L'USS BANNONSWORTH est un vaisseau spatial vieillissant à la mission perpétuelle : explorer certaines des zones les moins connues de l'espace afin d'y établir de nouveaux avant-postes coloniaux le plus souvent destinés à la cartographie spatiale ou à la recherche de nouveaux gisements de minerais. Comme de nombreux bâtiments de classe Farlander, le Bannonsworth a été pensé pour des périodes de navigation extrêment étendues et est donc équipé en conséquence; il serait virtuellement possible d'y passer une existence toute entière, des premiers cris de la naissance au dernier soupir.
Aussi grand qu'une petite ville, le Bannonsworth compte principalement en son sein des systèmes d'exploitation, divers hangars et laboratoires, quinze quartiers dédiés à la vie de l'équipage répartis sur cinq niveaux, sept serres hydroponiques destinés à la culture de céréales, de fruits et de légumes, neuf bétaillères, et une multitudes d'endroits, des nombreuses salles de machineries au pont de commandement.
On y dénombre un total exact de 1500 âmes, qui ne "vivent" toutefois pas en simultané. En effet, le personnel actif se compose de 500 personnes très précisément, qui veillent sur 1000 colons suspendus en caissons cryogéniques en plus de vaquer à leurs tâches dédiées. Tous les deux ans s'effectue une rotation des équipes actives, les éveillés réveillant leurs successeurs avant d'eux-même rejoindre le sommeil artificiel glacé.
L'équipe actuellement en poste avait amorcé depuis un mois la transition cryogénique quand quelque chose se produisit....
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SECTION MÉDICALE DU DEUXIÈME PONT, SECTEUR CRYOGENIQUE 3
- 1H30 auparavant.- Qu'on me coupe cette putain d'alarme ! Johnny, une dose de 45 cc de Dianoparol pour celui là ! Agathe ! Je veux un bilan cérébral des colons sur les tables 2 à 7 !
Le docteur Heinsen avait beau être un ancien du service des urgences new yorkaises, habitué à gérer des situations impérieuses et stressantes, on le sentait un peu dépassé. Pourtant toujours aussi efficace, il courait d'un patient à l'autre en aboyant les ordres les plus justes après s'être livré à une analyse concise et rapide des situations que rencontraient ses infirmiers. Pestant contre la sirène d'alerte au son strident qui hurlait depuis un bon quart d'heure déjà, il ne l'entendit même pas quand elle s'arrêta enfin. Tout avait commencé d'un seul coup il y avait une demie-heure, quand une explosion avait endommagé une section des niveaux adjacents au secteur cryogénique 3. Apparemment sans conséquence directe pour les colons en sommeil dans leurs tubes, le service médical avait vite déchanté quand les techniciens avaient déclenché l'alerte : leur équipe envoyée pour constater les dégâts avaient découvert que c'étaient les cuves du MC-665 qui avaient été touché. Le liquide, indispensable au maintien en vie des cryogénisés sur le long terme, était instable et son mélange avait été souillé par la chaleur de l'explosion. C'était un véritable poison qui courait dans les veines des colons inconscients à présent... 50 personnes qu'il fallait réanimer d'urgence pour les purger du liquide nourricier afin que celui-çi ne cause pas des dégâts irréversibles à leur organisme.
De là, le service d'Heinsen avait été mis sur la brèche. Réveiller si précipitemment autant de cryogénisés n'était pas sans risque pour eux, sans compter que personne ne pouvait estimer précisément les dégâts déjà engendré par le MC-665 perverti qui était pompé dans leur organes vitaux. Et, malheureusement, Heinsen avait déjà perdu une bonne dizaine de ses patients qui gisaient sur les tables médicales. En bon médecin, il s'affairait à présent à sauver tous les autres à grands coups de seringues à drainage et autres cocktails médicamenteux.
- D-docteur Heinsein ? D-d-docteur Heinsen ? Docteur Heinsen !
Au troisième appel d'Agathe, le patricien daigna enfin se retourner après avoir constaté un nouveau décès. Les cryogénisés ne se réveillaient pas et mourraient de plus en plus vite... Agacé, il manqua d'hurler sur la pauvre infirmière, déjà pâle comme un linge.
- Quoi, Agathe ?
- Celui là... il a bougé !
- Et tant mieux ! Bon sang, c'est exactement ce que l'on veut qu'il fasse !
- O-oui, mais... je suis formelle, son coeur ne bat plus....
Comme pour étayer ses dires, la jeune femme désigna le moniteur sur lequel l'homme dont elle parlait était encore branché. Toutes les lignes indiquaient une mort effective, bien qu'Heinsen vérifia la bonne pose des électrodes sur le cadavre. Qui bougeait, comme il le constata alors que le corps allongé eut un soubresaut violent et inattendu, qu'on ne pouvait assimiler à une simple réaction nerveuse post-mortem. Heisen ne se démonta pas et invectiva plusieurs infirmiers afin qu'ils épaulent Agathe, qui avait probablement été "lâchée" par le matériel -ce qui pouvait tout à fait arriver, au demeurant.
