Baignée dans une lumière tamisée, Ava était avachie sur le comptoir. À ses côtés, sa collègue, Sarah prenait soin de répondre aux attentes des rares clients. Leurs boissons récupérées, ils retournaient vers leur partenaire dans les confortables canapés de velours vermeille. Aucun ne résidait au bar, ce soir-là, afin de tromper l’ennui des deux employées. Leur seul divertissement était d’observer les jeux de séduction, la tension se crée entre les couples. Et quelques gestes sensuels se perdaient. Des mains se baladaient sur les corps avides. Il était souvent difficile pour elles de rester que simples observatrices. La tentation de les rejoindre, de se perdre dans l’une des nombreuses annexes dédiées au plaisir était certains soirs une véritable torture. Pourtant, elles tenaient bon. Surtout Ava, particulièrement sensible à ces scènes. De plus, pour le travail exemplaire, la propriétaire avait convenu avec elles un accès libre et total au stupre, en dehors de l’heure de travail. Ce que la blonde ne manquait jamais. Bientôt, leur seul divertissement quitta la pièce pour trouver un brin d’intimité.
« D’habitude, tu mouilles rien qu’à les observer, commenta Sarah. »
Le regard las de la blonde remonta sur elle. Mais elle ne vint répondre à sa provocation, empreinte d’une réalité de notoriété publique ou presque. Son esprit était ailleurs, préoccupé par une rencontre : un homme, un autre étudiant rencontré plus tôt dans la journée. Si à son habitude, elle ne sympathise avec les inconnus, à la faculté, celui-ci lui a laissé une impression étrange, différente, sans savoir quoi. Marquée par cette dernière qu’elle fut incapable de définir, la blonde ne cessa d’y penser pendant ses cours, jusqu’à ce soir, au travail. Un regret demeurait néanmoins : de n’avoir pris la peine de prolonger la discussion. En retard pour son cours suivant, elle avait donné raison à son assiduité.
Agacée face à sa léthargie, Sarah encadra ses joues de ses mains et plongea ses pupilles chocolats dans les siennes.
« Va vérifier que personne n’attend à l’accueil. »
Son ordre la surprit mais elle se leva tout de suite, obéissante. Si le club était peu peuplé ce soir, une visite ou deux lui permettrait peut-être de regagner de l’aplomb.
Et un seul rideau séparait le salon de l’entrée. Ava se faufila entre les tissus et patienta devant un comptoir d’appoint. Aujourd’hui, elle s’était vêtue d’une jupe courte rouge et d’un chemisier blanc, presque transparent sous lequel sa lingerie de dentelle vermeille se dévoilait. Accroché à ce dernier, un badge indiquait son prénom. Mais ce dernier était dissimulé par sa crinière tombant comme cascade d’or sur sa poitrine. Elle paraissait trop grande pour le guichet, élevée par des hauts-talons noirs.
Après quelques minutes à peine, un nouveau client se dévoila. Mais son visage familier la déstabilisa.
« Toi, ici ? »
Ses mots laissaient entendre sa surprise et son incertitude. Pour la première fois, tout se mélangeait. La frontière si bien entretenue entre ses études et son travail éclataient sous ses yeux. Loin d’avoir honte du métier choisi, il était pourtant difficile de savoir comment réagir devant cet autre étudiant. Son manque cruel de professionnalisme se lisait dans ces mots. Décontenancée, elle se mordillait les lèvres, cherchant les paroles adéquates à prononcer. Cependant, ce n'était pas sans compter l’éruption de Sarah, qui avait entendu par mégarde tes paroles prononcées trop fort et intéressée par le bel Adonis, elle ne tardait à prendre les devants.
« Je vais-
- Non, ta présence est essentielle au bar. Je vais me charger de l’accueil de Monsieur. »
Déçue, elle tourna les talons sans demander son reste. Quant à Ava, elle prit quelques secondes supplémentaires pour remettre un peu d’ordre dans ses pensées. Accompagnée d’un charmant sourire, elle reprit :
« Est-ce votre première fois ici, Monsieur ? Avez-vous besoin que je vous fasse visiter les lieux et vous en explique le fonctionnement ? »