Bonjour,
Inutile de me demander mon âge ou mon nom !
L'âge d'abord, parce que cela ne se fait pas auprès d'une dame, mais je ferai preuve de bonté en vous accordant qu'il est au dessous de trente ans.
Mon nom demeurera tout aussi mystérieux. Si je porte fièrement mon prénom, Marie, mon nom de naissance a sombré depuis longtemps dans les tréfonds des faits divers, et le titre que je porte désormais n'est qu'un patronyme issu de mon défunt mari.
Oui, car je suis veuve, veuve joyeuse selon les uns, veuve lubrique selon les autres, veuve noire selon ceux qui ne peuvent plus en témoigner.
Pourtant, ce n'est pas ainsi que je voyais ma vie, du moins à l'âge où les petites filles rêvent encore au prince charmant. Ah, je l'ai attendu celui-là ; je m'étais promise à lui... jusqu'à ce que mon hymen se déchirât, une après-midi de décembre, lorsque le professeur de sport me coinça dans les vestiaires du lycée parisien où j'étais scolarisée, avant de m'abandonner, en pleurs et en douleurs, tandis que lui, il arborait le rictus du travail bien accompli.
Ce fut la chute aussi soudaine que violente. Parce que cet individu en avait profité pour faire quelques photos de sa basse besogne, et m'empêchait de tout dévoiler. Parce que la seule amie à qui je m'étais confiée ne trouva rien de mieux que d'en parler « en toute discrétion » à tout le lycée. En un instant, j'étais devenue la salope, celle qui allume les mecs mûrs et à laquelle les jeunes puceaux voudraient bien goûter, celle aussi que les autres filles tantôt traitent comme le mauvais exemple à fuir, tantôt comme qui pourrait être l'objet de quelque délire.
Il ne fallut pas longtemps pour que cela sorte de l'école, s'insinue dans mon quartier, parvienne dans mon immeuble. Mes parents, effarés, ne purent croire que ce brave homme, qu'ils connaissaient par son sourire et sa bonté, ait fait cela. Même pour eux, j'étais la traînée par laquelle le scandale arrive. Ma mère sombra dans une profonde dépression, qui la mena d'hôpital psychiatrique en cures de toutes sortes. Mon père ne supporta pas les railleries, et sombra dans l'alcool, avant que, d'une balle, il mit fin à ses jours, tandis que ma mère décéda peu après.
Orpheline, mais aussi majeure,car les mois avaient passé pendant cette déchéance, j'étais seule, seule aussi dans mon intimité, car quel garçon aurait voulu, sérieusement, d'une fille qui couchait même avec ses profs ! J'étais grillée, une réputation ne se refait pas ; je décidai donc de partir, de vendre l'appartement, de m'installer je ne savais où, de continuer mes études, de devenir quelqu'un d'autre. La pièce que je jetai en l'air, au dessus de la carte de France, retomba (par hasard?), sur Brest. Un peu plus, et je partais sur l'océan!
Le sort en était jeté ; je m'installai là-bas. Je me lançai, à corps perdu, dans des études de droit. Personne ne connaissait mon passé, même mon nom était inconnu ici. Je décrochai sans souci mon premier stage d'été chez un avocat réputé, Pierre de La Villerosière. Ce n'était pas un modèle de charme, petit bedonnant aux tempes grises, mais j'avais un petit salaire pour les deux mois.
Hélas, c'est pourtant à ce moment-là que les ennuis reprirent. Car une hypothèque refit soudain surface, dilapidant en quasi-totalité l'héritage de mes parents, et mettant illico mon compte bancaire dans le rouge. Et, quand l'argent manque, rien ne va plus. Je sombrai vite, mon travail s'en ressentit, et je fus derechef convoquée chez mon patron.
Alors j'avoue, oui, j'ai craqué ! Je me suis effondrée en pleurs, j'ai tout déballé, l'héritage, le lycée, comme si je devais me libérer de ce poids. Il m'écoutait, paternaliste, réconfortant. Il me donna même mon après-midi, et me proposa de venir, samedi soir, à une petite soirée qu'il organisait avec des amis, « histoire de changer d'idées » comme il disait. « Mais ce sont des gens bien, alors fais-toi élégante » ajouta-t-il.
