La demeure était silencieuse. Rien ne bougeait, aucune lumière ne filtrait au travers des épais rideaux qui couvraient les fenêtres. D'épais rideaux rouges, qui couvraient l'entièreté de chaque fenêtre et empêchaient qu'un oeil curieux ne vienne déranger l'occupante de cette maison. Tout était soigneusement rangé, il n'y avait pas le moindre livre ouvert sur la table, ni même de la vaisselle sale dans l'évier. Tout était décoré de façon assez originale, avec beaucoup de verdure, des cailloux servant de siège, on se serait cru dans une grotte. ET pour cause, tout était fait pour lui rappeler son chez-elle, chez sa mère, le seul endroit où elle avait toujours vécu entouré de dragons comme elle. Sat’sthmyss, ou plutôt Charrta depuis qu'elle vivait à Nexus, aimait recevoir ses amants d'une nuit dans un endroit qui la mettait en confiance. Tout semblait assez inconfortable, et pourtant la chambre était dans un tout autre style. Une décoration plus coquette, plus douce, avec un grand lit très confortable au milieu. C'était assez sympathique, cela permettait aux gens d'oublier qu'il étaient dans une maison aménagée en grotte. Pas une seule poussière, pourtant, car l'occupante faisait très souvent le ménage. L'endroit était surtout fait pour qu'elle s'envoie en l'air sans avoir à chercher de chambre d'hôtel, tout en se sentant en sécurité. Preuve en était qu'elle dormait parfois dans ce logement, même si elle préférait dormir en haut d'un arbre ou d'un gros rocher. Vous comprenez, une maison c'est bien moins sécuritaire, une personne ayant l'habitude de crocheter des serrures pourrait facilement entrer et dépouiller la maison, voire violer la dragonne. Et elle en avait un peu peur, de ça. De ce fait, elle dormait assez souvent à l'extérieur, non loin de sa maison pour pouvoir surveiller mais assez haut pour ne pas être dérangée. Cette dragonne, c'est moi.
Et justement, ce matin je m'éveillais en haut d'un rocher. Le soleil venait caresser mes écailles couleur cendre, me réchauffant avec douceur. J'ouvris une pupille verte, sous ma forme de dragonne. Il n'y avait pas encore de bruit, si ce n'est quelques courageuses personnes sorties tôt pour faire leurs achats avant que la foule ne vienne envahir les rues. Les commerçants devaient être contents d'avoir quelques visites pour démarrer la journée, et pour ma part je comptais somnoler encore un peu pour profiter de cette chaleur tendre. C'était vraiment une belle vie, de pouvoir être un électron libre de la sorte, et faire ce que je voulais quand je le voulais. Les minutes défilaient, je ne me rendormais pas mais j'observais la ville s'éveiller d'un oeil amusé. Beaucoup de gens m'auraient aperçue s'ils avaient levé la tête. Mais non, tous regardaient devant eux, ou autour d'eux, en discutant parfois avec les personnes qui les accompagnaient. Trop occupés dans leurs vies. Moi, je restais allongée encore un moment, écoutant les voix de la ville s'élever et venir jusqu'à moi sans que je ne distingue les mots qu'ils disaient. Je ne prêtais pas attention à leurs conversations, en même temps, j'étais surtout en train de me laisser bercer par les différents bruits. Entre les discussions incompréhensibles de la ville, le vent dans les feuilles des arbres et les bruits des animaux aux alentours, tout était réuni en un parfait concerto qui valait bien un réveil. Alors je finis par ouvrir pleinement les yeux, avant de me redresser avec prestance. Cette fois-ci, le mouvement de mon immense corps ne passa pas inaperçu. Il ne faut pas oublier de préciser qu'avec des dimensions aussi énormes, une masse couleur cendre comme moi ne passait jamais inaperçu, même quand j'essayais d'être discrète. Et même, c'était pire quand je voulais l'être.
Une gamine, en ville, me pointa du doigt en tirant sur la manche de sa mère. Elle semblait très impressionnée, mais je n'y prêtais pas attention. Je savais que c'était surtout ma taille qui impressionnait, alors je comptais bien lui donner ce qu'elle voulait. Pliant légèrement mes pattes, je donnais une forte impulsion à tout mon corps, me détachant de mon rocher. Mes grandes ailes se mirent à battre en même temps, je m'élevais dans le ciel. Les yeux de la petite fille continuaient de me suivre, impressionnée. Je décidais alors de la satisfaire encore plus. Je m'élevais assez haut, avant de me mettre allongée et de tendre la tête. Je lâchais un puissant jet de flammes qui prit la forme d'un coeur, avant que je ne passe au travers et me laisse tomber sur la ville. Mes ailes repliées, je me rapprochais rapidement du sol. Puis, au dernier moment, je déployais mes ailes pour me freiner, lui arrachant un cri de surprise, jusqu'à me laisser planer à trois mètres du sol. Alors je pris ma forme semi-humaine, mes écailles couvrant en grande partie mon corps, et je tombais alors. Je me posais assez doucement sur le sol, devant la demoiselle. Elle avait des étoiles dans les yeux, et elle semblait vraiment impressionnée. Je tendis alors la main, venant ramasser une pierre au sol avant de l'enflammer devant ses yeux. Lorsque les flammes s'éteignirent, la pierre était polie, lisse, avec un petit dragon dessus. Je la glissais dans la main de la bambine, qui m'offrit un grand sourire avant de repartir avec sa mère. Elle parlait de ce que j'avais fait, elle était excitée. Je devinais, autour de sa taille, une queue féline enroulée. Je n'avais pas vues d'oreilles, mais sans doute était-elle aussi une hybride. Je souris doucement, avant de croiser le regard azur d'une jeune femme. Elle devait m'avoir vue, elle aussi.