<< Car quel rêve peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort,
quand nous sommes débarrassés de l’étreinte de cette vie ? >>
Hamlet.
Un couple. Un homme et une femme. Sensuels. C’est bien là des vampires, rien de plus vrais que cette affirmation. Si leurs dents ne vous le montrent pas assez clairement à votre gout, l’ambiguïté sexuelle des deux protagonistes est assez claire, elle. C’est l’attente d’un couple pour le moins particulier. Parfois, tu te demandes ce qu’est un vampire. Les définitions se mélangent, changent, s’imbriquent et ne sont jamais les mêmes, se mouvant entre les sanglantes et les terribles demoiselles buveuses de sang de Vierge pour la jeunesse éternelle, et les violents seigneurs aux besoins sexuels et sentimentaux au-dessus de tous mortel. On hésite entre un monstre, un solitaire, un dangereux psychopathe, un manipulateur ou une victime. Si tu pouvais lire dans les pensées de ce jeune homme collé à ton corps de femme immortelle, peut-être changerais-tu d’attitude. Peut-être partirais-tu, ne voulant pas revivre toujours le même schéma douloureux de cette soumission particulière qui te plaît tant. Cette soumission qui te fait exécrer ton âme pervertie par le sang bu au fil des ans. Mais tu ne peux pas savoir ce qu’il pense, ce qu’il veut, ses interrogations et ses désirs. Le vaut-il mieux ? Ton destin seul le sait. Tu sens ses lèvres douces sur ta peau froide, et chaque frôlement de sa bouche produit un long frisson sur ton épiderme. Vos statuts s’échangent, quand ta tête se blottit contre son cou et qu’il passe une main dans tes cheveux noirs de jais. Dans ton esprit tu te blottis contre lui comme contre un protecteur, ses mains t’enlaçant comme elles le feraient d’une amante. Il pourrait te protéger, ce bout d’homme devenu dominateur, supérieur par ta faute … ? Ou grâce à toi ?
Il fait mine de t’embrasser, vos lèvres se frôlant, vos lèvres jouant les unes avec les autres à « attrape-moi si tu peux ». Les tiennes veulent se poser sur celles du jeune homme aux cheveux bleus. Elles veulent l’embrasser, sentir leur chair un peu gercée sur celle douce de cet enfant si attrayant, si insolent et délicieusement dominant. Est-ce ton enfant, est-ce ta chaire, est-ce ton sang ? Tu n’espères pas, après tout, même si l’inceste ne serait qu’un péché de plus parmi tant d’autre. Lui, ça n’a pas l’air de le gêner et il continue de te mener en bateau, jouant avec toi. La Marquise de la Nuit. Quel charmeur, cet adolescent au regard rouge comme un vitrail de cathédrale. Il te fait sourire doucement, un sourire un peu amusé et conquis. Est-ce ton enfant ? Vraiment, tu te poses un peu la question. Oui, un peu. Mais pas totalement. Puisqu’il est ton maître. C’est un enfant Roi, dans un sens, chérit en quelques minutes et qui prend l’ascendant sur sa mère comme après des années à gâter un gamin qu’on élève mal. C’est un enfant qui est naît pour te mettre sous son joug, pour être supérieur aux autres, pour les rendre à ce qu’ils appartiennent : la terre, la poussière.
Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark . Dans ton cœur aussi. Tu es pourrie jusqu’à la moelle, tu l’as pourri jusqu’à la moelle en suçant ce sang si sucré, aux couleurs chaudes et suaves. Il est l’enfant de ton péché, il est celui qui doit faire de toi son esclave pour grandir dans le monde des ténèbres. Cliché, mais ordre naturel des choses. Décidément, rien n’est simple pour les vampires dominants/dominés. Tu ne peux pas lui dire ça comme ça, ça serait encore une fois perdre ta supériorité sur le petit. Même si elle n’existe plus réellement, tu veux en garder le souvenir brumeux. Et pourtant, tu veux lui répondre, tu dois lui répondre. Ton devoir, oui.
<< - Franchement, tu n’as pas à me considérer comme ta mère de la Nuit. >> De toute manière, tu penses bien qu’il ne te considère plus comme ça, au vue de ses mouvement, de son emprise sur toi. Il a doucement passé ses mains sur tes hanches, te tenant entre ses mains d’enfant comme un objet de valeur, comme un jouet qu’il ne veut plus lâcher, qui lui appartient et qui n’est plus qu’à lui. De toute façon, tu ne demandes que ça, appartenir à quelqu’un. Tu le sais, hein ? Enfin, si tu ne te rends pas totalement compte, sois-en consciente, petite Marquise. Et voilà que les paroles qui franchissent tes lèvres t’abaissent comme dictées par ton statut vampirique.
