Avec mon verre d'absinthe devant moi, une clope à la main, je ricanais toute seule. Ce que j'avais dans la poche pouvait coûter une petite fortune si je décidais de le revendre au détail. Mais je ne trempais pas dans ce genre d'affaires. Au contraire, j'étais plutôt du genre à éradiquer ce genre de trafics. Je ne m'occupais que des gros bonnets, je laissais le reste aux forces de l'ordre locales. Mais de temps à autre, si je pouvais avoir quelque chose gratuitement, je ne disais pas non. Non pas que ce soit pour moi, mais ça pouvait servir à certaines personnes que je connaissais bien. Il y avait beaucoup de choses que je détestais prendre, et ce genre de choses en faisaient partie. Même si, très rarement, il m'arrivait de prendre un truc, mais c'était tellement rare que je pouvais compter sur les doigts d'une main combien de fois ce fut le cas en près de 300 ans.
En entendant une voix à côté de moi, très enjouée, je me retournais, en soufflant la fumée par le nez avant de tourner la tête. Devant moi, une femme, avec des cheveux relativement courts, et surtout d'une couleur que je voyais peu fréquemment. D'un violet assez voyant tout de même. Elle avait l'air de bien s'amuser de la petite mésaventure de ce petit dealeur. Bah, pourquoi pas. Ces gens-là le méritaient, à mes yeux. Et puis, j'étais de bonne humeur, je n'allais pas lui coller une balle dans la tête parce qu'il me prenait le chou. Tirant une taffe et soufflant la fumée au dessus de moi, je lui répondais avec un ton très calme, mais qui dissimulait à peine mon ricanement intérieur. Par moments, j'étais mesquine, mais je l'assumais totalement.
- Il m'a gavé en essayant de me refourguer de la merde. Manque de pot pour lui, il était tombé sur la mauvaise personne. J'ai donc eu ça gratos. J'aurais pu lui coller une balle dans une mauvaise journée, mais je suis de bonne humeur aujourd'hui. Ça a pourtant l'air de te mettre profondément en joie. T'en croises pas souvent des nenettes qui font ça, c'est ça? Prenant mon verre dans ma main libre, j'en pris une grande gorgée, qui consistait plus ou moins à boire la moitié du verre en une traite. Avant de lui tendre cette même main. - Lucie. Enchantée.
Pour m'occuper, en attendant, je faisais des ronds de fumée. Le simple fait de fumer des clopes à la menthe avec un verre d'absinthe à côté, et le goût de l'absinthe en bouche, ça pouvait en choquer plus d'un. Mais le résultat n'était pas dérangeant, même plutôt agréable. J'avais vu pire en tout cas. Le mélange menthe et alcool ne passait parfois pas du tout. A mon goût, boire du whisky avec ce genre de clopes était suicidaire. Je trouvais parfaitement immonde, et l'idée même de le faire me donnait des hauts-le-cœur. Heureusement, je ne mélangeais jamais cela de la sorte, donc je m'en sortais plutôt bien. Mon zippo sur le comptoir me faisait de l'œil, sans que je ne sache pourquoi. Ceci dit, un mec parfaitement bourré passa derrière moi, et comme il était complètement pété, il ne trouva rien d'autre à faire que s'écrouler sur moi. J'aurais sans doute laissé passer l'affaire s'il ne s'était pas mis à gueuler comme un chacal sur moi. Je n'avais pas mon pétard sur moi, fort heureusement.
Je me retournais, le chopais par le col de sa chemise et le plaquait sur le comptoir, avec un air des plus sérieux. S'il pensait qu'il était dans son bon droit, j'allais lui apprendre le contraire. Ma main plaquait donc sa gorge sur ce foutu comptoir, et je le regardais droit dans les yeux. Je ne comprenais absolument pas ce qu'il disait, et il puait tellement l'alcool que si je passais une flamme près de ses lèvres, je me prenais une déflagration en pleine gueule. - La moindre des politesses, c'est de s'excuser envers une dame. Lui disais-je, serrant davantage ma main sur sa gorge. Et je ne comptais pas l'enlever tant que je n'avais pas entendu la moindre excuse.