Le jeune homme lorgna un moment le verre de la jeune femme, presque vide, tout en lui serrant la main. Cylla se détourna d'elle un moment, se penchant vers la foule. Une petite nippone aux yeux blancs - il adorait les artifices délivrés par les lentilles - le remarqua, et retint un cri. C'est si simple ... Il leva un pouce, montrant la bouteille vide qu'il portait autour du cou. Message reçu ... La petite monta rapidement, lui offrant un verre rempli d'un liquide vert et magique, les joues rosies. Cylla lui embrassa le front, et elle partit vite, les joues cette fois rougeoyantes. Et pourtant, pas si blasant ...
Le verre à la main, il se tourna à nouveau vers celle qui disait se nommer Adelheid. Il donnait une image de lui assez navrante, à cet instant. Un sourire, vite fait.
- C'est facile, non ?
Provocateur, peut-être. Mais, en tout cas, il ne cachait pas qu'il utilisait volontiers sa notoriété pour obtenir ce qu'il voulait. Il se massa les temps, un moment.
- Je veux dire ... On s'esquinte tous à vivre. Je pense qu'on peut obtenir certaines compensations, plus ou moins scrupuleuses.
Cylla poussa un soupir. Oui, il était un salaud. Pour les autres, en tout cas ... Pour lui, il n'était qu'une personne qui sautait sur la moindre occasion d'accéder à certaines choses sans se battre des heures durant.
- Tu dois penser que ... J'abuse de tout le monde. Que je profite de ma notoriété ... Non ?
Il but une gorgée d'absinthe.
- Je ne t'en veux pas, c'est même la vérité. Mais, au fond ...Je ne veux que profiter des rares choses auxquelles j’accède avec facilité ...
Il la regarda un moment. Si elle savait ... Il en venait à se prostituer pour avoir de quoi manger pendant deux jours, alors il n'allait pas cracher sur quelques menus services. Sans s'en cacher ... A une époque, il détestait ceux qui agissaient ainsi. Il était plein de belles idées, d'utopies, croyant à la nature infiniment bonne de l'être humain. Et un jour ... La réalité.
Mais il se doutait que cette jeune fille n'était pas naïve ... Enfin, il l’espérait. Ou pas. Mais il ne voulait pas lui jouer le rôle du guitariste ténébreux qui plaisait tant aux groupies. Il n'avait rien à cacher ... Surtout après un verre d'absinthe. Sans s'en rendre compte, il venait de boire la moitié de son verre. Il décida de se calmer, et lu tendit le sien.
- J'ai vu que ... Tu n'en avais presque plus. Tu en veux ?
Un sourire.
- Si j'en bois trop, je vais continuer à dire des conneries.
Sourire constant, tandis qu'il se grattait la nuque d'une main. Sa clope mourrait au bout de ses doigts, oubliée au profit de la boisson. Il l'éteignit, et en sortit une autre, qu'il alluma prudemment. Durant les longues soirées, le tabac devenait son oxygène. Il la porta à ses lèvres, et devina le goût de quelques herbes illicites ancrées dans cette clope libératrice. Eeh merde ... Il tira une bouffée. Tant pis.
- Et dis-moi ... Que fais-tu de ta vie, toi ?
Ce n'était ni un ton blasé, ni méprisant. Juste un ton sincérement curieux. Il avait du mal à l'imaginer dans la vie de tous les jours, comme si elle n'était qu'une créature issue des rêves ... Il la situait davantage comme une sorte d'entité, une de ces personnes atypiques qui vivent un quotidien atypiques.