>> [Nouvelle-Orléans - Louisiane - USA] <<
C'était censé être un jour de fête. Un mariage. Ce n'était pas sa famille, à proprement parlé, mais Christy avait été invitée, car adoptée par Lionel Torres. Or, c'était sa soeur qui se mariait. La tante de Christy, par adoption.
Comme à son habitude, elle y était allée avec provocation. Sans cavalier, déjà, ce qui était plutôt mal vue. La mariée avait peur qu'elle ne saute sur son époux. Mais ce n'était pas le genre de la jeune femme. Sa tante la connaissait bien mal. Et ensuite, elle y était allée habillée de façon osée. Sexy, élégante, mais plutôt aguicheuse.
Sa robe lui allait comme un gant. Noire, avec des strass et des paillettes. Le haut, un bustier de satin lacé dans le dos, moulait sa taille fine et mettait en valeur sa poitrine. Les baleines d'acier du bustier ceignaient ses côtes, et le bas du bustier, couvert de paillettes roses, venaient frotter son aine. Accroché au bustier, une jupe noire, moulante, couvrait ses fesses. En satin également. Elle masquait un string noir assorti, et des portes-jarretelles rose. Par-dessus cette jupe, ou plutôt, ce dessous de jupe, il y avait des voiles de tulle, formant une sorte de demie sphère au-dessus de ses jambes.
La jupe s'arrêtait à mi-cuisse. Pour le reste de ses jambes, elle était nue. Pas de collant, rien. Parfaitement épilée, légèrement hâlée, ses longues jambes étaient terminées par des pieds chaussés de
stilettos roses pailletés, en accord avec sa robe. Les talons aiguilles frappant les dalles de pierre résonnaient dans l'Eglise, tandis que Christy gagnait sa place. Troisième rang devant le prêtre.
Elle ignorait les regards méprisants et offensés des vieilles bigotes, les coups d’œils lascifs des jeunots qui n'avaient pas encore dix-huit ans, mais presque, et qui en étaient encore à regarder des magazines porno pour se faire plaisir.
La cérémonie n'avait pas encore débutée. Devant le prêtre, il y avait le marié. Tout à coup, la musique solennelle démarra, et la mariée ne tarda pas à apparaître, guidée par le grand-père adoptif de Christy. Les mains croisées sur ses genoux dénudés, la jeune femme observa l'avancée de la mariée avec un léger dédain. Elle ne comprenait pas pourquoi les gens se sentaient obligés de faire tout un tas de simagrées juste pour une union. Dans son esprit, il n'y avait pas besoin de grandes cérémonies fastidieuses, ennuyantes et coûteuses. Une bonne partie de jambes en l'air, et des câlins après, et c'était bon, pour elle. Parfois, des "je t'aime" échangés pouvaient aussi faire l'affaire. Mais nul besoin de montrer à tout le monde combien on est heureux, combien on souhaite vivre notre vie entière ensemble, pour ensuite montrer combien on est malheureux et faire grand bruit en divorçant.
Chassant ces pensées de sa tête, elle suivit malgré tout la cérémonie d'un oeil ennuyé. C'était long. Et barbant. Mais finalement, ça prit fin, et tout le monde quitta l'église. Les mariés en dernier, sous une pluie de riz lancés par les invités. Et les invités prirent leur voiture, les mariés leur carrosse, et tous allèrent se retrouver dans une des vieilles maisons restaurées du Vieux Quartier Français. Le jardin était apprêté pour recevoir les deux cents personnes invitées, et la fête continua. L'après-midi allait lui paraître long. Elle se dirigea vers le buffet, ignorant les regards outrés qui glissaient sur elle. Fière et sûre d'elle, elle grignota quelques petits fours avec un verre de champagne.
Elle cherchait quelqu'un du regard. Quelqu'un qui ne la prenait pas pour une illuminée. Mais la personne qu'elle voulait voir, son cousin Dave, n'était pas là. Par contre, le regard écarlate de la jeune femme se posa sur quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Un homme, dont elle ne voyait que le dos. Mais quel dos ! Carré, viril, puissant... Elle fronça les sourcils, avant de détourner le regard. Il était sûrement de la famille du marié. Cette famille de péteux, qui avaient de l'argent, et s'en vantaient sans arrêt.
Pourtant, malgré l'agacement qu'elle ressentait envers la famille du marié, son regard revenait sans cesse vers l'homme qu'elle avait aperçu. Intriguée, attirée inexplicablement par cet individu, elle se décolla du buffet, posant son verre vide sur le plateau d'un serveur qui passait auprès des invités, et finit par accoster l'inconnu.
«
Bonjour. Vous faites parti de la famille du marié ? »
Face à lui, elle se rendit compte qu'il était extrêmement attirant. Elle resta un instant, les lèvres entr'ouvertes, à observer les traits volontaires de l'homme. Puis, comme si elle se ressaisissait, elle reprit, détournant le regard des lèvres de l'homme.
«
Je suis Christy Torres, une nièce de la mariée. »
Elle passa une main dans ses cheveux, résistant à l'envie de toucher son interlocuteur, de savoir quel était la texture de sa peau, de sentir si ses muscles étaient aussi durs qu'ils en avaient l'air, et elle sourit, illuminant son regard d'une touche de gaieté.
«
Enchantée, souffla-t-elle. »
Si elle avait pensé le voir à cette réception, cet adonis au corps de rêve, elle se serait peut-être apprêtée différemment. Parce qu'elle détonnait, dans cette réception. Elle n'avait pas le look pour se fondre dans la masse. Tout en elle indiquait qu'elle se fichait des conventions.
Mais finalement, elle se ressaisit. Elle n'avait pas à se couler dans le moule. Elle était telle qu'elle était, et si ça ne plaisait pas aux gens, ils pouvaient aller se faire voir.