Le jeu du chat et de la souris [PV : Takael]

Nexus… Chaque fois que Nephtys mettait les pieds dans cette citée, elle ne pouvait s’empêcher d’être dégoûter par le luxe qui exsudait de chaque recoin. A Ashnard, seul les plus grands chefs de guerres pouvaient se pavaner couverts de bijoux et autres richesses, des joyaux acquis à la guerre par la sueur du front… Ici dans ces allées marchandes, l’argent semblait presque tomber du ciel, ou apparaître magiquement entre les doigts des marchands qui se frottaient les mains dès qu’un pigeon s’approchait d’eux. Dégoûtant.

Son sang de démon bouillonnait en elle, ne demandant qu’à se réveiller pour en égorger le plus possible, mais le pas régulier des patrouilles l’en dissuadait. Même elle n’était pas capable d’une telle prouesse. Oh, elle pourrait faire un carnage avant d’être arrêtée, mais cela ne serait qu’une anecdote oubliée dans quelques semaines. Non, dans son métier les règles du jeu étaient différentes… l’important n’était pas d’en tuer le plus possible, mais de couper le plus de tête pour que le reste du corps titube comme un pantin désarticulé.

C’était justement une de ces têtes qu’elle était venue prendre, un commandant : Takael Nerimor. On le disait brillant stratège et puissant, elle ne pouvait pas se permettre de le mettre sur ses gardes tant qu’elle n’avait pas mis en place le piège destiner à le tuer.

Elle avait passée une petite semaine à le concocter, à rassembler des informations aussi bien chez les siens que dans son pays natale, et maintenant enfin, elle était prête à lancer les dominos, il ne lui manquait qu’une petite chose. Un détail…

Nonchalamment assise sur un banc dans un parc beaucoup trop sophistiqué à son goût, elle guettait les passants insouciants, si loin de ce douter que cette beauté qui s’amusait à nourrir les pigeons était une tueuse sans pitié. Elle commençait à trouver le temps long, quand enfin la personne qu’elle cherchait apparut dans son champ de vision, se rendant joyeusement au travail.

Rien n’était plus satisfaisant que de s’en prendre à un ange, mais en plus cette Neliel n’était pas n’importe qui. De ce qu’elle avait compris c’était une sorte de secrétaire auprès de cette troupe commandé par sa cible. Une civile innocente et pourtant très proche de sa futur victime… c’était parfait. Après tout, comment aurait-elle pu soupçonner qu’on lui veuille du mal ?

« Excusez-moi », souffla-t-elle à l’approche de la jeune demoiselle en se levant. « C’est la première fois que je viens à la capitale, et je suis perdue… vous pourriez m’aider ? »

Trop facile.

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Une lettre avec une mèche de cheveux rose est déposé au quartier général accompagné d’un mot plus qu’explicite.

« J’ai votre adorable secrétaire… Si vous voulez la récupérer en un seul morceau, il va falloir faire quelques petites choses pour moi…
Commencez par déposer votre épée chez le forgerons avant ce soir »
- Nephtys, la Sanglante


En réalité, elle savait bien qu'il n'en avait pas. Ses informations étaient formelles, il pouvait les invoquer, et il n'avait pas l'air de se trimbaler avec une arme malgré tout. C'était justement là tout l'intérêt de la chose. Elle lui demandait quelque chose de non seulement humiliant - on parlait quand même de confier un symbole phallique - mais aussi et surtout d'impossible... avec la vie de sa cher secrétaire en jeu... Non, vraiment, il lui tardait de voir comment il allait s'extirper de cette situation.


Quand elle était en chasse, Nephtys ne se contentait pas de torturer la souris en lui tournant autour, elle faisait bien pire.  

