Au sein du lycée,
Kyoko n’était pas qu’une simple secrétaire comme Shani, non... Elle était secrétaire
de direction, poste « prestigieux » qui lui permettait d’être proche du Directeur du lycée. Une position assez influente, mais qui ne justifiait pas l’argent de Kyoko. En réalité, Kyoko avait eu des parents assez aisés, et, malheureusement, ils étaient tous les deux morts lors d’un accident de voiture. Kyoko avait touché une assurance-vie assez généreuse, qui lui avait permis, à terme, de financer l’achat d’une maison. Elle s’était reconstruite, bien sûr, mais, à l’approche de Noël, elle était dans la même position que Shani : sans famille pour passer Noël. Or, ce jour-ci, on était justement le 24 Décembre, et, même si Noël était une tradition chrétienne, les Japonais le célébraient aussi. Shani, qui n’avait même pas fait de sapin chez elle, s’était attendue à passer une soirée comme une autre, quand Kyoko lui avait proposé de passer chez elle.
«
Mais je n’ai aucun cadeau ! » s’était-elle exclamée.
La femme avait souri, tout en l’embrassant, la plaquant contre le mur. Évidemment, était-il utile de préciser que, outre collègues, elles étaient toutes les deux des amantes ? Kyoko n’était pas devenue secrétaire
de direction pour rien ! Certes, elle était compétente, mais, à Mishima, la promotion-canapé était largement inscrite dans les mœurs. Shani savait qu’elle s’envoyait régulièrement en l’air avec le Vice-Proviseur. Elle le chevauchait sur son fauteuil, et hurlait de joie, ou le suçait longuement, généralement quand il recevait des parents d’élèves furieux d’apprendre que leur fille avait été engrossée, ou d’entendre parler de rumeurs sur Internet faisant état de clubs de domination sexuelle illicites. Deux raisons expliquaient pourquoi Mishima n’avait pas encore fermé. Premièrement, le lycée affichait d’excellents résultats au Test
Sentā. Deuxièmement, surtout, le lycée comptait parmi ses soutiens financiers les plus puissantes familles de la ville. Tant que l’administration était suffisamment maligne pour étouffer les scandales, et que le lycée pouvait se payer un avocat talentueux, le lycée n’avait rien à craindre.
Enfin, toujours est-il que Kyoko lui avait pincé les lèvres, et avait affirmé qu’elles passeraient Noël ensemble, car Kyoko avait une « surprise » pour elle.
«
Ah bon ? Mais... -
C’est une surprise, petite curieuse ! Viens juste, j’ai tout préparé... »
Shani avait acquiescé. Après tout, elle n’avait aucun autre plan, et, connaissant Kyoko, elle s’attendait à une rude nuit. En réalité, Kyoko aurait tout à fait pu être professeur au lycée, mais elle préférait le poste de secrétaire. Il lui arrivait parfois d’assurer des heures de colle, et on disait qu’elle aimait jouer du martinet. Les fesses de Shani pouvaient en témoigner.
«
Comment je dois venir ? -
Viens avec ta tenue de travail, tu sais combien tu es sexy dedans. Si on voudra des tenues plus appropriées, j’ai tout ce qu’il faut, ne t’en fais pas. »
La secrétaire française avait de nouveau acquiescé. Ce soir, elle se retrouvait donc devant la maison, et toqua à cette dernière, impressionnée de voir à quel point Kyoko avait décoré sa maison. Il y avait de multiples guirlandes électriques le long des coins, l’ensemble formant un véritable feu d’artifice.
«
Je ne savais pas que tu aimais autant Noël, Kyoko..., avoua Shani en entrant.
-
Tu n’as pas idée ! »
Shani et elle s’embrassèrent sur le canapé, et, alors que Shani commençait à vouloir aller plus loin, Kyoko al repoussa.
«
Attends Minuit... -
Mais qu’est-ce que tu me prépares, Kyoko ?! -
Tu verras... »
Énigmatique, Kyoko avait dressé un énorme sapin, avec une multitude de boules, de guirlandes, et de tout ce qu’on pouvait mettre sur un sapin. Elle avait préparé des tartines de foie gras avec des toasts chauds. Shani et elle passèrent une assez bonne soirée, mais la curiosité ne cessait de tarauder Shani.
«
Tu sais, j’ai perdu mes parents quand j’avais quatorze ans », finit par dire Kyoko.
Shani resta silencieuse pendant quelques secondes. Elle ne savait pas quoi dire, et laissa Kyoko enchaîner :
«
C’était le soir de Noël. Je les attendais à la maison, et eux revenaient en voiture de leur travail. Quand j’ai appris leur mort, j’en suis venue à haïr Noël. Et, à mes quinze ans, j’étais encore dans un orphelinat, en attente d’une famille d’accueil. Tous les enfants fêtaient Noël, sauf moi. Je m’étais enfermée dans ma chambre, et j’étais furieuse, mais surtout triste. -
Kyoko... -
Laisse-moi finir, bout de chou. Donc, disais-je, je me morfondais chez moi, quand, lorsque les douze coups de Minuit, une femme est entrée dans ma chambre, et m’a demandé pourquoi j’étais triste en un jour si joyeux. Elle était apparue de nulle part, et, même si j’avais peur, je... Comment dire... J’avais instinctivement confiance en elle. »
Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? Shani n’y comprenait rien !
«
Elle m’a fait l’amour pour la première fois de ma vie, et m’a dit qu’elle reviendrait à chaque Noël si j’étais heureuse et que je célébrais Noël. -
Kyoko, mais qu’est-ce que ça veut dire ? »
La montre de Kyoko bipa alors.
Minuit venait de sonner...