Je suivis son conseil. J'avais un joli tailleur noir que j'ajustai soigneusement, des dessous sobres et un chemisier blanc, des collants et des escarpins noirs. Nul doute que mon patron serait heureux de présenter sa stagiaire à ses amis de la haute bourgeoisie. Et, à vingt heures, j'arrivai à son domicile, cette si belle demeure cachée dans un parc arboré, où le parking regorgeait de belles berlines.
Pierre de La Villerosière m'accueillit, en me complimentant sur mon élégance, avec un sourire énigmatique que je ne lui connaissais pas, comme si la jovialité cachait un carnassier. Pas de quoi m'inquiéter, car j'imagine que, entre gens du monde, on parle aussi business. Entre gens du monde ? Si les messieurs présents avaient presque tous d'élégants smokings, je songeai que la tenue de leurs épouses, bien plus jeunes qu'eux parfois, allait de « l'ensorceleur » au « vulgaire ». J'étais vraiment la seule en tailleur strict!
Mais je n'eus pas le temps de laisser aller mes états d'âme. Pierre de La Villerosière me présenta à une multitude de ses amis, un notaire édenté au regard pervers, un patron d'entreprise accompagné de sa secrétaire plutôt que de son épouse, une femme au regard noir et bardée d'un cuir moulant à l'extrême, et que sais-je encore. Car, sans doute peu habituée au si bon Champagne qui était servi, j'avais quelque mal à conserver ma lucidité après la deuxième coupe. Je m'entendais rire, comme si ce n'était pas moi, et même à des plaisanteries graveleuses.
Et, quand le vieux notaire édenté posa sa main sur mes fesses, je fus surprise, mais sans réaction. Comme si mon esprit ne maîtrisait plus mon corps. Car j'entendais et je voyais tout, même lorsque Pierre de La Villerosière lança à ses hôtes un « elle s'est déjà fait sauter par un de ses profs, alors ne vous laisser pas abuser par son air de mijaurée », ou lorsque des mains surgies de je ne sais où me portèrent sur une table débarrassée à la va-vite. D'autres mains me pelotaient, d'autres mains me dévêtaient ; je savais mais je ne pouvais rien, et je me retrouvai les habits en lambeaux.
C'est alors que la femme en cuir jaillit sur la table, silhouette menaçante et yeux noirs, un fouet à la main, dont la lanière s'abattit sur mes seins nus. Hurlement de douleur, mais impossible de bouger, de me protéger, de fuir. Elle haranguait la foule des vieux libidineux, s'il en était besoin, et je sentis des mains partout, mon sexe était fouillé, mes fesses sentaient un objet froid les distendre, ma bouche accepta sans réagir un sexe d'homme. Un, deux, dix, je ne sais plus. Parfois le fouet claquait, parfois un sexe giclait sur mes seins, parfois même une femme m'obligeait à goûter son suc intime.
Je ne sais ni combien d'individus, ni combien de temps, cela dura. Mais la dernière chose, dont je me souviendrai toujours, ce fut mes cris, lorsque la femme en cuir brisa mes fesses en me chevauchant d'un sexe noir aux dimensions incroyables. Je ne pouvais que hurler tandis qu'elle pilonnait mes chairs meurtries, et je n'oublierai jamais les mots qu'elle lança à l'assemblée: "Allez-y, messieurs, la voie est ouverte". Mon anus ne dut peut-être de ne pas davantage souffrir que parce que ces vieux salauds avaient la queue molle, surtout imbibés d'alcool. Mais la honte était trop forte, et je voulais que la mort me délivre. Hélas, la grande faucheuse n'était pas décidée, et, lorsque je me réveillai, je retrouvai mes sensations. Mes mains répondaient, mes yeux bougeaient, et mon corps était glacé. M'habituant à la faible lumière, j'avais l'impression d'être dans une rue, posée à plat-vendre sur un truc comme une poubelle renversée, et c'est alors que je réalisai que mon corps bougeait. Oui, il bougeait, ou plutôt quelqu'un le faisait bouger ! Au fur et à mesure que revenait ma lucidité, je réalisai que, mes cheveux dans les flaques et mon corps posé là, un mec était en train de me sodomiser, à grands hoquètements entrecoupés de relents d'alcool.