Au réveil, tout indique qu'une journée normale va se dérouler, la routine du matin s'enclenche. Takael se lève, s'habille, prie brièvement avant de sortir en saluant ses hommes sur le chemin. Il n'a pas encore conscience du bordel qui l'attend aujourd'hui. Après le petit-déjeuner, il se dirige vers son bureau où il pense voir Neliel, qui arrive toujours la première d'habitude. C'est un peu surpris qu'il trouve la porte encore fermée à clé, une enveloppe à demi-glissée sous la porte. Il prend la missive avec lui, constatant qu'il n'y a ni adresse, ni nom de l'expéditeur. Intrigué, il défait le cachet, une poignée de cheveux roses tombant au sol, avant de lire le message anonyme :

« J’ai votre adorable secrétaire… Si vous voulez la récupérer en un seul morceau, il va falloir faire quelques petites choses pour moi…
Commencez par déposer votre épée chez le forgerons avant ce soir »
- Nephtys, la Sanglante

Le Commandant sait à quel point il est vital de garder son calme dans ce genre de situations. Il ramasse la touffe de cheveux, la remet au creux du papier et replie la missive. Il va l'envoyer à un ami de l'inquisition pour qu'il tente d'y trouver des indices, traces de magie, analyse de l'encre et du papier, etc. Tous les indices sont les bienvenus et ce n'est pas sa spécialité de mener des enquêtes, il laisse ça aux experts. L'elfe entre dans son bureau, s’installe sur sa chaise et se met à écrire une lettre à un ami. Puis, il se dépêche de retourner dans la cours du fort, cherchant un capitaine du regard. Finalement, il croise le Capitaine Dielmar, pour l'informer et lui donner ses instructions.

« Capitaine, Neliel a été enlevée et c'est moi que le ravisseur cherche à atteindre apparemment. Transmettez sa lettre à l'inquisiteur Mesron, avec celle-ci qui lui explique la situation. Quand ce sera fait, partez du principe que le ravisseur cherche à m'éloigner du fort pour s'en prendre à vous. Qu'aucun homme ne se retrouve isolé, que les Capitaines patrouillent aux côtés du premier escadron et personne n'entre dans le fort jusqu'à nouvel ordre. Si qui que ce soit force le passage, abattez-le sans somation. Vérifiez aussi les stocks d'eau potable et de nourriture, à la moindre suspicion de contamination, jetez. »
« Bien Commandant! »

Sitôt ses instructions et sa lettre transmises, Takael retourne dans son bureau. Le ravisseur lui a demandé de laisser son épée à la forge, le problème étant qu'il ne possède pas d'épée pour se battre. Il se sert de sa magie de châtiment pour se créer une arme de toutes pièces, mais il ne peut pas ignorer la demande du ravisseur pour autant. L'elfe va donc rechercher dans une armoire une vieille épée d'apparat qui lui avait été offerte, en espérant que cela fera l'affaire. Le ravisseur semble vouloir l'humilier, donc cela devrait lui convenir, de toute façon il n'a rien d'autre qui ressemble à une épée digne d'un Commandant. Le fait que son adversaire fasse cette demande est en tout cas révélateur du fait qu'il ignore la nature de certains de ses pouvoirs. Ce qui est une excellente nouvelle et qui lui laisse de bonnes chances de pouvoir le surprendre s'ils se croisent.

Épée en main, il s'envole en direction du forgeron le plus proche. Il est particulièrement attentif à son environnement tout le long du trajet. Il faut bien que son maître-chanteur apprenne d'une manière ou d'une autre qu'il a bien accompli sa tâche. S'il l'observe en ce moment, cela lui donne une chance de le repérer, même si Takael est plutôt pessimiste quant à ses probabilités de succès avec cette méthode. Une fois arrivé, il confie l'épée au forgeron et s'en va, non sans laisser traîner un bout de son slime derrière. Si le ravisseur vient constater en personne que la tâche a bien été accomplie, le slime informera directement son invocateur. Même s'il ne l'attrape pas, cela lui permettra peut être de le filer, de connaître son identité et au pire, il aura au moins tenté le coup.

