacun, avant de s'en allumer une à son tour. Ils plaisantent et rient à quelques mètres du perron.
La porte s'ouvre de nouveau. Ils s'attendent à être réprimandés pour le bruit à une heure si tardive, mais ce n'est qu'un soldat qui en sort, rigide dans sa tenue sombre comme la nuit. Le gradé l'appelle aussi, le nommant sur le ton de la moquerie "baron", avant de l'inviter à sortir avec lui. Anton décline poliment, prétextant la nécessité d'aller se coucher au vu de l'horaire bien avancée déjà pour pouvoir accomplir quelques prétendues tâches importantes le lendemain. L'officier insiste, à plusieurs reprises, les hommes de rang font de même, et, finalement, le noble se voit contraint d'accepter. Bien qu'il soit du genre borné, il ne peut éternellement refuser les avances d'un officier.
Sauf que cette invitation était un traquenard - du moins, ça y ressemblait pour lui. Un bordel. Un bordel de Berlin. "C'est la SS qui paie !" lui lance gaiement son supérieur. Raison de plus pour ne pas consommer, dirait Anton. Il doit maintenant trouver un nouveau panel d'excuses - mon honneur de baron me l'interdit, je suis bientôt marié, je refuse de prendre du plaisir sur le compte du Reich. Mais rien n'y fait. Il manque de conviction. Le raide prussien peine à faire plier son supérieur, et ceux qui le connaissent en général ne le reconnaîtrai pas : Il balbutie, paraît gêné, hésitant. Loin de l'image de roc qu'on lui attribue.
Arrive alors celle qu'on lui a désigné. Une perle. La meilleure, paraît-il - mais il n'est pas dupe, et pense bien que la patronne dit ça de toutes. Il faut bien valoriser sa marchandise.
Lorsqu'elle apparaît, écartant le rideau de la petite salle d'attente où ils s'étaient assis, il est subjugué par sa beauté. À cette époque, Anton se pâmait devant les demoiselles, et perdait ses armes face aux plus jolies. Il ne sait pas encore que Siegfried fera tomber toutes les têtes, et que ce sera à elles de baver. Une revanche sur la vie, donc.
L'araignée l'attrape, la mène a lui. Présentation. Accent français. Il se souvient soudain que le nom de l'établissement est en français... Ce qui signifierait donc que les putes le sont aussi ? Pourquoi pas. De quoi éprouver sa connaissance des langues. Son enseignement l'a rendu trilingue. Il enchaîne dans la langue de Corneille, avec un sourire qui se veut assuré.
L'instant d'après, il sera dans une chambre, à déblatérer de nouveau des excuses dans l'optique de s'en sortir. Mais il est pris dans la toile, elle ne le laissera pas s'en aller. Peut-être a-t-elle l'habitude de ce genre de client, pour qui c'est la première fois qu'ils ont recours à ce genre de service, qu'ils sont encore trop hésitants. Et c'est sa charge à elle de devoir le faire plier.
Ultime argument.
Je suis vierge. Aussi, c'est à elle de s'étonner. Un SS, un noble, pas mal fichu, apparemment passé sa vingtaine, qui n'a jamais rien fait ? Non. Que dalle. Et il se sent con comme pas possible. Il veut se tirer de là. Les bases théoriques qu'il possède ne sont pas suffisantes. Il voudrait être ailleurs, loin. Au combat, pourquoi pas, c'est plus simple de se battre que de faire... ça.
Mais elle achève de le convaincre. Les jupons ont raison de sa raison. Dans la foulée, il prend une décision : Quitte à être le meilleur en tout, il sera aussi le meilleur dans ce domaine.
Plus j'écris, moins je vois le bout. Chaque nouveau paragraphe me donne de nouvelles idées. Des trucs que je voudrais intercaler entre d'autres précédents paragraphes.
J'ai déjà une dizaine de bouts de texte listés dans un gros brouillon. Je vais devoir en supprimer... Ou abandonner tout de suite la rédaction. Y a trop de taf. J'pense pas avoir les épaules pour ça.
-Na ja. Mon sang est aryen.
-Le mien de même.
-Hm hm. Y en a ici qui n'ont pas cette chance.Anton arrête de cirer ses bottes. Assis sur son lit, il lève les yeux vers le groupe de soldat, à trois mètres de lui, qui discutent paisiblement. Tous le regardent.
-T'insinues quoi, Karl ?
-J'insinue rien. T'as les cheveux noirs, et tes parents habitent tout proche de la Pologne... T'aurais pas du sang slave par hasard ?Il jette ses bottes et se dresse, saisissant une dague pour s'approcher de l'accusateur.
-Wo, calme-toi !Ledit Karl est saisi par le col, jeté contre le mur, et le fil de la lame appuie brusquement sur sa gorge.
-Redis ça.
-Attends, attends, Kö...
-Ose redire que mon sang n'est pas pur.
-Calme, Anton !
-Alors dis que mon sang est pur.
-Ton sang est pur, Anton, lâche-moi putain !
-Mon sang est purement allemand.
-Ton sang est purement allemand, pur comme de l'eau claire, arrête !
-Sicher, sicher... Il attendra quelques secondes, avant de le relâcher pour retourner, calmement, cirer ses bottes.
