- Je ne savais pas...Il faut dire que la vie en général, je n'y connais rien. Si vous me permettez, j'aimerais réitérer mon offre. Cette promesse...Donnons-nous deux mois. Deux mois de nos existences durant lesquelles je vous aiderai à trouver des informations sur les portails. Pendant ce temps-là, vous m'apprendrez les rudiments d'une vie de véritable vampire, et non l'ombre que je suis aujourd'hui. Est-ce que deux mois vous suffiront ?
« Cela me semble acceptable, » dit-il avec un hochement de tête satisfait, étirant un bras pour lui serrer la main.
Un pacte avait été formé. Certes, les bénéfices n’étaient pas particulièrement significatif pour lui, mais au moins, elle lui avait fait une offre somme toute beaucoup plus raisonnable qu’une éternité de servitude. S’il n’était pas homme à nécessairement abuser de la bienveillance ou de la naïveté d’autrui, hormis celle qu’il comptait dévorer par la suite, il n’allait pas se priver d’un moyen de retourner chez lui. Terra, c’est bien joli, mais Hadrian n’était rien sinon un vampire de ville, surtout que tous ses instincts lui hurlaient de trouver un endroit à forte concentration urbaine avant d’attirer l’attention d’un Lupin.
Ah, les Lupins. Les Loup-Garous, que les kines les appelaient. Il n’y avait probablement rien en ce monde de plus terrifiant que ces saloperies. Imaginez un monstre de quatre mètres de haut, tout en fourrure, capable de vous scinder en deux d’un coup de dents. Les vampires étaient dangereux eux-mêmes, mais un Lupin transformait la planète en un réseau d’espionnage pour trouver leurs ennemis. Les arbres, les plantes, les animaux, si un Lupin veut vous trouver, il vous trouvera sans le moindre effort. Si l’argent était une excellente façon de se protéger contre un Lupin, il fallait déjà être capable de s’en servir avant que cette saloperie ne vous tue. Hadrian n’avait, dans sa longue vie, que rencontré deux loups-garous, et c’était pendant la guerre contre le Troisième Reich. Difficile de prétendre être les bons gars quand certains de vos semblables ont bossé pour Hitler et certains étaient même sa garde rapprochée. Hadrian se souvenait même d’avoir collaboré avec les Chasseurs pendant le débarquement de Normandie pour neutraliser les Lupins avant qu’ils ne ruinent les efforts des Alliés, une alliance difficile qui avait failli lui coûter sa non-vie quand ces enfoirés se sont retournés contre lui et ont tenté de le mettre également à mort. Ah, elle est belle, l’humanité ; toujours honnête et droite, n’est-ce pas ?
À la suite de ce pacte, il leur sembla de bon ton de mettre fin à leur discussion. Le soleil n’allait pas tarder à se lever, et Hadrian n’avait aucune envie de s’efforcer à garder les yeux ouvert. Allongé sur la fourrure, il ferma les yeux, ignorant complètement les crises existentielles de sa semblable, qui semblait peiner à trouver le sommeil et le repos ; en même temps, il avait accepté de la former, pas nécessairement de la traiter comme son bébé. Lentement, sa peau perdit de plus en plus de couleur, virant au blanc craie. Ses cheveux perdirent leur lustre et, privé de sang, ses doigts devinrent fins et squelettiques. L’homme qui, plus tôt, semblait beau, fort et charismatique ressemblait maintenant à un cadavre, émacié et fragile. Il paraissait un peu plus vieux, mais cela était probablement simplement dû à son état de torpeur et à l’arrêt de toute fonction vitale. Il semblait simplement malade, mais toujours aussi charmant.
Cependant, le vampire fut tiré de son repos par un gémissement. Mais c’est pas vrai ! râla l’homme. Elle ne va pas me foutre la paix ! Il se tira de sa fourrure, récupérant rapidement ses attributs plus charmants et dévisagea la jeune femme qui gigotait. Elle s’éloigna alors allant trouver un coin pour dormir tranquille mais, maintenant qu’il était réveillé, il était fort mécontent.
Il s’approcha de la jeune femme, la prenant par le bras et la forçant sur ses jambes avant de la tirer de nouveau vers la fourrure et, plaquant une jambe derrière les siennes, il la fit basculer dans une chute parfaitement contrôler et se retrouva donc au-dessus d’elle. Il la dévisagea de ses grands yeux bleus. Il resserra la mâchoire et émit un grondement sourd avant de s’approcher et de plaquer ses lèvres sur celle de la jeune femme, glissant sa langue dans sa bouche. Calypso sentit alors un liquide chaud couler dans sa bouche et sa gorge, lui prodiguant de grandes vagues d’apaisement, et donc put en déduire ce que le vampire avait fait ; il s’était mordu la langue.
Hadrian n’avait cependant pas inventé ce procédé. De fait, les pouvoirs vampiriques et les actions qui étaient associés étaient souvent inspirés de la mystique humaine. Il y avait une raison pour laquelle les gens voyaient des corrélations entre les comportements des vampires et ceux des prédateurs sexuels ; c’était que les pouvoirs vampiriques étaient plus efficaces lorsque leur victime pouvait conceptualiser le pouvoir. Dans le cas du procédé actuel, en l’embrassant et lui donnant le sang, il lui prodiguait le fameux « baiser » du vampire. Ce baiser pouvait signifier la morsure, bien sûr, mais les vampires étaient, dans la mystique collective, de grand séducteurs, et donc, leur baiser langoureux était obligatoirement (bien sûr) doté d’effets surnaturels, non ?
Après le baiser, le vampire recula, laissant derrière lui une Calypso aux lèvres maculées de sang. Hadrian regarda la jeune demoiselle, ses doigts effleurant son ventre, remontant légèrement sous les loques qui protégeaient encore sa pudeur, caressant sa peau.
« Si le sommeil t’échappe, » dit-il d’une voix grave. « Je peux m’assurer que les cauchemars ne te reviennent pas. Un service sans frais, bien sûr; appelons-ça une faveur pour célébrer notre nouvelle collaboration. »
C'était une offre, purement et simplement. Même si les deux vampires n'avaient pas nécessairement démontré d'attirance l'un pour l'autre, et qu'Hadrian n'était pas assez arrogant pour croire qu'il était irrésistible, sauf lorsqu'il désirait l'être, il pouvait imprégner en elle un sentiment de confort et de plaisir qui supplanterait des souvenirs sombres ou des cauchemars, au moins pour un temps. Une forme plus puissante d'hypnose, en quelque sorte.