« ...Ce nouveau cadavre relance encore la piste sur un éventuel tueur en série qui sévirait dans les rues de Seikusu. La police s’est refusée à tout commentaire sur ces meurtres cabalistiques, et la version officielle reste donc celle soutenue par le commissaire de police Takahari-san il y a déjà une semaine, dans laquelle le commissaire avait assuré que la police ne négligeait aucune piste, mais ne retenait pas la piste d’un tueur en série. Pourtant, les éléments dont nous avons en notre possession laissent clairement entendre un mode opératoire similaire à chaque meurtre, impliquant l’utilisation de sang d’animaux répandus sur les scènes de crimes, et des cadavres qui se putréfient à trop grande allure pour que ce soit naturel. Lors d’une intervention télévisée hier sur nos plateaux, un expert criminel a ainsi assuré que la seule explication possible était que les victimes soient vidées de leur sang, ce qui expliquerait, selon lui, cet état de pourrissement rapide du corps...
- Hey, chérie ! ‘Fais pas bon, de boire toute seule dans un bouge pareil !
- ...Parallèlement, la guerre des gangs qui sévit dans la commune de Seikusu a encore gagné un nouveau rang, avec l’incendie, hier, d’un dépôt de stock de poissons dans le port. Cette incendie a eu lieu après une intense série de coups de feu, comme en attestent les différents riverains interrogés par les forces de l’ordre. La police se refuse à croire que ces évènements annoncent une future guerre des clans entre les familles yakuzas qui règnent sur la ville...
- Oh, bordel, salope, tu m’écoutes ?! »
Une main crasseuse se posa sur son poignet, empêchant Rayne de finir son verre de vodka, et elle tourna la tête vers l’homme qui venait de la déranger. Il était ce qu’on appelait familièrement un bōsōzoku, terme désignant les bikers japonais. Le survivant d’une époque révolue morte au début des années 90’s. Mais, dans ce bar miteux, où on écoutait de la musique de rock américaine, et où Deep Purple se mélangeait à Bruce Springsteen dans le jukebox, les jeunes femmes seules avec des cheveux rouges, et des tenues érotico-sanglées en cuir rouge et noir ne faisaient pas long feu. L’homme avait fini par tenter sa chance, et, furieux de voir que Rayne ne lui répondait pas, préférant écouter les informations, il venait de la joindre, avec son haleine alcoolisée.
*Les humains ne tiennent pas l’alcool, c’est bien connu...*
Et celui-là en était un bel exemple. Il voyait une belle nana, bien roulée, qui avait l’air de ressembler à l’une de ces putes vivant dehors. Rayne se contenta de le regarder. L’homme tenait toujours son avant-bras, et elle grommela rapidement :
« Lâche mon bras. »
Le motard ne devait pas avoir l’habitude qu’on lui résiste, car il serra les dents.
« Ça t’écorcherait le cul d’être polie, salope ? J’y peux rien si ton mec te saute pas bien comme il faut... Mais moi, je peux peut-être me dévouer... ‘Faut dire que t’as un sacré équipement, ma jolie, ricana-t-il en louchant délibérément sur ses seins.[/b][/color]
- Rayne ? » crépita soudain une voix dans son oreillette.
Elle soupira. Les hommes lui tournaient autour comme des mouches autour d’un furoncle... Ou quelque chose comme ça. Et elle n’avait toujours pas fini son verre.
« Allez, une petite pipe gratos, et... »
Rayne se déplaça alors rapidement, et son autre main relâcha le verre, puis elle envoya sa paume heurter violemment le visage de l’homme, lui brisant le nez et le repoussant. En gémissant, le motard heurta un tabouret à côté de lui, et s’affala lamentablement sur le sol. Ses amis se relevèrent immédiatement, et Rayne poussa un grognement en se retournant. En voyant son regard, ils n’insistèrent pas, et le motard, en couinant, se releva, titubant pour finir vrs eux.