Retrouvant enfin mes esprits, et plus encore la douleur de mes fesses meurtries, je réunis ce qui me restait de force, et je me jetai en arrière pour le faire reculer. La soudaineté de mon geste me libéra aussitôt du rustre qui roula à terre, balançant un « Eh salope ! » qui me rappela le même mot, prononcé par mon prof de sport. Se relevant tant bien que mal, l'individu avait décidé de finir son ouvrage, comme l'autre salaud de prof. « Eh, l'avocat m'a dit que je pouvais te baiser, quand il t'a jetée ici, alors fais pas chier ! ». L'avocat, tout me revenait, la soirée, le champagne, les vieux, l'horreur et l'impuissance. Je réalisai aussi que mes habits étaient en lambeaux, mes seins nus et zébrés, mon sexe offert au regard de l'ivrogne. Lui, il fallait que je le neutralise ! Je tendis la main, espérant trouver quelque chose, et, par miracle, un truc qui avait dû être un manche à balai en bois. J'attrapai l'arme improvisée et, de toutes mes forces, je balayai l'air pour frapper dans un étrange bruit la tête de l'autre. Dans la nuit s'échappa comme un bruit de dominos qui s'écroulent en s'entrechoquant. Peut-être était-ce la mâchoire du type ? Je ne le saurai jamais, car il fit comme un couic, avant de tomber comme une masse sous un réverbère dont la lueur semblait figée sur son sexe. Ce même sexe qui m'avait souillée, après tant d'autres. Celui-là, il allait payer pour les autres ! Et ce ne serait que le début. Je levai à nouveau le manche de bois et, visant comme je ne l'aurais pas imaginé, je l'abattis de toutes mes forces sur ce truc ramolli qui sembla exploser sous le choc, faisant jaillir des entrailles ou du sang dont je me moquais éperdument. Qu'il crève ! Lui, et ces mecs qui m'ont salie, et ces nanas qui en ont profité sans les en empêcher.
Je me fis alors le serment de faire subir le même sort à tout humain, quel que soit son sexe. Je n'épargnerais personne, car même un monstre peut se cacher derrière un sourire. Je n'étais rien, ni pour mon prof ni pour mon patron ; je resterai rien mais, dans l'ombre, je serai quelqu'un. Alors, avec une froideur que je ne me connaissais pas, je tirai le corps du lourdaud jusqu'à le faire rouler dans le canal. Mais il me fallait disparaître !
Je savais que l'alarme du bureau d'avocats était en panne, et je pouvais donc m'y ressourcer le dimanche. Heureusement, personne ne me vit arpenter nue les rues nocturnes désertes, et je me refis une image présentable dans les sanitaires de l'étude. Comble de bonheur ou de perfidie, je découvris que le bureau de Pierre de La Villerosière recelait un dressing, et pas qu'avec des robes d'avocat, mais plutôt un vrai magasin de tenues allant de l'excentrisme à l'abjection. Pas d'états d'âme ! Je parvins à me concocter une tenue assez sobre, et une tenue de rechange. Pour les frais à venir, je n'eus pas d'hésitation ; je connaissais le code du coffre, et les quelques centaines de milliers d'euros et autres actions non nominatives qu'il contenait, me suffiraient. Ce que j'ignorai alors, c'est que je dérobais ainsi, non pas les économies de mon patron, mais celles d'un gros bonnet du milieu, ce qui valut à Ouest France de titrer, alors que mon avion me déposait très loin, dans une petite ville nommée Seikusu, sur « un grand ténor du barreau brestois retrouvé mort de deux balles dans la bouche, signe d'une exécution mafieuse ».
Pourquoi Seikusu, au fait ? Là aussi, je m'étais confiée au hasard. J'avais fait aller une vieille breloque au dessus du planisphère qu'avait mon ex-patron, et j'avais choisi je premier lieu où breloque et planisphère s'entrechoquèrent. Il n'y a pas de hasard ! Les économies durement gagnée à la déchéance de mon corps me permirent de m'offrir une belle maison de maître, entourée d'un parc qui sied à ma discrétion. Pas de domestiques qui pourraient colporter, je sais moi-même tenir ma maison et mes ustensiles. Qui d'autre que moi pourrait graisser les cuirs de ces lanières? Qui d'autre que moi pourrait huiler le latex de ces godemichets ? Qui d'autre que moi saurait apprécier l'image que me renvoie le miroir de cette femme toute de noir parée, exhibant fièrement le strapon, instrument de ma vengeance ?
La revanche, pardon la chasse, va pouvoir commencer...
