"Je t'aime".
Ces trois mots, déclaration solennelle du cri du coeur, prononcé par un homme tendre à l'oreille de sa belle alors qu'il cherchait, en quelque sorte, à trouver chez sa douce moitié les mêmes sentiments qu'il éprouvait, avaient été prononcés par Sail Ursoë, à des milliers de mètres. Monsieur Ursoë venait de tomber amoureux. Le problème? C'est qu'il était en relation amoureuse avec l'étudiante et serveuse du petit restaurant "The Happy Cat" Sasaki Shion. Le second problème; tout ce qui se faisait capter par l'eau, cette putain d'eau courante, était transmis à la jeune néréide. Devant tout le monde, à son boulot, elle s'était littéralement effondrée, sous le coup de la douleur, de la jalousie. Elle voulait demander pourquoi, mais elle était prise dans un tourbillon de colère, de désespoir et de tristesse. Son amour l'avait trompée... et abandonnée sans même penser à elle ne serait-ce qu'une fois. Croyant à une fausse couche, les gens s'étaient précipité vers elle, mais elle n'accouchait pas, loin de là. Son organisme s'était révolté en même temps que son esprit. La toute petite vie qui avait commencé à se développer en elle s'anéantit en une fraction de seconde, si rapidement qu'elle n'avait pas eu l'occasion de souffrir. Comment avait-il osé lui faire subir une telle chose? Comment avait-il osé lui faire croire à l'amour pour ensuite le lui arracher? Comment avait-il osé tomber amoureux d'une autre femme qu'elle? Elle qui avait confiance en lui, elle qui l'avait tant aimé, si profondément, si rapidement qu'elle lui avait fait un enfant, sans même demander aucune aide financière quelle qu'elle soit. Elle leva son regard vers le ciel, puis elle repoussa d'un coup brusque tout ceux qui avait tenté de l'aider, en hurlant comme une folle, totalement brisée.
Pas une minute ne s'était écoulée avant qu'elle ne regagne son appartement. Elle s'était rapidement emparé de ses affaires, de son diplôme du lycée tout récemment gagné. Elle avait appelé le propriétaire et lui avait tout vendu à un prix bas. Une fois qu'elle eut rendu ses doubles des clés ainsi que ceux de Sail, elle partit sans même remercier l'homme, qui avait pourtant tenté de la raisonner, de la calmer, mais l'absence définitive de Sail et la peur qu'il ne vienne de lui-même lui annoncer qu'il la quittait était si dure pour le coeur de la jeune femme qu'elle préféra disparaitre d'elle-même. Elle aurait voulu mourir... mais le problème, c'est qu'elle était immortelle. Ouais, c'était le gros problème; elle n'avait pas de sang, seul l'eau coulait dans ses veines, et tant qu'il y avait de l'eau, que ce soit liquide ou gazeux, elle ne pourrait mourir, à moins d'être intégralement broyée, ce qui endommagerait ses cellules à un point tel qu'elle ne pourrait jamais trouver l'énergie requise pour rassembler autant d'eau en elle pour se protéger de la mort. Elle se dirigea, en trainant les pieds, vers un pont. Son instinct de survie l'avait désertée, et elle n'avait plus aucun courage. Elle était seule, totalement seule. "Je croyais... je le croyais sincère... je... je... je..." Elle éclata en sanglot, pleurant comme elle n'avait jamais pleuré autrefois. Elle n'allait pas avoir de bébé, son amour l'avait quitté, elle était partie de son emploi (sans intention d'y retourner un jour) et finalement, tout ce qui lui restait, c'était un peu d'argent, sa bourse pleine de machins-choses inutiles (produits de beauté, etc) qu'elle avait acheté pour plaire à son amoureux. Aujourd'hui, qu'est-ce que cela représentait pour elle? Elle n'avait plus rien, ni personne, alors, pourquoi se débattre contre l'inéluctable? Elle allait mourir, et c'est tout.
Elle était maintenant sur un pont, à plusieurs mètres au dessus de l'eau. Elle fixait l'étendue vaste de l'océan, puis elle sourit. un sourire trahissant sa douleur, tout ce qu'elle avait ressenti pour Sail, le seul amour que son coeur ne pourrait accepter. Pourquoi? En lui, elle avait placé tous ses espoirs. Tous ses rêves d'avoir une famille, d'aimer, d'être aimée, de se marier et de vivre heureuse jusqu'au jour où le repos éternel viendrait réclamer Sail et qu'elle se donne la mort pour aller le rejoindre dans l'Au-Delà. Elle aurait tellement voulu l'appeler, lui demander ce qu'il faisait, le troubler, lui dire qu'elle l'aimait et qu'il lui manquait; mais à quoi bon? Il ne reviendrait pas pour elle. Il ne l'aimait plus, c'était la seule et triste vérité. Elle eut un hoquet, puis un autre, puis elle se laissa tomber dans le vide. "Adieu... Sail... ma petite Circé... Je n'en peux plus..." Elle crut alors que tout était fini. Cependant, les dieux ne sont pas très juste; sous le pont de Seikusu se trouvait un portail vers Terra. Elle y disparut, se faisant avaler par le maelström invisible.
Depuis deux jours, elle était dans les bas fonds de Terra. Elle croyait bien sûr qu'elle était en bordure du Styx, puisque les gens hurlaient et se battaient sans cesse, comme s'ils ne savaient pas qu'ils étaient déjà morts, et que se frapper ne tuait pas un ennemi davantage. Elle était tout simplement recroquevillée au fond d'une ruelle, toute tremblante, se faisant toute petite pour qu'on ne la remarque pas, pour que l'on ne lui fasse pas de mal. Elle avait peur, très peur, et elle en avait les dents qui claquaient. Ses récentes gorgées, excessives, d'eau, lui avaient rendu l'apparence qu'elle avait avant sa rencontre avec Saïl; 16 ans, belle et vierge. Mais ses souvenirs n'avaient guère disparus, et maintenant, elle ne faisait qu'espérer que le monde des enfers l'achèveraient. Elle décida néanmoins de se relever après un moment, déshydratée, souffrante. Elle se mit à faire quelques pas hésitants... avant d'entrer de plein fouet en collision avec quelqu'un... mais elle n'y fit pas attention; elle avait trop soif.