Cela faisait déjà deux mois que Motoko était de nouveau libre, et il lui avait beaucoup sur la patience et le soutien de Mélinda et de ses humaines, pour que la vampire millénaire puisse trouver le courage de revenir sur les lieux où elle avait été enfermée durant tant de siècles. Pas dans les souterrains du lycée, non... Mais à la surface de celui-ci, parmi les autres élèves. Grâce à divers contacts de sa sauveuse, elle avait pu intégrer une classe de première à Mishima et y était inscrite depuis une petite semaine maintenant. Le seul défaut, c'est qu'il n'y avait aucune servante de Mélinda dans cette classe, et en raison de son douloureux passé, elle avait toujours cette peur panique lorsqu'elle était proche des humains. Ainsi, elle passait aux yeux de ses camarades, pour une jeune fille presque anorexique, faible, fragile, peu bavarde – pour ne pas dire quasiment muette – et très craintive. Le constat était simple: elle ne parvenait pas a se fondre dans la masse, a se faire des amis, et restait par conséquent à l'écart des autres élèves, préférant prendre ses repas seule.
Pourtant, il y avait quelques rares endroits dans ce lycée où elle se sentait en paix. Le premier était sur les toits, où peu de ses camarades se rendaient, et le jardin couvert, où seuls les Ferrus de nature ou d'arrangement floral se rendaient. C'était d'ailleurs le club dans lequel elle s'était inscrite, le seul où Motoko parvenait à supporter les autres humaines, d'une part parce qu'il n'y avait que des filles, bien plus douces et attentionnées que les hommes et, d'autre part, parce que cela lui rappelait ses quelques moments intimes avec sa mère, lorsqu'elle l'observait sélectionner les fleurs et les vases avec soin, couper les branches, les positionner de tel ou tel manière. Chaque fois qu'elle créait un bouquet, la vampire avait l'impression de retrouver un peu de ce moment entre mère et fille et, bien qu'elle ne parlait pas, toutes les filles du club pouvait la voir verser une larme lorsqu'elle terminait.
Aussi, ce fut à la serre que la jeune fille se rendit à la fin des cours, encore dans son serafuku. Du moins, pour le moment. Le club d'arrangement floral étant dans un local à part, proche de la serre, qui servait également pour la cérémonie du thé et la musique traditionnelle. Motoko avait mis dans son vestiaire un
kimono, ainsi que des Tobi et des Geta, les chaussettes et chaussures traditionnelles. Car la vampire étant âgée de plus de mille ans, elle avait bien entendu reçue une éducation Japonaise traditionnelle, à l'ancienne. Et il était pour elle inconcevable de participer à une cérémonie du thé, de faire un arrangement floral ou d'écouter un morceau de ---, sans porter le kimono. D'ailleurs, Motoko avait du mal à comprendre pourquoi à cette époque, ce vêtement était délaissé par les jeunes filles au profit du Yukata – très coloré au passage – qui de son temps était l'équivalant de la robe de chambre occidentale. Enfin bon, Clara disait sans cesse qu'il fallait savoir vivre avec son temps, même si l'adaptation restait difficile.
Une fois que la vampire eut enfilée son vêtement, elle se rendit dans le jardin, espérant y être seule et pouvoir sélectionner ses nouvelles fleurs. Mais ce n'était malheureusement pas le cas. Avant même d'entrer dans la serre, la brune sentit la présence d'un autre groupe sanguin... mais néanmoins différent de ce qu'elle avait pu sentir jusqu'à présent. Ne connaissant Terra que de nom grâce à Mélinda, Motoko n'avait pourtant pu sentir au cours de sa longue vie que deux type de sang, celui des humains ainsi que celui des vampires. Et celui de cette personne n'appartenait à aucune de ces deux espèces. Intriguée et sa peur passagère envolée – sachant désormais qu'elle avait affaire à une autre créature – l'éternelle adolescente se dirigea vers l'établis et y vit une femme qui lui ressemblait en bien des points. Chevelure d'un noir d'encre, peau très pâle, faible physiquement, et dans un kimono aussi sombre que le sien mais sans motifs, elle aurait pu passer pour sa grande sœur si elle avait en plus été vampire elle aussi. Motoko ne la voyait que de dos pour le moment. Aussi, s'approcha t-elle d'avantage, jusqu'à voir l'arrangement que l'inconnue avait réalisée. Une unique larme perla sous l'un de ses yeux, qui glissa lentement sur sa joue, émue. C'était très réussi, et bien qu'elle comprenait sa signification, elle ne pouvait s'empêcher de ce dire que ce bouquet était également plein d'audace. A son époque, ce genre de liberté n'était pas permise.
En admiration devant l'arrangement floral, elle ne remarqua même pas le regard de la femme...