Que Zachiam s’agenouille face à elle gêna un peu Charis. Mais, consciente du regard des siens sur elle et sur le nécromancien, elle eut la sagesse de n’en rien montrer. C’était une marque de respect, elle le voyait bien. Un fin sourire s’installa d’ailleurs sur les lèvres. Un sourire charmant, plein de gratitude. Les guerriers l’encensèrent encore un peu avant de reprendre leur sérieux. La déesse fit alors signe à Zachiam de se relever, presser sa main avec chaleur.
« Votre dévouement vous honore, Zachiam, et me donne confiance en l’avenir. »
Elle se tourna de nouveau vers les guerriers, une détermination nouvelle au fond de ses iris d’argent.
« Nous allons vaincre ce Baram, mes amis. Je vais aller, de ce pas, prévenir les autres clans. Il est vital que nous nous unissions. Restés ainsi éparpillés ne fera que nous diviser, nous affaiblir. Je reviendrais, avec des renforts. Je vous en fait le serment. »
Son poing se serra et se leva haut vers le ciel, en même temps que les clameurs de ses sujets. Avec un sourire, la rousse prit le bras de Zachiam.
« Tenez-vous prêt, nous y allons. »
Elle ferma les yeux et, un instant plus tard, leurs cellules s’éparpillèrent dans le temps et l’espace, guidées par la volonté farouche de Charis. Ils ne mirent que quelques secondes à réapparaître à l’endroit visé par la déesse. Ils se trouvaient à présent dans l’enceinte du clan des Loups. Un clan hargneux, qui défendaient férocement leurs territoires et les leurs. Niché au creux d’un bois, le campement était à l’image de ces fiers guerriers. Sauvage. Pratique. Indétectable. On pouvait apercevoir, si on cherchait bien, la tanière de ces loups. Dans un buisson, près d’un arbre, sous une grotte. Les habitations étaient disséminées un peu partout, soigneusement dissimulées aux regards non-avertis.
Mais dès que la rousse et son compagnon apparurent au centre de la place principale, cette dernière entendit le son des arcs qu’on bandait, des épées que l’on tirait au clair. Elle était consciente des dizaines de regards qui se portaient sur elle et sur Zachiam. De l’animosité omniprésente qui saturait l’air de décharges électriques pour quelqu’un qui était sensible aux émotions d’autrui. Elle s’empressa alors de lever les mains, haut, et de laisser transparaître son pouvoir. L’énergie gagnée précédemment illumina ses paumes et se répandit dans le camp permettant aux guerriers de l’identifier comme leur déesse. Ce pouvoir apaisa aussi les tensions qu’ils ressentaient, et ils baissèrent les armes en sortant des fourrés, un à un ; hommes, femmes et enfants.
Charis s’avança alors, au centre du cercle qu’ils créaient autour d’elle et du nécromancien. Baissant les bras, elle les planta plutôt sur ses hanches, incarnations de la vigueur et de la fibre guerrière des clans.
« Mes amis. Il me faut vous parler d’une menace. Sans doute avez-vous déjà eu vent des rumeurs qui courent. Un guerrier, qui se fait appeler Baram, cherche à fédérer les nôtres autour de lui. Mais ce n’est pas l’unique souci. Certes, il disperse nos amis, nos frères et nos sœurs. Ce qu’il y a de plus grave, c’est qu’il ne laisse qu’un funeste choix aux clans qu’il visite. Le rejoindre, ou mourir. »
Elle fit une pause, évaluant l’attention des siens en les parcourant tous du regard.
« Ce qu’il veut vous faire croire, c’est qu’il est plus puissant que moi, que Crom, que tous nos dieux. Supercherie ? Bien sûr. Mais il espère qu’en affaiblissant votre foi en moi, en vos dieux, vous allez nous affaiblir. Et c’est vrai. Les dieux sont peut-être tout-puissants, mais ils dépendent de vos croyances, de votre foi et de votre dévotion. Je ne pourrais pas vous protéger si vous ne croyez plus en moi. Si vous n’espérez plus rien de notre culture, de nos traditions. »
Elle tourna un peu sur elle-même, jetant un discret regard vers son compagnon.
« Mais nous ne sommes pas seuls dans cette lutte. Zachiam, ici présent, nous aide. Ses compagnons aussi œuvrent à la chute de Baram. Non seulement parce que ce guerrier représente le mal, mais parce qu’il sert une puissance redoutable. Terrifiante. Lâcher prise voudrait dire condamner Terra. Et je peux vous assurer que vous ne souhaitez pas le sort qu’il réserve aux plus faibles et aux indisciplinés. Vous ne le souhaiteriez même pas à votre pire ennemi. Baram retire toute dignité aux guerriers. Tout honneur, et toute décence. Mais je vous laisse juger par vous-même, au travers des vestiges qu’il a laissé derrière lui, au travers des visions de ce qui s’est produit que mon ami Zachiam va à présent vous montrer. »
Pour l’instant, les guerriers étaient restés silencieux. Tel des loups, ils évaluaient la menace. Charis s’écarta alors d’un pas pour que le nécromancien puisse partager la vision d’horreur qu’avait laissé Baram derrière lui. Elle croisa les bras, digne et fière, encourageant son compagnon d’un regard empli de foi et de courage. Elle croyait en son peuple. Mais elle croyait également en lui, cet étranger qu’elle n’avait rencontré que peu avant. Elle avait sondé son âme, sans même le vouloir, et elle avait trouvé plus que la volonté de simplement anéantir Baram et ceux qui étaient derrière lui. Malgré son esprit et sa magie résolument solitaire, elle avait lu entre les lignes, et le savait digne de sa confiance, de son amitié.