Même sans disposer de pouvoirs particuliers, ce n’était pas particulièrement difficile de faire surveiller un endroit, Nephtys n’était pas bête au point de se rendre elle même sur place. Pour autant, elle était réellement curieuse de voir comment le commandant avait réagis à son épineux dilemme et c’est pourquoi elle avait laissé un petit informateur sur place. Littéralement.

Un gosse qui traînait sur la place en faisant parfois mine de jouer avec les autres enfants, un individu insoupçonnable de prime abord qui s’était égratigner le genoux il y a deux jours. Ayant feint une impulsion maternelle, elle lui avait fait un petit bandage – de quoi récolter une goutte de son sang et pouvoir repérer le bambin n’importe où – et lui avait confié la tâche de lui rapporter tout ce qui se passait dans les alentours contre un peu d’argents. En règle général elle n’aurait pas fait confiance à la concentration d’un enfant, mais en l’occurrence, c’était un petit voleur dans l’âme, elle savait ce genre d’individus débrouillards et particulièrement observateurs, et il ne l’avait pas déçu la veille quand elle avait demandé un rapport qui ne l’intéressait guère juste pour tester.

Ce biais lui offrait un rapport partiale et incomplet, mais il avait l’avantage de ne pas l’approcher de près ou de loin du forgeron qui serait sûrement surveillé à la seconde où il recevrait la lettre. En outre, grâce à son pouvoir de filature, elle pouvait rejoindre le gosse n’importe où, sans avoir besoin de définir un lieu de rendez-vous où on pourrait la piéger.

Après tout, la jeune femme avait appris de ses erreurs : joueuses mais prudentes, elle agissait de manière calme et calculée pour pousser sa proie dans ses retranchements…

Le soir, elle retrouva donc son petit informateur au détour d’une ruelle après s’être assurée qu’il n’était pas suivis, et écouta son rapport en évinçant tout ce qui ne l’intéressait pas. Le commandant était venu avec une épée d’apparat. En soit le choix était tout à fait valable et elle en était presque déçue.. elle qui se réjouissait d’avance d’abîmer un peu son joli ange…

Puisqu’il avait admirablement bien relevé le défi, il était temps de passer à la suite. Une nouvelle lettre fut déposé par un intermédiaire qui avait lui même été prévenu via un autre intermédiaire afin de brouiller les pistes : la plupart des assassins étaient des hommes, donc elle avait engagé quelqu’un pour incarner son rôle et occupé un peu son cher commandant.

« Bien joué Commandant, pas trop triste de se débarrasser d’un tel symbole ? J’imagine que vous avez déjà lancé des recherches pour me trouver, ça donne quoi ? Ça serait dommage de gaspiller l’argent du contribuable vous ne pensez pas ?

En tout cas votre ange va bien grâce à votre dévotion… néanmoins je songe à lui couper une oreille, j’ai ouïe dire que vous en aviez de très belles vous même. Très pointue. Je vous propose un marché, un tout petit bout de la votre ou celle de votre ange, comme vous préférez.

Vous avez deux heures pour vous décidez, si vous vous sacrifiez, emballez le avec un petit nœud – c’est un beau cadeau quand même - et donnez le à la personne qui a déposé la lettre, il saura quoi en faire »

Ce n’était pas une lubie un peu cruelle contrairement à ce que cela laissait suggérer, juste un moyen détourner d’obtenir un peu de son sang… et de pouvoir le filer où qu’il aille. Ou au moins de pouvoir abîmer un peu son jouet.

Alors que la première tâche a été remplie avec succès, Takael reste un instant sur place, au cas où un messager vienne pour lui, mais rien. Il regarde aussi les alentours avec attention, peine perdue avec tous ces passants. Il est à Nexus, une bonne partie de la population a déjà l'air louche en temps normal. Alors si quelqu'un l'observe discrètement pour rendre compte de ses faits et gestes, le chercher ici ne sera probablement qu'une perte de temps. Il a une sainte horreur de ce genre de situations, devoir attendre passivement la suite des événements. C'est l'exact inverse de son attitude habituelle, l'inaction le ronge tandis qu'il sait Neliel en danger. Pourtant, il n'a pas d'autre choix que de prendre sur lui et d'attendre une opportunité de contre-attaquer. Davantage dépité par l'absence d'éléments nouveaux que par la perte d'une épée qui prenait la poussière, il quitte l'endroit.

