Rei soupira longuement. Ses doigts tapotaient avec régularité sur sa robe noire et son regard ne pouvait se détacher de l'horloge. L'aiguille se rapprochait dangereusement de minuit, pourtant
Marie n'était toujours pas là. Le stress commençait à dévorer la jeune fille sans qu'elle puisse rien y faire. Tout était prêt, pourtant rien ne pouvait commencer sans celle qui était pour l'instant absente, et l'heure fatale serait bientôt passée.
Bien-sûre, Rei disposait d'autres élèves pour l'aider dans sa tâche et admirer ce qu'elle allait faire ce soir là. Disposées en cercle et assises sur le sol, chacune une bougie devant elle, elles attendaient ses instructions. Plongée la pénombre de la bibliothèque, éclairée seulement par les faibles flammes, l'apprentie magicienne observa un moment leurs visages.
Eimi, la plus proche en terme relationnel d'elle, n'avait jamais douté de ses pouvoirs magiques, bien que Rei n'en ait que très peu, ou pas, sous cette forme, et était ainsi plus confiante que la sorcière elle-même dans la réussite de l'opération.
Hisa, la naïve, et
Fujiyo, la pleurnicharde, toutes deux peureuses, tremblaient en se donnant la main.
Tayuya, au contraire, s'amusait beaucoup en leur racontant toutes les histoires d'horreur et de fantôme qu'elle connaissait, ainsi que les nombreuses rumeurs glauques qui traînaient à Mishima sur ce qui s'y passait la nuit.
Kaorin et
Suzumi, de leur côté, étaient calmes et patientes, et semblaient plutôt du genre sceptique.
Tout cela ne valait rien, cependant. Après avoir vu de quoi Rei était capable, elles en parleraient à leurs amies, et l'histoire se répandra très vite dans le lycée. Mais une histoire restait une histoire. Cela n'apporterait aucune influence positive. Non, ce dont avait besoin Rei maintenant, c'était de la popularité. Xia, Eiko... Toutes celles de son groupe sur Terra, une fois sur Terre, étaient énormément appréciées et avaient un poids considérable dans l'établissement. De nombreux élèves les écoutaient, les aidaient, leur obéissaient... Rei n'en pouvait plus. Elle aussi était capable de quelque chose, de grandes choses même !
Alors ce soir, tout devait changer. Si Marie assistait à son tour de force, la demoiselle se rangerait de son côté, voir lui lècherait... ce qu'elle lui demanderait, et avec elle, une grande partie des élèves. Car Marie était connue et aimée, ça oui. Excellente élève, riche, cultivée et impliquée dans l'administration, mais avec une personnalité des plus appréciables, notamment de par sa générosité et son goût pour l'amusement. En réussissant à lui prouver ses pouvoirs, Rei ferait son premier pas dans la réalisation de ses rêves de conquête.
Il lui fallait pourtant exécuter le rituel à minuit si elle voulait avoir une chance de ne pas échouer, et le temps filait, tandis que Marie n'était toujours pas là. Un bref coup d’œil à l'horloge lui appris qu'il était 23h58. Son plan entier allait tomber à l'eau... A cause d'un retard, ou la lycéenne avait-elle mentit dans sa promesse de venir ?
Un bruit de pas précipité résonna soudainement dans le couloir, ce qui fit sursauter les squatteuses de la bibliothèque. La porte s'ouvrit avec fracas, et déboula, non pas un adulte qui aurait découvert leur réunion secrète, mais une jeune fille.
- On commence ? demanda impertinemment la nouvelle arrivée.
- Tu rigoles ? Une heure qu'on t'attends ! répliqua Tayuya.
Marie -car oui, c'était elle-, lui adressa une grimace.
- Je n'habite pas aux dortoirs comme vous. Tu n'imagines même pas comment j'ai dû galérer pour entrer sans me faire repérer.
Rei coupa court à la petite discussion en attrapant la main de Marie et en la dirigeant vers le cercle formé par les filles pour qu'elle s'y assoie à son tour.
- Vite, prends une bougie et allume-là. Pendant ce temps, je finis les préparatifs du rituel nécessaires à l'invocation, maintenant que tu es là.
La pseudo-sorcière sortit une craie rouge et dessina au sol, au centre du cercle, un pentacle mal équilibré, digne d'une débutante, mais le temps lui faisait défaut et elle devrait s'en contenter. Ensuite, elle se plaça hors du cercle, seule debout, et commença à réciter l'incantation. Elle avait trouvé cette dernière sur un site web douteux, plus précisément un blog qui avait sans doute été écrit par une adolescente en pleine dépression et délire vampiro-gothique. Mais qu'importe, cela lui suffirait. Son pouvoir lui donnerait réalité, et invoquerait... un démon.
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Ô toi Sombre Seigneur, aux prunelles luisantes de l'obscurité, toi qui tue, toi qui détruit. Viens en ce monde, apparais et obéis-moi !Ô déchireur de chairs, entends le sang qui coule dans mes veines, le bruit de mon cœur qui bat, la chaleur de ma peau. Viens en ce monde, apparais et obéis-moi !Comme aucun effet ne se faisait encore sentir, Rei décida d'accélérer le processus. Elle empoigna une petite lame gravée, et s'en entailla légèrement la main, lui arrachant un petit cri. Lorsqu'elle la tendis au-dessus du cercle, faisant couler son sang dans le pentacle, elle sentit une brise qui était loin d'être naturelle lui effleurer le visage. Cela commençait.
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Ô Roi du carnage, réponds à mon appel, manifeste ta toute-puissance dans un tourbillon de feu. Viens en ce monde, apparais et obéis-moi !La sorcière sentait la magie opérée, l'air semblant trembler, la lumière des bougies se faisant plus vive et leur fumée se concentrant au-dessus du cercle.
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Ô Être suprême de douleur, incarnation du Mal, monstre qui dort dans les Ténèbres et se nourrit du Chaos. Viens en ce monde, apparais et obéis-moi !Il y eut une détonation qui souffla plusieurs des bougies, et la magie de Rei... glissa. Elle lui échappa.
*NON !*, pensa-t-elle, alors que la peur d'échouer l'étreignait plus que jamais.
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Viens en ce monde, apparais et obéis-moi !A tout prix elle tenta de réassurer son contrôle sur son invocation, mais elle n'avait aucune idée de si cela avait marcher ou non. De nouveau, une détonation partit du centre du cercle, bien plus violente, les projetant toutes en arrière. Les bougies basculèrent, vidant leur cire sur le pentacle, tandis que quelques unes des filles se relevaient pour aller se mettre à l'abri derrière des étagères.
Puis soudain, tout cessa. L'invocation était finie.