Cordélia s'était vite retrouvée entre les mains d'un acheteur sur le marché aux esclaves. Un type très riche, soit-disant bien sous tout rapport, bien élevé, travailleur. Tout aurait pu se passer à merveille, c'était ce qu'elle s'était dit lorsqu'il l'avait emmenée dans sa jolie demeure. Elle avait pensé qu'on lui apprendrait à tenir une maison humaine, elle aurait ainsi été plus ou moins tranquille. Au lieu de cela, les autres serviteurs l'avaient regardée avec un air mauvais et lui en avait fait voir de toutes les couleurs, l'accusant parfois même de vol. Ainsi, presque chaque jour, son maître la privait de repas, l'enfermait dans une cellule avec pour seul lit un tapis de paille et, une fois même, il l'avait frappée durement. Cordélia en gardait un très mauvais souvenir. Il y avait un immense tableau dans l'un des salon. Celui-ci représentait un peu son environnement. Elle pouvait passer des heures entières la nuit, sans que personne ne la voie, à observer l’œuvre d'un air mélancolique. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à son peuple... et l'océan lui manquait. Elle n'était pas à l'aise sur terre, en tous cas pas pendant une période si longue. Elle savait qu'une sirène trop longtemps privée de son état naturel pouvait dépérir... et même mourir. Alors elle décida tout simplement de s'échapper.
Elle attendit que la nuit tombe et trompa la vigilance des hommes de mains de son maître pour se faufiler par une fenêtre du rez-de-chaussée et filer en douce. Enveloppée dans une longue cape et une petite tunique, elle avait longtemps marché, puis avait croisé un convoi marchant qui accepta de la transporter pendant quelques heures. Elle ne réussit à atteindre l'océan que le lendemain après-midi. Voilà comment elle parvint enfin à rejoindre son élément, longeant dans l'eau salée de la mer avec bonheur.
Mais le destin avait décidé de lui jouer de nouveau un tour. Alors qu'elle était en train de nager parmi un banc de dauphins très joueurs, elle vit apparaître devant elle une étrange sphère bleutée. Elle n'eut pas le temps de freiner son élan et le traversa d'un coup... se retrouvant dans un environnement très différent du sien. Elle était toujours dans l'eau, dans un élément marin, mais elle savait pertinemment qu'il était fort différent du sien.
Un peu perdue, Cordélia chercha à retrouver son chemin. Ses sens, très développés, et ses connaissances de l'océan lui aurait d'ordinnaire permis de retrouver sa route facilement. Mais là... rien n'était pareil. Comme si elle avait... changé de monde.
Désorientée, elle erra longtemps. Quand soudain, quelque chose se referma sur elle. La jolie sirène paniqua immédiatement, se débattant en tous sens. Mais en faisant cela, elle refermait inconsciemment l'emprise du filet sur elle. Oui, elle venait de tomber dans des filets de pêches. Il ne fallut pas longtemps aux hommes pour remonter leur prise sur leur bateau. Leur surprise fut immense lorsqu'il découvrirent qu'ils venaient de pêcher une sirène ! Et aussitôt la surprise passée, ils virent là une aubaine pour devenir riche. Il rentrèrent aussitôt vers le port où ils s'encrèrent dans un coin tranquille et à priori hors de vue de tous. Ainsi, ils firent descendre Cordélia toujours emmêlée dans les filets. Elle n'avait pas osé faire apparaître ses jambes face à ces humains, elle avait trop peur des conséquences.
Elle les entendit parler, préméditant des actes répugnants qui l’effrayèrent plus encore. C'est alors qu'une autre voix retentit, leur ordonnant de ne pas la toucher. Le cœur battant, Cordélia posa son regard sur le jeune homme. Il n'avait pas le physique pour se dresser face à ces lourds pêcheurs à priori, mais elle apprécia son envie de la secourir. Elle aurait pu tenter de s'en sortir seule, mais l'un des type la menaçait avec une arme, et elle était déjà trop épuisée de sa lutte. L'un des type garda le filet où elle était prisonnière, et deux autres s'avancèrent vers le jeune homme avec un air mauvais.
- Te mêles pas de ça, gamin ! Tires-toi ! C'est notre droit de garder le fruit de notre pêche et de décider comment qu'on va la cuisiner, pas vrai les gars ?
Tous ricanèrent grassement tandis que Cordélia regardait, terrifiée, le jeune homme. Il n'allait quand même pas risquer sa peau pour elle ? Si ? Cela lui rappelait tant de souvenirs d'un seul coup...