Je suis sous le charme ! Le charme essentiel, celui par lequel un ensemble de qualités rend une personne irrésistible, et Madame Shi est de celles-là. Il règne, à sa seule initiative, une telle sérénité dans cette demeure, que j'en comprends d'autant moins les rumeurs insistantes sur la présence d'esprits.
Mais je sais trop combien le Diable peut prendre les figures les plus imprévisibles, engendrer les actions les plus dévastatrices, pour demeurer un peu sur mes gardes. J'ai néanmoins du mal à croire que Madame Shi serait une entité diabolique. C'est donc ailleurs que je dois chercher cela.
Mon expérience m'a appris bien des choses. Arriver dans une bicoque lugubre n'est pas certitude d'un contexte hautement diabolique. Arriver dans une maison bourgeoise n'est pas certitude d'un contexte apaisé.
Le plaisir de cette collation est de savourer également les mots de mon hôtesse.
« vous bichonner », jamais une aussi troublante femme ne m'avait proposé cela.
« à n'importe quelle heure de la journée », voilà mon premier regret, que ceci ne concerne que la journée.
« m'avoir pour vous tout seul », je ne sais si mon hôtesse mesure le double sens de ses propos dans un esprit aussi aiguisé que le mien.
« il faut en profiter »,, voilà sans doute la plus belle des conclusions, des invitations.
C'est étrange ce qui m'arrive. Je ne suis un saint homme que selon mon ordination, et pas vraiment selon mon mode de vie. Je réalise que, depuis des années, je mène une vie dissolue, contraire aux préceptes primordiaux. Je le réalise d'autant plus que Madame Shi est différente de certaines femmes qui me firent rompre mes vœux de chasteté.
L'adage ne dit-il pas que « quand le Diable veut une âme, le mal devient séduisant » ?
D'ailleurs, son kimono qui s'entrouvre à nouveau, alors qu'elle se lève, semble le confirmer.
J'ai toujours gardé ma lucidité en toutes circonstances, ou presque. Mais jamais je n'ai connu ça ! Alors que Madame Shi s'est éclipsée pour aller chercher son fameux cake, des tremblements agitent la pièce, un tableau, la table. Bon, ça, je connais ; mais l'étrangeté est que ça survient quand Madame Shi a quitté la pièce, comme si elle s'était dissimulée pour engendrer ça. Toujours est-il qu'il y a bien quelque esprit dans cette demeure paisible en apparences seulement.
Un esprit pervers, me dis-je soudain, quand ma nuque est effleurée par un souffle, une sensation. D'une main négligente je balaie ce courant d'air, mais c'est un bout de tissu que ma main saisit. D'où vient-il ? Je ne le sais pas.
Ce que je sais, c'est que c'est une culotte, une jolie culotte toute blanche, presque diaphane, et surtout odorante ; aucun doute n'est permis, cette culotte s'est imprégnée de l'odeur intime d'une femme. Madame Shi, je ne sais pas, mais je le suppose. Comment sa culotte s'est retrouvée là ? Je ne le sais pas davantage. Pas plus que le petit papier qui l'accompagne, avec le simple mot « pervers ». Cette fois, c'est une chose que je n'ai jamais vécue. Comment l'esprit des lieux peut-il savoir ma vie ailleurs ? Certes, le Malin voit tout, sait tout, peut tout. Mais pourquoi me viser ainsi ? Pour me faire partir ? Alors, je reste !
D'autant qu'au dos du petit papier, le doute n'est plus permis : les fesses de Madame Shi sont exquises, moulées par cette culotte, qui est donc bel et bien la sienne.
Chez un prêtre aussi, quand une photo met le trouble, la réaction se dessine sous la taille. Encore heureux que la position assise m'évite de montrer combien mon pantalon prend une silhouette sans équivoque, que je tente de dissimuler e posant ma veste par dessus.