-Que personne ici ne doute de mon ascendance allemande.Presque un an de différence entre la rédaction de la présente note et la toute première phrase du récit, celle de la naissance de Siegfried pendant que son père est au front.
Ah, oui, on ne comprend pas forcément, mais le papa est en campagne, dans un camp couvert à l'arrière des tranchées. En relisant, je me suis dit que c'était flou, avant de comprendre que je l'avais fait exprès : Je ne sais toujours pas en quelle année Siegfried est né, donc je n'ai aucune idée quant à savoir si il est né pendant la première guerre mondiale ou après. Les potentiels obus sont peut-être en train de tomber mais ça ne peut être qu'une prévision de sa part. Quoique... le fait qu'il éventualise l'Angleterre plutôt que la France signifie qu'ils sont en guerre effectivement. Mouai. Je modifierai ça à l'occasion.
J'ai tendance à faire mes personnages de plus en plus vieux... Il est même possible qu'il soit né avant la guerre, donc.
Voyez comme je suis organisé. Les prénoms changent tout le temps, les lieux aussi. Wao. Professionnel.
D'accord, elle était jolie, c'était incontestable. Une petite blonde dans une robe blanche, innocente, au visage en amande, aux lèvres fines et aux beaux yeux bleus. Aryenne, à ne pas en douter.
Un grand repas de famille chez les von Königsberg. Les extensions de table avaient été déployées, on attendait une cinquantaine de convives. Tous des nobles : D'une part, la famille d'Anton, les von Königsberg évidemment, les von Schenck, von Ziegler et von Sibel ; D'autre part, la famille de l'heureuse élue, les von Lagerei, les Sack et les von Hartnung.
Car il était décidé qu'il devait se marier. Maria von Hartnung était considérée comme un parti tout à fait acceptable : 17 ans, certifiée vierge, famille riche, proche du pouvoir sans trop l'être, ascendance militaire, et belle. Le mariage avait été acté sans demander l'accord des deux partenaires ; tout juste en avaient-ils été informés deux semaines avant.
En guise de défi, et puisque tous les officiers étaient venus dans leurs beaux uniformes de la Wehrmacht, lui-même était venu paré de son costume noir de SS. Engueulade entre les père et le fils dans une chambre, sous les soupirs appuyés de la mère. Finalement, ils étaient descendus à la réception sans se parler.
Il était assis face à elle. Elle ne cessait de le regarder. Il était nerveux. Il voyait bien qu'elle tentait de lui envoyer des signes de sympathie, pour établir un contact, mais il n'arrivait pas à se détendre. Ils parlaient peu tous les deux. Entre deux plats, il se levait pour aller fumer une clope, entraînant du regard l'un de ses compagnons du SD. Alors qu'il filait vers la sortie, la mère de sa fiancée l'interceptait.
-Jeune homme... je vous sens... perplexe. Ma fille ne vous plaît pas ?
-Si, si, Frau von Hartnung. Excusez-moi, je dois prendre l'air.-Anton, fais un effort.
-Tu ne comprends pas. J'ai pas envie. Donnerwetter...Le SS sourit.
-Quoi ?
-Tes jurons. Ils me font penser à mon père.Dans la nuit de l'automne, un mouvement. Une dame blanche. Ce n'est pas une servante, c'est sa promise. Le SS écrase sa cigarette au sol, tape sur l'épaule d'Anton, et retourne dans le manoir.
Moment gênant. Bientôt mariés, et c'est la première fois qu'ils se parlent. La jeune femme s'approche, s'incline, murmure un « Mein Herr » en guise de salutations. Siegfried tire sur son bâton de tabac, et souffle la fumée en l'air. La blonde baisse la tête.
-Je... je ne vous plaît pas ?
-Si, si.
-Alors... pourquoi avez-vous l'air si... embêté ?
-Himmel... Je ne vous ai pas choisi. Pardon, mais ça me gêne.
-Je suis désolée, Mein Herr.
-Ne m'appelez pas ainsi.
-Comment, alors ?
-Peu m'importe. Pas comme ça. Anton suffira.
-Bien, Anton. Long silence.
-Désolé, je fume beaucoup depuis quelques temps. Ca aide à la détente.
-Ca ne me dérange pas.Il hausse un sourcil.
-Vous commencez déjà à me mentir.
-Pardonnez-moi. Je veux dire... Enfin, vous faites ce que vous voulez.
-Non, écoutez. Si quelque chose vous dérange chez moi, dites-le. Autant que ce soit clair. Vous ne me ferez pas quitter la SS, mais si vous voulez que je ne fume pas en votre présence, vous pouvez vous permettre.
-Bien.Une légère bise les entoure. Elle frissonne.
-J'ai froid, Anton.
-Je n'ai pas envie de retourner à l'intérieur.
-Moi non plus.Il écrase à son tour sa cigarette, puis défait sa veste pour la poser sur les épaules de sa compagne. Il ne sait pas que ce geste était déjà cliché, et le sera encore plus bien plus tard.
-La lune nous éclaire assez... Voudriez-vous que je vous fasse faire le tour du parc ?
-Avec plaisir.Il lui tendait le bras, qu'elle saisissait avec plaisir. Elle découvrait enfin le contact avec son promis, bien que ce soit à travers le tissu de sa chemise. Une chaleur bienvenue. De la même façon, le baron se surprenait à sourire en la sentant s'appuyer contre lui.