Les îles commerciales du Gondchire formaient un ensemble maritime assez complexe, un archipel délicat, où chaque île était souveraine par rapport aux autres, et généralement en proie à des luttes d’influence, qui se caractérisaient par des affrontements entre pirates et corsaires le long de leurs zones d’influence respective. Le Gondchire avait en effet la mainmise sur l’exploitation de ressources océaniques importantes, généralement de précieux minerais qui étaient utilisés dans la confection d’armements lourds. Ceci faisait du Gondchire une puissante indépendante de premier plan, un ensemble de royaumes maritimes qui, tout en étant généralement désunis, arrivaient fréquemment à s’unir quand des envahisseurs tentaient de les envahir. Tekhos s’y était risqué il y a plusieurs siècles, tout comme Nexus, et le Gondchire avait toujours tenu. Outre sa puissante armada, chacun des neuf rois des îles du Gondchire pouvaient se réunir sur une île centrale, une sorte de petit sanctuaire comprenant une tour magique, et, de là, utiliser un artefact magique, la Clef des Vents, qui permettait d’augmenter ou de diminuer la puissance des vents, pouvant ainsi créer d’immenses tempêtes. La Clef des Vents avait assuré la victoire du Gondchire contre tous leurs envahisseurs, le dernier en date ayant été l’Empire d’Ashnard, qui avait espéré pouvoir, grâce à ses magiciens, repoussé la puissance magique de la Clef des Vents, et assiéger les îles. Ce fut un échec consternant, qui avait forcé les Ashnardiens, comme les Nexusiens et les Tekhanes, à se lancer dans une guerre d’influence, en obtenant le soutien d’une monarchie gondchirienne contre une autre. En définitive, Gondchire devenait un complexe échiquier politique où des conflits d’intérêts internes et externes se mélangeaient, le tout pour assurer le contrôle des mines océaniques.
Quel était le lien entre le Gondchire et le fait qu’Alice se trouve dans la piscine municipale, à tâter du bout du pied l’eau, en bondissant en arrière, comme si elle craignait que l’eau ne l’agresse ? Sylvandell s’était retrouvée impliquée dans les processus impliquant Ashnard et une monarchie gondchirienne, renommée par les services diplomatiques ashnardiens « Gondchire IV ». Gondchire IV était intéressée par les dragons dorés de Sylvandell, car leurs espions avaient appris au roi de Gondchire IV qu’une autre monarchie du complexe d’îles, Gondchire VII, comptait recevoir des troupes et des armes nexusiennes, dissimulées à travers un convoi de navires de touristes, afin d’assiéger un allié de Gondchire IV, Gondchire II. L’idée était donc d’attaquer le convoi maritime à l’aide des dragons, mais, pour ça, une délégation diplomatique allait devoir aller à Gondchire IV, afin de s’assurer que le roi de cette île respecte ses obligations. Comme il s’agissait d’une île, et qu’Alice ne savait pas nager, et qu’elle avait peur de l’eau, elle s’était dit qu’il pourrait être intéressant d’apprendre à nager, de dompter sa peur de l’eau. Or, Sylvandell ne proposait pas de maîtres-nageurs, et elle se voyait mal aller à Ashnard pour apprendre à nager... Elle n’avait pas envie que des nobles ashnardiens tentent de la séduire, ou que la rumeur se répande que la Princesse héritière de Sylvandell était terrifiée à l’idée de prendre un bain un peu trop profond. Ashnard n’était pas Nexus, mais il y avait une Cour impériale, et les démons, aussi bien que les humains, adoraient papoter, et se moquer des autres. Et Alice était déjà assez mal vue au sein de l’Empire pour avoir épousé une esclave.
À défaut, Alice avait donc décidé d’apprendre à nager sur Terre. Elle y était depuis plusieurs mois, depuis qu’elle s’était mariée avec Sakura, et qu’elle avait appris que sa femme venait de Terre. Comme une Princesse se devait d’être curieuse, elle avait décidé de se renseigner sur ce monde, notamment pour comprendre ce curieux concept de
démocratie, dont on entendait tant parler à Nexus. De nombreux rapports ashnardiens sur les activités révolutionnaires à Nexus mentionnaient en effet le fait que bon nombre de révolutionnaires ne voulaient pas de la monarchie, ni d’Ashnard, mais d’une démocratie, en pensant que ce système serait plus égalitaire, et permettrait d’avoir des dirigeants qui songeraient au bien-être de la population avant de satisfaire la classe dirigeante d’où ils étaient issus. Ce genre de débats passionnait la Princesse, qui avait après tout grandi au sein des livres, et avait donc justifié le fait qu’elle se fasse passer pour une lycéenne. Ainsi, elle pouvait entrer dans un lieu de savoir, et brandir sa petite carte étudiant quand elle se rendait aux bibliothèques.