Mais je réalise que, si j'ai été évasive sur mon âge, je ne vous ai rien dit de mon physique. Certains diront que c'est peut-être une partie de mes problèmes, comme si être blonde de naissance soit vous cataloguait bête comme chou, soit vous classait comme salope à tout faire !
J'ai toujours pris soin de mes longs cheveux blonds, Candy selon les uns ou Barbie selon les autres, et je les imaginais flotter au vent lorsque le Prince charmant m'enlèverait sur son beau destrier blanc. Raté pour le Prince !
Et la nature m'a aussi offert des yeux noisette, pas si courants que ça paraît-il. Un regard vif et curieux, qui ne laisse rien au hasard. Des yeux qui ont beaucoup pleuré, mais qui ne verseront plus jamais une larme, même quand je ferai descendre aux enfers celui dont j'écraserai les testicules ou celle dont je marquerai les seins à vif.
Comme les miens ! Car ils ont gardé les marques de la morsure du fouet. Combien de coups ont-ils reçu, je n'en sais rien. Mais, moi qui avais de si beaux seins ronds et fermes, ils n'ont plus aujourd'hui que leur forme, et ne plairont plus à aucun homme.
D'ailleurs, ai-je envie de cela ? Car, même si cette soirée de débauche subie m'a laissé d'irrésistibles envies lubriques, même si mon sexe est toujours en quête et que je dois souvent le satisfaire de quelque vibromasseur de ma collection, même si mes fesses n'ont jamais oublié l'intensité des coups de boutoir du clodo lorsque je me suis réveillée, je ne conçois le sexe qu'à ma guise désormais.
Et j'ai les armes pour faire tomber qui je veux, quand je veux, et tant pis pour lui ou pour elle. Car, que ce soient aussi ma bouche finement dessinée ou mes jambes longues et fines, parfois sublimées de cuissardes qui amplifient mon 1m70, voilà d'autres atouts. Je serai la proie pour le chasseur ou la chasseresse, qui s'y perdront et deviendront à leur tour ma proie.
Pas jusqu'à la mort, cependant! Après tout, j'ai laissé une chance de survie au clodo, juste après l'avoir marqué. Oui, c'est cela; tout comme mes seins ont gardé trace des zébrures que j'ai endurées ce soir-là, quiconque tombera dans mes rets en ressortira vivant en principe, mais marque à vie dans son corps et dans son esprit, histoire que je me sente moins seule.
Car il est clair, désormais, que les événements de la vie sont seuls responsables de ce côté froid dans la quête d'individus exutoires de ma vengeance, tout comme ce côté chaud qui me rend insatiable. Au moins pour ça puis-je remercier le défunt Pierre de La Villerosière (Ah oui, vous avez vu que je lui ai piqué son nom après son pognon ; je n'ai pas épousé ce salaud mais, maintenant qu'il a crevé, et que tout le monde l'oubliera très vite, je trouve que ça me donne une classe inouïe ce titre de noblesse old France).
Bref, je suis froide et chaude ! Froide à avoir jeté un clodo dans un canal, chaude à m'être fait le steward juste avant d'atterrir. Il m'a même dit que j'étais très douée pour la fellation, mais je ne sais pas s'il le pense encore, vu comment mes mains ont ensuite comprimé son service trois pièces. Je serais bien allée jusqu'au bout, sans le tuer mais juste pour qu'il en garde trace tout comme moi, d'autant que je lui avais mis sa cravate dans la bouche, mais l'atterrissage m'a interrompue en plein délice. S'il est encore vivant, il n'ira pas se vanter...
Mais je devrai faire gaffe à ne pas céder à toutes mes pulsions ! Je ne connais pas cette ville de Seikusu, et je dois demeurer discrète. Même mes tenues seront aussi élégantes que sobres, car c'est à moi de choisir ma proie parce que j'en ai envie, et non à quelque bourrin ou quelque chaudasse de s'exciter à me reluquer. Je dois découvrir avant de chasser, je n'ai plus le droit de perdre ma lucidité, qui plus est parce qu'une nana m'aura chauffée ! Une nana ou autre chose, car il y aurait même une légende prétendant qu'il y aurait comme des trucs de mondes parallèles ou je ne sais quoi... Tiens, ça fait quel effet de torturer ce qui s'appelle, je crois, une Terranide ?