- Chaque follette a son follet ♫
Une fois n'était pas coutume, voilà qu'elle chantonnait en français. La jeune fille donna un rapide coup de pied dans un caillou.
Tudieu ! La douleur, perfide, incendia un instant son petit orteil. En Olympe, les cailloux semblaient plus lourds que sur Terre. Ou alors n'était-ce qu'une impression.
Ou alors t'es juste crevée, ma vieille. Elle gonfla un instant ses joues, y réfugiant momentanément sa douleur. Son dieu était parti. Enfin, il n'était pas là, là, alors qu'elle aurait aimé boire avec lui, faire tinter ses ongles sur le verre d'une bouteille de vin rouge, aussi rouge que du sang, le genre qui illumine tes dents d'un reflet sanglant. Voilà. Bao était seule. Seule dans une lande caillouteuse où le soleil n'était même pas chaud, plutôt
glaçonnant, si v'voyez ce que je veux dire. Calant mieux son écharpe de laine noire autour de son cou, elle réajusta sa robe-bustier, aussi pourpre que pouvait l'être le vin, qui lui collait tant à la peau. Son regard ne pouvait pas se détourner du ciel. Il allait gronder, bientôt. Gronder méchamment, comme un père en colère. Bao ronchonna doucement, frottant ses mains. Avant de sortir une cigarette de sa poche, l'allumant nonchalamment.
Olympe, elle s'y faisait pas mal. Bon, certes, ça changeait de sa p'tite campagne chinoise, et puis on n'y bouffait pas la même chose, mais elle s'y faisait. Bao remua ses doigts, les faisant craquer.
Bon. Y'avait pas grand-chose à faire.
Une fois c'te clope finie, tu vas chourer une bouteille, et tu te la bois gentiment aux pieds de la cascade. La jeune fille hocha la tête. L'idée lui plaisait carrément. Y'avait une cascade, pas loin, et même s'il faisait frais, elle restait belle. Boire du vin les pieds dans l'eau. Elle avait appris à savourer ce genre de choses.
Une fois la cigarette, jetée, écrasée, Bao retourna dans le temple de son dieu. Il était vide, mis à part quelques prêtres encore assoupis.
Il est tôt, non ? Ses yeux décortiquérent l'horloge. Ah non. C'était elle qui était mal
horlogée. Elle trouva bien vite une petite bouteille, à la robe rouge, aux effluves sucrées, et plutôt conséquente. Hop, dans les mains, tout contre le ventre, et elle quitta les lieux, tâchant d'être discréte, pieds nus sur le sol. Il ne lui fallut qu'un petit dix minutes pour rejoindre sa cascade. Dernier souvenir de son humanité, elle enclencha son
MP3, avant de tremper ses pieds dans l'eau glacée de la cascade.
Et Bao chantonna, avec cet accent chinois si caractéristique, si doux, si clinquant. Ses pieds battaient la mesure dans l'eau, qui clapotait, lui répondant.