Elle était hébergée par une amie assez intime, Mélinda Warren. Cette dernière assurait un rôle à Sylvandell : elle était chargée de l’éducation des prisonniers de guerre que Sylvandell faisait, et en ramenait une partie au royaume, afin de servir, soit comme majordomes, soit comme fermiers, conservant le reste pour elle, soit pour son propre harem, soit pour les vendre. Cette pratique avait toujours choqué Alice, même si Mélinda l’avait assuré qu’elle ne maltraitait pas ses esclaves, et qu’elle s’assurait de les revendre à des individus qui n’étaient pas des tortionnaires. Cependant, Mélinda avait une telle propension à mentir qu’Alice doutait parfois que tout soit aussi angélique que ça... Néanmoins, elle avait pu constater, à maintes reprises, que les esclaves terriennes de Mélinda n’avaient pas l’air spécialement malheureuses.
«
Ce maillot moule plutôt bien tes fesses... »
Alice sursauta, arrachée de ses pensées, et se retourna. Mélinda était derrière elle. La vampire faisait à peu près la même taille qu’Alice, et arborait un léger sourire. Elle lui avait donné un
maillot de bains 1 pièce en lycra. Alice se sentait assez serrée dans un tel uniforme, et porta instinctivement la main à ses fesses, sur la lanière du maillot.
«
Ça... Ça me serre..., avoua-t-elle confusément, les joues légèrement empourprées.
-
Ah oui ? Ça, c’est parce que tu n’as pas l’habitude de porter des vêtements comme ça... »
La Princesse portait en effet plutôt des robes. Elle regarda autour d’elle. La piscine municipale avait vraiment de grands bassins, si profonds qu’Alice n’osait même pas s’y aventurer. Quand elle était venue voir Mélinda pour lui demander des cours de natation, elle avait craint que Mélinda ne lui rie au nez. Curieusement, Mélinda avait immédiatement fait le rapprochement avec le Gondchire, signe que la vampire, tout en ne travaillant pas directement dans l’administration impériale, avait ses sources. Elle lui avait alors présenté l’une de ses filles, Ayumi Nasegawa, la «
Sirène de Mishima ». Une nageuse très douée. Mélinda avait espéré qu’Ayumi puisse la former. Les deux filles s’étaient intimement rencontrées, puisqu’elles avaient fait l’amour (ce qui restait relativement normal dans l’entourage de Mélinda), et Ayumi lui avait conseillé de se rendre à un club de natation, en lui disant que Sakura s’y était aussi rendue. L’idée de se rendre dans un endroit où sa femme avait été excitait doucement Alice, et Mélinda s’était finalement chargée de l’introduire, après quelques leçons sommaires d’Ayumi pour apprendre à Alice à ne pas couler comme une pierre.
Le principal problème d’Alice était sa peur innée de l’eau, un peu comme une phobie. C’était lié à sa nature. Les dragons, sauf les dragons aquatiques, n’aimaient pas l’eau, car ils s’y engluaient. Le dragon dominait le Ciel, pas la Mer. Mais un humain se devait d’être polyvalent. Alice devait se sacrifier pour les intérêts de son pays, car les ressources minières du Gondchire permettraient d’améliorer l’équipement sylvandin, ce qui n’était pas négligeable.
C’est donc ainsi que les deux femmes se tenaient dans la pièce principale de la piscine municipale, Mélinda dans le dos d’Alice. Si Alice avait un maillot de bains bleu, Mélinda, elle, en avait un qui était vert, comme la couleur de ses yeux. Mélinda s’était inscrite au club en même temps qu’Alice. Comme elles étaient toutes les deux lycéennes, elles pouvaient le faire, et, contrairement à Alice, Mélinda savait nager.
*
N’empêche que j’ai peur...*
Agenouillée sur le rebord, ses mains en appui, sa tête était penchée au-dessus de l’eau... Ça avait l’air terriblement profond ! Le bout de plusieurs mèches de ses longs cheveux trempait dans l’eau, et elle se rapprochait lentement, relevant ses fesses... L’appel était irrésistible, et Mélinda, qui avait parfois tendance à être très espiègle, se rapprocha rapidement, et posa un pied sur les fesses d’Alice, la poussant.
«
Hîîîî !! » s’exclama l’héroïque Princesse.
*
PLOUF !*
Mélinda resta sur le rebord, se disant que, si Alice ne remontait pas, elle irait la chercher... À moins que quelqu’un d’autre ne se dévoue. Mélinda plongea donc à son tour, afin de pouvoir l’empêcher de se noyer si jamais Alice, ce qui était fort probable, se mettait à paniquer.