Comprenant environ 1 500 âmes, la Horde constituait un peuple assez faible, la population d’un village. Pourtant, quand on les voyait, là, en train de marcher, le spectacle était assez impressionnant. 1 500 âmes lors du dernier recensement, mais la Horde connaissait, depuis quelques années, une croissance démographique soutenue. Les conditions de vie s’amélioraient, et les enfants mort-nés étaient maintenant de plus en plus rares. Tout ceci permettait à la puissante Horde de continuer à exister, sorte d’héritage anachronique défiant les âges et les époques. Les bébés rejetés étaient, fort heureusement, rarissimes. La Horde marchait donc, et s’arrêta pour bivouaquer près d’une grande forêt.
Un « arrêt », au sens de la Horde, ne signifiait pas juste passer une nuit à dormir, puis repartir ensuite le lendemain, mais l’arrêt pouvait durer plusieurs semaines, si ce n’est des mois. C’était des moments importants, où on faisait l’inventaire des réserves, avant d’envoyer des Amazones dans tous les sens pour récupérer des réserves supplémentaires. On en profitait pour vérifier l’état des blessés, et l’on repartait ensuite. Le Conseil des Amazones se réunissait notamment à cette occasion pour vérifier si les Amazones envoyées en mission étaient revenues, ou devaient revenir à cet arrêt-là, tout en planifiant l’itinéraire. Terra était une terre très grande, et, pour permettre aux Amazones envoyées en mission au loin de les retrouver, la Horde planifiait sa trajectoire des mois à l’avance, avant de diffuser, par le biais de corbeaux, son itinéraire aux temples d’Artémis sur Terra. Ainsi, une Amazone envoyée en mission n’avait plus qu’à se rendre dans un temple s’il s’avérait qu’elle avait manqué un « arrêt », étant entendu que seule une Amazone pouvait, dans un temple d’Artémis, avoir accès au clan.
De cette manière, la Horde bénéficiait, malgré son chaos apparent, d’une structuration assez forte. C’était une micro-société fondée sur un système de castes, et le Conseil des Amazones représentait chacune de ces castes : les Guerrières, le cœur de la Horde, les Ouvrières, dont la tâche était de servir les Guerrières, les Métallurgistes, qui constituaient les ingénieures de la Horde, et les Chamanes, les magiciennes. Une Ouvrière pouvait tout à fait devenir une Guerrière, et inversement. Les groupes n’étaient pas figés entre eux, mais cette structuration permettait de s’y repérer plus facilement. Le Conseil comprenait ainsi des représentants de ces quatre groupes.
Dans l’ensemble, la Horde était un endroit où il faisait bon vivre. Comme pour compenser les aléas et les dangers de la route, les liens entre sœurs étaient très renforcés, et ce dès le plus jeune âge. La vie y était dure, exigeante, mais les Amazones n’étaient pas dénuées d’amour entre elles.
En cette soirée, plusieurs Amazones se reposaient près d’un feu de camp sur le périmètre extérieur de la Horde. Quand Solvejg se rapprocha, plusieurs éclaireuses l’avaient déjà aperçu, mais, en constatant qu’elle n’était pas une menace, rien ne fut fait pour tenter de l’arrêter. On la laissa donc rejoindre le premier campement. Un chaudron était en train de chauffer au centre, avec des légumes et de la viande à l’intérieur, pour un ragoût. Une Amazone était en train de préparer le potage, une autre avait sa fille sur les genoux, et toutes se tournèrent vers Solvejg, surprises.
«
Qui va là ? -
Qui est-ce ?! »
Solvejg se présenta alors, mais, après deux années d’écart, peu d’Amazones la reconnurent… Mais l’une s’approcha quand même d’elle.
«
Relève-toi, ma sœur, la place d’une Amazone n’est jamais à genoux. »
La femme qui venait de parler était une ancienne Princesse ayant rejoint la Horde depuis de nombreuses années, et elle sourit à Solvejg.
«
Tu es toujours aussi grande et puissante que dans mes souvenirs, Solvejg… »
Hélène venait de parler, et la femme vint la prendre dans ses bras, dans une brève accolade.
«
Bon retour au sein de la Horde, Hélène ! Tu es de retour chez toi ! »
L’approbation d’Hélène avait mis fin à la méfiance des autres Amazones, qui la saluèrent alors, en l’invitant à manger.