Une voleuse ? Non, j'en veux deux ! [PV]

Ashnard. Voilà un endroit où elle n’était que peu allée. Si elle connaissait plutôt bien les places et ruelles encombrées de la ville-Etat de Nexus, y voletant sans trop de problème, aidée de son sens de l’orientation hors du commun, ce n’était pas du tout le cas pour Ashnard.  Et au départ, elle ne voulait pas y aller. Trop dangereux, trop de violence gratuite, si l’on se faisait remarqué, on avait de bonnes chances de finir au trou.

Mais là, elle n’avait eu guère le choix. Une téléportation foireuse de plus, encore une. Elle n’avait pas reconnu le paysage. Des rues agitées aux habitants démonstratifs de Nexus, il y avait maintenant une certaine morosité et un ordre bien moins intéressant pour elle. Et cet ordre où se martelait la différence entre les forts, et les faibles ne pouvait aussi présent qu’en un endroit : Ashnard. Le bon côté des choses, c’était que si elle ne connaissait pas l’endroit, on ne la connaissait pas non plus. Non pas qu’elle fût particulièrement connue ailleurs, bien sûr, mais plutôt qu’il y aurait de belles choses à voir, où laisser trainer ses doigts…

C’est avec ce genre de belles pensées qu’elle commença à voleter, dans sa plus petite forme loin au-dessus de la rue encombrée, visitant la cité trop rigide, cherchant peut-être quelque chose d’intéressant. Peu intéressée par l’architecture de la ville, ou ses gros bâtiments, trop surveillés, trop risqués pour elle. Elle était petite, mais pas invisible ! Et encore moins courageuse. Le courage, c’était pour ceux qui étaient forts, que ce soit physiquement, ou par un pouvoir spécial. Et elle, elle n’avait ni l’un, ni l’autre. Juste deux avantages : elle pouvait voler, et elle était rapide et habile.

Et c’est au bout de quelques rues qu’elle finit par trouver quelque chose d’intéressant. Une bague qui brillait de mille feux ! Peut-être pas autant, certes, mais à ses yeux, c’était parfait. Pas trop gros, posé sur une table… Si tentant. Elle s’approcha, s’accrochant au bord du toit, tête à l’envers. Un petit coup d’œil à la rue… Parfait. Tous les badauds, gardes et autres personnes continuaient leur chemin sans faire attention à ce qui se passait en hauteur. Il faut dire, rares étaient les personnes qui marchaient la tête en l’air. Un peu dangereux !

Après le dehors, le dedans. Un autre regard rapide lui indiqua que la pièce sur laquelle donnait la fenêtre était une chambre, plutôt confortable, avec personne dedans. La chance lui souriait. Plusieurs endroits où se cacher, que ce soit sous le lit à baldaquin, ou les diverses commodes de bois brut. Une seule porte. Et si elle tendait l’oreille, elle ne semblait rien entendre. Le temps était venu, le vol à sa portée.

Ses mains lâchèrent le rebord du toit, laissant la fée chuter pendant deux secondes avant que la magie ne prenne le relai, tandis que ses ailes s’agitaient sans un bruit. Elle fila dans la pièce, volant directement vers l’anneau qui avait attiré son attention. Pourquoi lui ? Simplement… le hasard. On ne laissait pas trainer des affaires devant elle sans risquer de la voir disparaître.  Mais là…

« BLONK »

Elle se retourna en sursaut, l’anneau entre les mains. La fenêtre s’était fermée. Et une porte s’était ouverte, plus loin. Pas celle de la chambre, fort heureusement… Mais le courant d’air avait été suffisant pour se faire refermer la fenêtre. Et maintenant… Elle était piégée dans le bâtiment. Ayant déjà bien trop volé, elle ne pouvait plus se téléporter. Plus qu’une solution, se cacher. Ni une, ni deux, elle se glissa, l’anneau entre les bras, sous le grand lit.