Ce qui ne s'arrange pas ! Ce papier est maléfique, mais je ne parviens pas à le lâcher. C'est comme une tablette qui fait défiler des photos. Sur la plupart, Madame Shi semble affairée – oui je reconnais un cake sur le plateau qu'elle tient – mais les photos qui se succèdent, comme un diaporama en direct, montrent sous divers angles une culotte bien plus légère, bien plus sexy, plutôt même un string dont la ficelle me permet d'apprécier deux jolis globes fessiers.
Instinctivement, je porte la main à mon pantalon, comme pour jauger de l'effet que ça me fait, oubliant que ce doit être l'oeuvre d'un esprit du Malin, et ôtant ma main in extremis alors que Madame Shi revient.
Sauf que, là, je sais qu'elle porte une culotte bien menue sous son kimono, que la ficelle doit lui coulisser être les fesses à chaque fois qu'elle remue, et que c'est peut-être pour ça que certaines de ses postures me surprenaient juste avant.
« un gros bout », si elle pouvait savoir le gros bout qui s'agite entre mes jambes.
« un petit », c'est un petit trou à peine caché d'une ficelle qui occupe mon esprit.
« il ne faut pas se gêner », c'est sûr que je risque de ne pas me retenir longtemps.
Je ne sais pas si Madame Si se rend compte du double sens que peuvent prendre ses mots. D'ailleurs, je me demande si ce sont ses propres mots ou si le Malin a pris possession de con corps et de son âme, et vise la perdition de la mienne.
De plus en plus évident car, alors que l'avenante Madame Shi coupe une part de cake, sa garde-robe commence à virevolter dans son dos. Garde-robe ? Je rirais plutôt tiroir à dessous ! Il y en a de toutes sortes. Petite cachotière ! Ça va de la très sage culotte en coton comme issue de sa grand-mère, jusqu'à des ensembles soutien-gorge et string arachnéens, que ne refuseraient pas certaines péripatéticiennes que je vis dans les vitrines d'Anvers.
Mais c'est comme si mes garde-fous tombaient, malgré la prudence de rigueur. Je ne regarde même plus Madame Shi, je suis concentré sur cette danse endiablée. Je sens mon excitation atteindre le point de non-discernement.
Je ne regarde pas Madame Shi alors que, de nouveau penchée sur la table, elle me gratifie d'un kimono bien entrebâillé, avec une vision plongeante sur ses seins.
C'est donc en regardant, par dessus son épaule,, la danse endiablée de ses sous-vêtements, que je lui réponds : « oh, mais je compte bien profiter de tout ce que je vois ; je suis sûr qu'il y en a encore plein à découvrir ».
Puisque cet esprit malin a décidé de jouer, je vais en faire de même ; on va voir jusqu'où il osera aller, me défier même.
Va-t-il laisser ces dessous continuer leur ballet, et faire se retourner Madame Shi, qui devrait en devenir rouge écarlate ?
Va-t-il me défier aussi ? Après tout, je suis là pour le neutraliser et, s'il s'amuse pour le moment, il pourrait changer de registre.
Je ne mets pas longtemps à savoir. Alors que je ne fais pas le moindre geste, c'est comme si un violent courant d'air fait tomber à terre ma veste, posée sur mes genoux pour masquer mon trouble. Penchée comme elle l'est sur son cake, Madame Shi ne peut ignorer cela.
Il faut vite faire diversion !
A mon tour, je me lève, me penchant en avant pour prendre l'assiette, le morceau de cake.
Je me penche si fort, que le parfum de Madame Shi envahit mon odorat.
Je me penche si fort, que la poitrine de Madame Shi m'apparaît plus grosse encore.
Je me penche si fort que, par dessus la table, je vois, sur le coussin où était assise Madame Shi, un objet ovoïde et joliment décoré, que j'identifie aussitôt pour en avoir vu sur le Net : un œuf vibrant ! Encore un effet de cet esprit qui a l'air d'être très joueur, ou un oubli de la tenancière des lieux ?
Je me rassieds, aussitôt, mais cette vision ne m'a pas calmé du tout, bien au contraire !