Tout dérapa vraiment lorsque le cadavre se releva d'un bond pour mordre violemment au cou la petite infirmière qui s'était penchée pour constater sa respiration. Poussant un cri suraïgu alors qu'une gerbe de sang éclaboussait son confrère le plus proche, elle fut sans défense quand le colon à la gueule ensanglantée se jeta sur elle pour lui déchirer le reste de la gorge de ses dents. Heinsen eut à peine le temps de donner l'alerte qu'une femme revenue d'entre les morts lui attrapa le bras pour en arracher un profond lambeau de chair sanguinolente tandis que les autres infirmiers subissaient un sort similaire, pour ceux qui n'arrivaient pas à fuir la section médicale.
Comme une traînée de poudre, l'horreur embrasa alors les premiers niveaux du Bannonsworth.
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QUARTIERS DE L’ÉQUIPAGE, NIVEAU 10, APPARTEMENT 452
- Actuellement.Un dernier grognement accompagnant l'ultime coup de rein, et
Kenneth gicla. Se retenant de gémir pour préférer expirer un son qui ressemblait à un soupir lourd, le massif ouvrier se laissa aller au plaisir expulsé en giclées chaudes et épaisses avant de revenir à la réalité de la scène qui se jouait sous ses mains. Le corps de sa femme lui était présenté de dos alors qu'elle s'était offerte à lui quand il l'avait prise en levrette. Kenneth détailla le volume de ses fesses tendres et la ligne de ses hanches, lui caressant tendrement le creux des reins avant de s'extraire d'elle en abandonnant la chaleur de son con un peu à regret. Galant malgré sa silhouette de brute, le technicien des sections moteur aida sa compagne à se redresser et lui vola un baiser avant de quitter leur lit pour rejoindre le petit coin cuisine de leur appartement, préparant deux grands verres de jus de fruits.
Il en tendit un à sa belle dans un sourire.
- Tu crois qu'on a assez fait l'amour ? Deux ans d'abstinence qui commencent dans deux semaines, c'est long. Si encore on partageait le même caisson... Kenneth et sa femme devaient se livrer au sommeil cryogénique dans les jours qui arrivaient, après avoir effectué la veille de l'équipe à laquelle ils appartenaient. Bien sûr, on ne voyait pas le temps passer, en suspension artificielle... Mais les amoureux, bien qu'habitués, avaient toujours la crainte de trouver le sommeil trop long sans le partager ensemble. Les King -du nom de famille de Kenneth, qu'avait prit sa compagne quand il lui avait passé la bague au doigt- se connaissaient depuis presque dix ans et s'aimaient tout aussi fort qu'au début de leur histoire. Bien sûr, il y avait des hauts et des bas, souvent alimentés par un Ken qui avait un lourd passif de coureur de jupons, mais ils formaient un bon duo très complice. La perspective de perdre deux ans de vie commune les agaçaient de plus en plus, à tel point qu'ils envisageaient de s'installer dans un avant-poste comme colons. Après ce dernier voyage bien sûr, puisqu'il leur faudrait gagner un peu d'argent pour être à l'abri du besoin. En attendant, les amants passaient le plus de temps possible ensemble pour être sûrs de profiter avant la séparation.
- C'est bientôt l'heure de mon service, trésor. Je vais aller me doucher et... L'alarme qui se mit à retentir lui fit couper court à l'exposition de son programme. D'un bond, Kenneth se dirigea vers l'ordinateur branché sur le réseau du Bannonsworth et l'alluma afin de prendre connaissance des dernières infos.
<<...blème d'origine inconnue secoue actuellement les niveaux 45 à 58. On évoque une probable mutinerie. Tous les membres d'équipage sont priés de rejoindre les panic rooms les plus proches. Ceci n'est pas un exercice, je répète....>>
Échangeant un regard inquiet avec sa femme, Kenneth attrapa ses vêtements qu'il avait jeté sur la table de la cuisine au début de leurs ébats et les enfila en quatrième vitesse. Un marcel gris et sali de graisse noire, un bleu de travail dans le même état dont il noua les manches à la taille. Il récupéra ses godillots renforcés tout en lançant à sa compagne une culotte qui lui était tombée sous la main.
- On doit se dépêcher ! Le niveau 58, c'est à peine à deux niveaux d'ici ! Allez, presse toi ! Ah, putain d'alarme ! Elle résonnait violemment à présent, signe que le danger était proche. Une mutinerie ? Kenneth n'y croyait qu'à moitié. Les mouvements de ce genre étaient rares dans l'espace, surtout sur un bâtiment colonial comme le Bannonsworth. Il n'y avait franchement pas de quoi partir dans une émeute sanglante : tout le monde s'était engagé volontairement et en connaissance de cause après tout, et les conditions de travail étaient honnêtes sans être incroyablement confortables. Alors quoi ? L'instinct de Kenneth lui criait que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, mais mieux valait ne pas se prendre la tête avec ça pour le moment. Le plus important pour lui était de mettre sa compagne en sûreté coûte que coûte dans une des panic rooms, ces pièces de survie blindées et équipées pour plusieurs semaines à affronter de sérieux soucis à l'extérieur.
Tout de même... Une alarme sur plus de dix niveaux ? C'était vraiment quelque chose de sérieux, de gros et d'assurément dangereux. Restait à savoir quoi, même si les bruits de cavalcade et les hurlements affolés qu'on entendait dans le couloir à l'extérieur de leur appartement ne présageait rien de bon.