Voici donc la Capitale de l’Empire d’Ashnard… c’était bien deux fois plus grand que Port Harbor, cité qu’elle aimait mais qui ne lui convenait pas, du moins qui ne lui convenait plus. J’y étais bien trop connu là-bas, j’avais profité du voyage d’Améthyste pour la suivre à la capitale. Maintenant que j’y étais, j’avais besoin d’un peu d’argent, voler un bijou ou deux pouvait me rapporter un bon petit paquet, car la vie dans la cité était beaucoup plus onéreuse que je ne l’avais de prime abord estimée. Bien qu’ayant déjà volée deux ou trois bourses bien remplie, ce n’était pas suffisant. J’avais déjà pris contact avec la plus grande des Guildes de Voleur locales, car qui dit grande ville dit au moins une Guilde de Voleur, voire deux ou trois. Autant m’y prendre officiellement et savoir à qui graisser la patte pour éviter de me faire prendre.

Repérer les idiots ou les inconscients étaient une de mes spécialités, de plus grâce à mon anneau d’invisibilité, je pouvais disparaitre sans qu’on puisse me voir. C’était aussi bien dans une ville aussi grande, la Dame Pourpre Masquée allait frapper à Ashnard ! C’était grisant, et c’était cela qui me plaisait, l’adrénaline qui me parcourait les veines quand je volais une bourse ou bien que je faisais un cambriolage était si excitant. Surtout quand il y avait des risques de se faire prendre.

Repérant une bague avec quelques belles pierres semi-précieuse, elle était posée sur table et il n’y avait personne en vue, en plus la fenêtre était ouverte… c’était bien tentant ! M’approchant sans faire de bruit, regardant la fenêtre, vérifiant que ce n’était pas un piège car c’était vraiment trop beau comme coïncidence. Non, pas de pièges, chouette. J’enjambais le bord de la fenêtre. J’avais encore deux minutes d’invisibilité avant de réapparaitre. Une fois à l’intérieur, je restais une quinzaine de secondes pour écouter quand je vis une fée filer vers l’anneau et le prendre au moment même où une porte s’ouvrait un peu plus loin et que la fenêtre se refermait dans un bruit suffisamment fort pour attirer l’attention.

Je vis la fée se glisser sous le grand lit, je fis de même très discrètement et en faisant attention de ne pas l’écraser. Mon invisibilité n’allait plus tarder à disparaître et j’allais bientôt réapparaître.

_ « Chut, petite fée voleuse… je suis à côté de toi, même si tu ne peux pas encore me voir. N’ai pas peur, je ne te trahirais pas si tu ne me trahis pas. »

Trois minutes, ça peut être long mais aussi très cours, j’apparu juste à côté de la fée. Des pas venaient vers la chambre

_ « Si tu veux pas te faire prendre, je te conseille de te cacher entre mes seins… avant que je ne disparaisse à nouveau… »

J’attendis qu’elle obéisse avant de relancer le mot de commande de mon anneau magique et que nous disparaissions.

A l'abri... Enfin, elle était légèrement bloquée ici le temps que tout se calme. Mais c'était pas vraiment comme si on arrivait à trouver les fées facilement. Et si on la cherchait, elle n'aurait qu'à voleter plus porche du lit, et se cacher entre les lattes.

Une voix, juste à côté d'elle la fit sursauter, et même presque lâcher son précieux bien. Ouvrant grands ses yeux bleus, elle tourna sa tête rapidement à gauche, à droite. La voix, juste à l'instant, semblait si proche mais elle ne voyait rien ? C'était pas n... Et pouf. Après la voix, la personne. Une rousse, à une dizaine de centimètres de sa personne. La fée en oublia de voleter un bref instant, et se posa sur le sol, sans comprendre. Ca... Elle ne s'y attendait définitivement pas.

A nouveau des paroles, qui lui remirent la tête plus ou moins en place. Se cacher. C'était une très bonne idée... Eh oui, vu la tenue de cette... Rousse, les cachettes possibles é... Hé ! Mais ce serait SA faute, si la personne regardait en dessous du lit. Une fée, ça se cache. Mais une saleté de rousse qui fait foirer les plans... C'est vachement plus attirant.

