(On peut dire que tu n'y vas pas de main morte. Je vais garder Lyne encore un temps dans ce cas.)
Etaient-ce des pleurs qu’elle venait d’entendre ? Malgré le froid qui lui engourdissait les sens, Rei prêta oreille, les lèvres pincées. Mais il n’y avait rien, pas même un cri étouffé ou un souffle lointain, absolument rien. La jeune fille se frappa deux fois le front avant d’éternuer de nouveau, sa peau nue retrourant petit à petit quelques rares couleurs depuis sa sortie du bain. Désormais complètement indifférente à ce qu’elle avait bien pu entendre, sachant que ça n’avait peut-être été que le bruit du vent, elle se dirigea à petit pas vers son tas de vêtement.
Maintenant posée sur ses genoux, ses talons touchant ses fesses, Rei se mit en devoir d’essorer les pièces de son tas de tissus informes. Elle étira ainsi une jupe plutôt courte, un tshirt orange, jeta les collants qui étaient complètement effilés, regarda les chaussures d’un œil perplexe, contempla une culotte rose et douce d’un regard intéressé puis déposa consciencieusement ce qu’elle gardait sur l’herbe, attendant que tout cela soit un peu moins mouillé dans quelques minutes.
Alors, pour patienter, la jeune fille revint vers son ancienne demeure, le lac, dont la surface avait repris un aspect plus tranquille et plus calme. Avec la présence de l’astre du soir dans la voûte céleste, son pouvoir réfléchissant n’en était que plus exacerbé encore. Ainsi, ses yeux rencontrèrent ceux-ci d’une jeune adolescente qui l’observaient avec ce même regard curieux et embrasant.
Du bout de ses doigts tremblant, elle toucha délicatement sa chevelure d’or, écartant quelques mèches trempés pour les laisser retomber mollement sur son visage. La paume de ses mains se posèrent sur chacune de ses joues, appréciant leur délicate douceur. Et ses lèvres…C’étaient de vrais lèvres, certes bleuies par le froid, mais délicates et sensuelles…Elle laissa ses doigts continuer leur exploration, découvrant la peau de son menton et de son cou avant de descendre finalement vers sa poitrine. Elle pouvait presque enfermer entièrement ses seins sous ses mains si elle le voulait, tant ils étaient petits. Du bout de l’indexe, elle apprécia leur souplesse, dessinant de petites courbes autour, lui arrachant quelques frissons de bien être. Comme elle aimait ses seins ! Si elle n’avait pas eu aussi froid, elle aurait passé plus de temps à les chérir !
Par contre, elle avait beaucoup perdu en taille et certainement en poids. Ses cuisses et ses bras semblaient étrangement maigres par rapport à son ancienne apparence, et elle devait avoir également perdu une tête…au moins ! Une taille d’adolescente, en somme. Ce n’était pas grave. Rei avait passé tellement de temps, à souffrir de sa transformation lente et abjecte, enfermée à l’intérieur de sa chrysalide…Tout ce qui appartenait à ce corps souple et délicat lui convenait parfaitement ! Elle cligna des yeux, dégageant de nouvelles mèches gênantes qui se baladaient devant ses paupières, avant de se redresser.
Les vêtements n’étaient pas secs, ils collaient même à la peau, moulant ses quelques formes, mais c’était déjà mieux que le peu de protection corporelle qu’elle possédait. Elle enfila donc sa culotte, sa jupe et son tshirt mais négligea les chaussures qu’elle trouvait trop détruite par l’eau. Enfin, meurtrie par la fraîcheur des quelques gouttes qui se perdaient encore sur son corps, elle allait se mettre en chemin à la recherche d’une quelconque source de chaleur. Rei s’immobilisa.
Devant elle se trouvait maintenant un grand homme aux cheveux noirs et à la carrure d’athlète. Il était là, la dépassant de presque deux têtes sûrement, et la détaillant de ses grands yeux sombres. Jamais encore elle n’avait d’hommes au corps si bien dessiné par sa masse musculaire. Sa présence de colosse dégageait une telle aura…
***
Les poignets douloureux, les cheveux sales et décoiffés, les vêtements déchirés, les joues rougies par les larmes et le corps détruit, Lyne achevait de pleurer de détresse et de terreur, une subtance maintenant tiède et poisseuse s'écoulant d'entre ses cuisses.
Kouta...Kouta...Comment était-ce possible? Qu'est-ce qui s'était passé? Elle n'arrivait pas à s'en souvenir, ni même comment elle s'était retrouvée dans ce camion? Ses mains lui faisaient mal, tordus dans une position grotesque à cause des liens qui la retenaient. Dans un desespoir total, la jeune femme se mit en devoir de donner de violent coups de pieds contre les parois de sa prison, hurlant sa terreur et sa douleur dans l'espoir fou que quelqu'un puisse l'entendre.
"A l'aide! A l'aide! Aidez-moi, par pitié!"
***
Mue par ses instincts les plus primaires, la jeune fille s’apprêtait déjà à fuir pour plonger directement dans le lac, avant de se rendre compte que cet homme faisait maintenant partie de la même espèce qu’elle ! C’était une sorte d’allié, en quelque sorte…C’était pour pouvoir s’approcher de personnages comme lui qu’elle avait sacrifié une innocence désespérée. Désormais en totale confiance, tremblant comme une feuille, elle hocha de la tête avant de tendre une main timide vers son interlocuteur.