« Rayne ?
- Oui, Severin ?
- Tu étais occupé ?
- Hum... Rien de bien problématique. »
Elle s’écarta rapidement, et fila dans l’allée des toilettes. Severin n’était pas n’importe qui. À l’époque où Rayne, la Dhampir chasseuse de vampires, travaillait pour la Brimstone, une organisation qui traquait et éliminait les clans vampiriques, Severin était son agent de liaison. Un humain qui, selon Rayne, avait des pouvoirs paranormaux. Il l’avait aidé lors du soulèvement de Kagan, quand son père avait utilisé une arme spéciale, le Linceul, pour recouvrir le ciel d’un énorme nuage rouge sang, destiné à renforcer les pouvoirs des vampires, et à permettre aux vampires d’écraser les humains. Depuis cette période, la Brimstone avait décidé que Rayne et Severin avaient échoué dans leur mission, et étaient persona non grata au sein de l’organisation.
Rayne et Severin enquêtaient à Seikusu sur deux affaires qui, selon la police, ou au moins officiellement, n’avaient aucun lien entre elles : une guerre des gangs, et des meurtres rituels. Les corps étaient retrouvés exsangues, et au sein d’une sorte de curieux glyphe, fait avec du sang d’animal. Autant de messages discrets que seuls des vampires pouvaient comprendre.
« J’ai analysé les échantillons de sang, et tu avais raison... Il s’agit bien de félins. Tu comprends ce que ça veut dire, je suppose ?
- Ce que nous avons soupçonné dès le début... »
Elle soupira, en sentant un frisson d’excitation la traverser. Elle tenait peut-être sa revanche... Et, alors qu’elle y songeait, elle se tut en perçant une curieuse présence. Dissimulée dans le couloir, Rayne vit un individu encapuchonné, et fronça les sourcils.
*Ce sang...*
Les vampires disposaient d’un sixième sens, un sens sanguin, qui permettait de repérer les gens en fonction de leurs groupes sanguins... Et, plus on contrôlait cette affinité, et plus on pouvait dissocier les races en fonction de leur sang. Et ce sang qu’elle sentait, de la part de cet individu encapuchonné, c’était celui d’un vampire... Un vampire guère discret. Rayne se pinça les lèvres, en comprenant rapidement qu’il était en chasse, qu’il était aux abois.
*Un débutant... Ce sont les plus incontrôlables...*
Généralement, un vampire novice avait avec lui un maître pour l’accompagner. Était-ce le cas de celui-là ? Rayne ne sentait rien d’autre. Elle resta dans l’ombre, et attendit que l’homme parte, en suivant les traces de l’un des motards, occupés à jouer aux cartes. Rayne se faufila à son tour, et, comme elle l’avait soupçonné, le jeune vampire se rua vers elle, et planta ses crocs dans son cou. Elle intervint alors, en sautant depuis le petit toit où elle se trouvait, débarquant sur le sol, ses talons aiguilles métalliques claquant sur le sol.
Le vampire, surpris, relâcha l’homme, qui tomba sur le sol.
« PUTAIN, MAIS VOUS ÊTES QUI ?! AU SECOURS, POLICE !! »
L’homme ne demanda pas son reste, et décampa à toute allure. Rayne resta seule avec le vampire, et s’avança lentement, avant de déployer ses deux lames dhampir. Elles étaient habituellement rétractées le long de ses bras, et se déployèrent, formant comme des extensions de ses propres membres.
« Petit vampire, tu es bien maladroit... Où est ton maître ? Qui t’a transformé en vampire ? »
Elle ignorait pour l’heure si elle devait le tuer ou non... Tout dépendrait de la manière dont il allait réagir, même si elle n’attendait pas grand-chose d’un vampire affamé. À peu de choses près, un vampire en manque de sang était comme un junkie en manque de drogue : incontrôlable, instable... Et dangereux.