Combien de temps avait-elle passé en Enfer ? Depuis combien de temps était-elle absente de son monde ? La veuve ne saurait le dire. Entre plaisir et souffrance, elle avait perdu la notion du temps. Elle se complaisait à subir chaque tourment que le Maître lui réservait. Parfois, pourtant, elle refaisait surface. Elle se débattait, elle cherchait à s'enfuir. Sans succès, évidemment. Elle était prisonnière. Soumise et brutalisée. Et si elle appréciait, si une partie de son être se complaisait dans ces supplices, la réalité n'en était pas moins là.
Quand elle n'était pas réquisitionnée pour satisfaire le Maître, elle devait servir, comme les autres. Dans ces moments-là, quand les phéromones démoniaques -elle ne voyait pas comment appeler ça autrement- ne lui embrumaient pas le corps, l'âme et l'esprit, l'ancienne tueuse à gage effectuait un repérage. C'était assez humiliant de devoir servir les démons au Palais, mais c'était plutôt utile, au final. Elle avait remarqué un endroit particulier d'où les démons semblaient sortir. Un portail ? Elle ne savait pas. Mais ça servait de base à son plan d'évasion. Elle profitait de ses passages aux cuisines pour subtiliser des plantes, des ustensiles. Elle avait remarqué que certaines herbes déplaisaient particulièrement à certaines espèces démoniaques.
Combien de temps la brunette fit semblant d'être servile ? Elle l'ignorait. Elle n'avait aucun moyen de se repérer. Mais, enfin, ce fut prêt. Il n'y avait plus qu'à attendre une occasion. Et encore, celle-ci se présenta plutôt rapidement.
Une succube entra dans sa cellule alors qu'elle venait de se baigner. Il lui fallait se préparer pour le Maître. Très bien. Dissimulant un sourire, Catalina baissa la tête et se dirigea vers ses affaires. La succube l'intercepta cependant, lui tendant une toge translucide. Soit. Elle l'enfila, baissant le regard pour ne pas que l'étincelle d'espoir au fond de ses prunelles ne soit visible. Puis direction la coiffeuse, pour se maquiller. Pendant que la démone cherchait un parfum particulier, la brunette glissa une main sous la table, récupérant deux capsules du bout des doigts. Elle en avala une après avoir jeté un discret coup d’œil, et ouvrit l'autre pour laisser la fine poudre de plantes broyées se déposer sur un tube de rouge à lèvre. Antidote et poison. Encore une fois, alors qu'elle l'appliquait consciencieusement, elle réprima un rictus satisfait. Puis, avec une moue sensuelle, elle tourna la tête vers la succube.
« Comme ceci ? Demanda-t-elle, comme pour quêter l'approbation de sa compagne. »
Sa geôlière plutôt. Mais sa petite moue eu l'effet escompté. La succube ne digérait pas de ne pas pouvoir goûter à la délicieuse humaine qu'elle était. Ordres du Maître ou pas. Jouant dessus, la veuve entreprit d'allumer sans subtilité la démone. Qui, après un regard vers la porte close, se pencha vers elle.
« Pas un mot au Maître, petite pute. Et viens par là, laisse-moi goûter à ces lèvres de salope... »
Comme Catalina l'escomptait, la succube tomba dans le panneau. Elle y sauta même à pieds joints, alors que le rouge à lèvre empoisonné laissait sa marque sur ses lèvres. Que les substances toxiques imprégnaient l'être maléfique. Quelques secondes après, la démone reculait, chancelante, alors que chacun de ses muscles se raidissait. Bientôt incapable d'esquisser un mouvement, échouée sur le sol, la succube lança un regard mauvais à l'esclave humaine.
« Mes meilleurs vœux au Maître, lança la brune d'un ton narquois, avant de quitter silencieusement la pièce. Le collier serré autour de son cou, comme si elle n'était qu'une vulgaire chienne, la démangeait. Mais elle l'enlèverait plus tard. Pour l'instant, elle louvoyait dans les couloirs, retrouvant tant bien que mal la possible issue localisée.
Juste au moment où ses yeux accrochèrent la sortie présumée, un cri survint derrière elle. Merde. Elle était repérée. Au diable la discrétion, la veuve entreprit de courir vers ce qu'elle supposait être un portail, le cœur battant la chamade à l'idée d'être libre.
Quelque chose frappa son crâne, alors qu'elle n'était plus qu'à quelques dizaines de centimètres de sa délivrance. Douleur. Grimace. Puis ce fut le noir.
Combien de temps l'ancienne tueuse à gage resta inconsciente ? Elle ne savait pas. Mais, en se réveillant, elle avait toujours mal au crâne. Elle voulut bouger, et un tintement métallique ainsi qu'une pression sur son cou l'informa qu'elle était à nouveau attachée comme une vulgaire chienne, par une laisse accrochée au collier à son cou. La peur la submergea alors. Le souvenir de l'issue devant elle, puis du choc contre sa tête, lui revint. Elle désespéra. Elle avait été si proche !