D'où qu'c'est qu'il est mon éditeur ?

Pour la énième fois, la jeune femme décroisa les jambes. Puis les recroisa. Que faisait-il ? Elle attendait depuis maintenant une heure son éditeur, ils devaient parler de son nouveau livre, " Sang-grillon" . Trop gore pour certains, lui au moins avait aimé ce trash, cette maniére de parler, dure et violente, et de dénoncer le viol d'une jeune femme au travers d'un livre. Elle sortit son manuscrit et commanda une autre limonade.

- Mais où est cet éditeur ?

Elle passa sa main dans ses cheveux, replaçant son serre -tête, et fit craquer ses clavicules dans un bruit plutôt immonde. Peu de gens en étaient capable, et c'était sa fierté de pouvoir faire craquer clavicule et omoplate. Elle s'humecta les lèvres, trop sèches à son gout, et rejeta un nouveau regard à la ronde. Elle décroisa, recroisa ses jambes, avala sa limonade.

- Qu'est ce qu'il fait ?

Son regard inquiet se posait sur chaque personne.

Déjà en venant, elle avait commis une erreur. Sa naïveté l'avait trompée, mais quoi de plus normal lorsqu'on reconnaît la valeur d'une oeuvre qu'on as soi-même faite.

La deuxième était que "éditeur" était à employer... Au féminin.

Habillée d'un long manteau noir, de bottes en latex et d'un grand chapeau d'été en dentelle noir et blanc, aux lunettes blanches aux énormes bords pailletés, son corsé noir et argent lui entourant le corps, tout autant que sa jupe plissée en dentelles jusqu'aux genoux.

Elle frappa dans ses mains plusieurs fois, sa voix résonnant dans la salle presque vide.

" Aaaaah, voici notre prodige de littérature, je suppose ! "

Souriante de ses lèvres maquillées d'argent, elle se pencha juste en face de la jeune auteur, son visage près du sien.

" Ravie de vous rencontrer. Je suis mademoiselle Tatari, mais vous pouvez m'appeller Walichia. J'ai lu votre livre, il est vraiment très intéressant. "

Blanche Neige recula violemment en voyant la jeune femme s'approcher. On lui avait dit Editeur...enfin peut-être qu'il n'existait pas de féminin. " monde mysogine", songea t'elle en adressant un sourire à la femme. Editeuse, éditrice ? Enfin bref, des analphabétes, y'en avait plein les rues, même dans les maisons d'éditions.

- Prodige litteraire ?

Elle eut un sourire gêné, sa méfiance en avant. Elle s'était déjà fait avoir avec un type qu'elle ne connaissait pas et qui s'était fait passer pour son éditeur dans le seul but de lui soutirer de l'argent.

- Enchantée Walichia. Snow White Queen, mais vous devez connaître mon nom.

De toute façon, étant donné qu'elle se sapait toujours en Blanche Neige, ce n'était pas trop difficile de deviner son prenom.

A vrai dire, Walichia non plus n'était pas éditrice pour un sou, malgré sa fortune. Simplement, elle voulait juste voir comment pouvait penser et à quoi pouvait bien ressembler l'auteur d'un livre aussi... Cru.

Ce n'était peut-être pas le bon mot, il en fallait bien plus pour donner un qualificatif à ce livre qui ne s'embarassait d'aucune barrière morale pour en exprimer son histoire. C'est justement pourquoi l'auteur devait être intéressant, pour pouvoir écrire des livres de ce genre.

A vrai dire, rien qu'en la voyant, Walichia s'était déjà dit que sa personnalité allait très probablement de pair avec l'imagination qu'elle avait écrit.

" Enchantée ! Dites-moi, cela vous dérange si je vous invite à dîner aujourd'hui ? Nous pourrions discuter tranquillement de... Notre affaire ! "

Prétexte stupide mais convainquant pour pouvoir la ramener à la maison. De toute façon, dans ce genre de jeu, tous les coups sont permis.

Tout les coups sont permis. Blanche Neige haussa les sourcils, visiblement étonnée. Elle se redressa sur sa chaise. une invitation à dîner ? Elle hésitait. Etait-ce bien l'editeur ? Sûrement que oui, enfin...peut-être y aurait-il une conversation interessante...

- Dîner ? Et bien vous m'en voyez ravie, je vais accepter de ce pas.

Elle lui rendit un sourire franc, mais des millions de scénarios se baladaient déjà dans sa tête. Elle était surtout gênée de devoir se rendre devant les tribunaux à cause du fait que ses romans soient...crus. Elle fit rouler ses omoplates et se leva face à la femme. Elles étaient presqie de la même taille...

Elle frappa encore une fois dans ses mains, souriante. Oui, c'était plus facile que prévu. Mais, elle regarda l'horloge, et son sourire s'élargit un peu plus. Il était déjà 19h... Juste le bon moment.

" Eh bien, allons-y maintenant, alors. "

Elle n'avait pas tenu compte des autres personnes qui les regardaient, estomaqués, de voir la - normalement - éditrice de la boîte foutre le camp avec la première excentrique venue. Quoique, lorsqu'on la regardait, on se disait que le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" était justifié.

Emmenant Snow dehors, elle prit un taxi - étrange, elle n'as pas son propre véhicule ? - qui les emmena à son manoir. Silencieuse durant le voyage, elle ne reprit le sourire qu'une fois à la porte de son domicile, dont elle ouvrit les portes massives.

Blanche Neige haussa les sourcils et la suivit finalement - partir en courant était vraiment quelque chose de bizarre, de plus Walichia ne lui inspirait pas d'angoisse -, embarquant son livre dans son sac couvert de plein de trucs et machins.

Non pas que le taxi l'ennuyait, mais l'odeur de tabac qui y régnait un peu plus. Qu'importe, même si l'éditrice était silencieuse, tant pis. Elle n'allait pas l'égorger sauvagement dans une cave à minuit non plus...

- Joli maison, lança t'elle en arrivant devant la demeure de Walichia.

Elle resta à admirer la maison, entrant sur la pointe des pieds. Comme une danseuse...