Du coup, ni une, ni deux, pas le temps d'y réfléchir, elle hocha la tête vers la disparisseuse-réapparisseuse avant de plonger, son précieux bien entre les bras, entre les deux collines désignées, s'enfouissant sous les vêtements. Elle ne savait pas trop comment fonctionnait la magie de la femme, et supposait qu'il ne suffisait pas de toucher celle-ci pour devenir invisible. Alors s'enfouir dans les vêtements peu couvrant, et ne laisser aucune aile ni rien dépasser était la meilleure solution.

Bien lui en pris, car juste au moment où la voleuse-kidnappeuse-disparue-rousse redevint invisible, la porte s'ouvrit avec fracas. Et non pas une personne, mais deux ! Qui se livraient à une toute autre bataille que celle qui opposait la fée et la rouquine... mais qui les rapprochait tout autant. Sans faire de tableau, l'amourette était bruyante, et déjà, les gémissements et les habits qui tombaient à terre ne laissaient aucun doute sur ce qui allait se passer.

ET BIM. Sur le lit. L'homme, vu les poils de la jambe qu'on pouvait voir, avait sauté sur le lit, et invitait son amante à le rejoindre.

ET BAM. Celle-ci y sauta, faisant grogner sérieusement les lattes du sommier, et écrasant le duo bien trop serré au départ.

La suite ne fut pour le couple qu'une partie de jambe en l'air agitée, somme toute basique, ou l'un l'autre prenait plaisir à faire de grands mouvements sur ce lit de bois.

Extirpant sa tête avec difficulté, plutôt ébouriffée et les ailes repliées, la fée poussa un long soupire, et prenant une longue inspiration pour parler sans faire attention.

"Alller... On s'en va... ?"

Faut dire : c'était ça, ou supporter encore pendant un certain temps les gémissements, les bruits, et le poids du duo qui continuaient leur joute bienheureuse.

Je frissonnais légèrement de plaisir en sentant la petite fée entrer dans mon décolleté, s’enfonçant un peu plus profondément entre mes seins. Bien lui en a pris car au moment où je nous rendais invisible, la porte s'ouvrit dans un grand bruit. Je vis deux personnes entrer qui était déjà fort occuper à s’embrasser et à s’enlacer. Les vêtements tombant rapidement, un homme et une femme. Surement une prostituée et un client. La bague tentante devait être un cadeau de l’un d’entre eux. Bien qu’invisible, un sourire apparut sur mon visage.

Je serrais les dents quand l’homme sauta sur le lit d’une manière brutale. Le lit fit un bruit inquiétant, entre le grincement et le bois qui se brise. Les lattes ne tiendraient pas longtemps à cette allure. Et bien que le lit semblait neuf, celui-ci devrait être changé dans très peu de temps, si tous les clients faisaient pareils. Et vlan, voici que la pute faisait de même. A nouveau des grincements et autre bris. Je vis quelques échardes tomber des lattes. Je sentis que la fée sortait la tête de mon décolleté.

_ « Alller... On s'en va... ?
_ Oui, ils vont être surpris par la fumée, mais au moins nous seront très loin. »

Je relevais ma cape et murmurais le mot de commande. Dans un nuage de fumée grise nous nous retrouvâmes deux pâtés de maison plus loin dans une ruelle, toujours invisibles et allongées. Je me relevais et vérifiais que nous étions seules. Tandis que nous réapparitions, j’ouvris mon décolleter pour retirer doucement la fée qui s’y trouvait.

_ « Bon, tu as été plus rapide que moi pour la bague, je te la laisse à moins que tu ne sois pas affiliée à la Guilde des Voleurs d’Ashnard. »

Je la regardais, c’était une jolie petite fée blonde, comme dans les légendes. C’était la première fois que je voyais une véritable fée. A Port Harbor, ce n’était qu’une légende. Et là j’en voyais une de mes propres yeux. C’était comme si je voyais un dragon ! En moins dangereux et beaucoup plus beau ! Non loin, on hurlait au vol.

_ « Je m’appelle Sheila… partons d’ici, je n’aimerais pas qu’on nous découvre ici… »

Rapidement, je m’éloignais de la ruelle, tenant toujours la fée dans ma main.