En rentrant au fort, il prend le temps d'expliquer en détail la situation aux Capitaines lors d'une réunion exceptionnelle. Préférant prévenir que guérir, il part directement du principe que c'est le bataillon tout entier qui est visé et pas seulement lui. Il décide notamment d'envoyer un rapport sur l'enlèvement de Neliel à son Général. Ainsi, l'Inquisition et les Croisés sont tous deux tenus au courant. Il sait qu'il doit se montrer humble, il n'est pas sur son terrain habituel et la force brute ne l'aidera pas cette fois-ci. Alors toute aide est bonne à prendre. Il donne également l'ordre aux patrouilles de laisser rentrer les éventuels messagers dans le fort, mais sous bonne escorte et après une fouille consciencieuse. Pas de risques inutiles.

Quelques heures plus tard, une fois la nouvelle routine bien en place, on vient prévenir le Commandant qu'un messager vient d'arriver pour lui. Après avoir longuement soupiré, appréhendant la prochaine lubie du preneur d'otage, l'elfe va à sa rencontre. L'intermédiaire lui remet alors un message, qui commence par quelques moqueries sans grand intérêt. Pour finir par un nouvel échange assorti de ses conditions.

C'est louche, beaucoup trop louche. Pourquoi demander un bout de son oreille contre une oreille entière ? Pourquoi une telle menace pour obtenir si peu ? Si le preneur d'otage faisait cela par sadisme, pourquoi ne pas exiger une oreille entière contre celle de son assistante ? Le dilemme serait bien plus fort. Cette demande n'est pas faite par sadisme ou par volonté de l'humilier, son adversaire à un autre but qu'il tient à cacher. Laissant le messager en compagnie de ses hommes, le Commandant s'isole pour réfléchir à cette étrange demande. Une hypothèse parmi d'autres, le preneur d'otage pourrait vouloir utiliser un bout de sa chair pour un rituel quelconque. Peut-il se permettre de se laisser affaiblir alors que Neliel compte sur lui ? Une autre hypothèse serait que son adversaire cherche à gagner du temps et le fait juste tourner en bourrique pour l'instant. A-t-il fait quelque chose susceptible de gêner ses plans sans s'en rendre compte ? Est-ce l'opportunité de lui tendre un piège ou devrait-il attendre les retours de l'Inquisition avant d'agir ?

Finalement, après avoir passé en revue ses options, Takael décide de ne rien tenter et de simplement satisfaire les demandes du maître-chanteur pour l'instant. Il n'a pas suffisamment d'informations pour prendre une décision dont il est sûr qu'elle ne mettra pas Neliel en danger. Il retourne dans la salle où se trouve le messager avec un couteau, afin qu'il soit son témoin. Il ferme la porte, le regarde, puis place la lame sous son oreille, avant de trancher le dessous de son oreille dans la longueur. Ses hommes le regarde avec surprise, mais lui font suffisamment confiance pour ne pas intervenir. Il enveloppe le morceau d'oreille en faisant le petit nœud demandé, car il ne veut rien faire qui puisse contrarier le preneur d'otage pour l'instant. Takael tend le paquet au messager tout en gardant son calme, le sang coulant le long de son cou. L'elfe se contente alors d'un simple :

« Tu peux t'en aller. »

Sitôt le messager parti, le Commandant soupire longuement avant d'envoyer la table d'interrogatoire voler contre le mur. Il sait qu'il se fait balader, qu'il n'a aucune carte à jouer pour l'instant. Il ne peut que se venger sur les meubles et exprimer sa frustration d'un :

« MERDE ! »