<< - Tu n’as pas à me considérer du tout. >> Qui es-tu face à cette chaire fraiche qui bientôt se nourrira de jeune filles en fleurs, qui te délaissera comme un cadeau usé, cherchant mieux ailleurs ? Tu es une Orchidée, mystérieuse, attendrissante, qui se fane quand on a plus besoin d’elle. Tu es l’Orchidée fragile qui a besoin de l’homme qui lui donne l’eau pour la faire vivre en pot, pour la faire grandir, l’homme qui l’utilise dans sa collection pour impressionner ses invités puis qui un jour, s’en lasse. Et de nouveau, d’Orchidée, tu repasseras à Colombe, quand lassé de ce jouet, l’enfant né de tes envies sanguinolentes te laissera faner. Mais avant, tu dois obéir à tes bas instincts, à ton devoir. Lui répondre, lui expliquer, lui montrer, le faire grandir, lui servir pour être mieux jeté. Comme dans le règne animal, après tout.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle il est le seul enfant de l’ombre que tu as créé. S’il avait bu ton sang, tout aurait changé. Mais tu l’as créé à tes dépends. Il n’est pas désiré, ce gamin, t’aurai du avorter. Tu sais ce qu’il t’attend, hein, Petite Fleur ? Et alors, tu te jettes dans la gueule du loup, comme ça, avec envie ? Tu es partie du joug du Comte pour te laisser aller à ça, pour un enfant tout juste sorti du placenta sombre ? Tu pourrais le laisser en plan, partir, ne pas te sacrifier comme le font les mères poulpes qui couvent et protègent leurs bambins avant de dépérir de fatigue. Es-tu si peu fière ? Apparemment. Pourtant tu le sais, un vampire, ça n’a pas de pitié. Ni lui, ni un autre. Pourquoi tu en as ?
Alors qu’il t’écoute, il te colle de nouveau au mur avec un mouvement doux, prenant possession d’une de tes fesses, relevant un peu ta cuisse pour se coller tout à toi, son bassin contre le tien, ses lèvres contre ta gorge, sa langue venant jouer contre ta peau. Il se colle toujours plus à toi, alors que sous les assauts répétés de sa bouche, frissons et gémissements t’échappent. Il veut te rendre folle ! Il va te rendre folle, c’est un fait, jouant avec toi comme ça. Tu lui appartiens, tu peux lui dire, vas-y. Il n’attend que ça. Et toi de même, tu n’attends que d’être entre ses mains comme une poupée de chiffon qui n’a pas à réfléchir. Tu veux peut-être qu’il te protège ? C’est un gamin. C’est à toi de tout lui apprendre, et en contrepartie tu veux sa protection, son corps sur le tien. Alors qu’il fait mine de t’embrasser, gardant entre ses nouvelles dents de suceur de sang ta lèvre inférieure qui tremble un peu de désir, tu lâches un gémissement sonore. Que peux-tu dire de plus que tu veux le rendre héritier de tout ton passé, de tout ce que tu sais sur cette vie nocturne ? Il joue encore un instant avec ta lèvre suçotant, mordillant, puis la délaissant le temps de te laisser parler.
Parler ? A quoi bon lui parler ? Tu n’as plus rien à lui dire, tu t’offres totalement à lui. Tu redeviens Orchidée. Tant pis pour ta liberté, tant pis. Et tandis que son bassin est contre le tien, tandis que son membre frotte contre ton intimité, tes lèvres viennent chercher celle de Shinji, puisqu’enfin tu connais son nom. Ta langue vient chercher sa jumelle masculine. Vos langues se croisent, s’enlacent, partent en un ballet impérieux plus ou moins mené par la tienne. Ta main se perd sur le torse du jeune homme, entre vous-deux et tu romps le baiser au gout un peu âcre de sang, lui laissant la parole. Il ne faut pas être devin, ou extrêmement intelligent pour comprendre qu’en concluant ce jeu du chat et de la souris qui se courent après mais ne s’attrapent jamais, tu t’offres à lui, tu lui donnes de ta salive, de ton regard calme et aimant, tu lui offres tes souvenirs, ton corps, ton esprit, ta liberté de paroles et d’actions. Les frissons de plaisirs s’accumulent, et le mouvement que tu avais attaqué pour vous faire changer d’endroit s’avorte de lui-même. Tu n’as plus envie de bouger, tu n’as plus envie de partir, tu n’as plus envie de lâcher ce corps contre le tien.
Pourquoi aurait-il peur ? Maintenant, c’est fait. Tu es à lui, tu es sa propriété, qu’à lui. Trop tard, Marquise, trop tard ! De nouveau, tu t’es créée tes chaines, tu t’es liée à un nouveau maître. Mais pire, celui-là, tu auras à lui apprendre à encore mieux t’attacher. Le vampirisme, n’est-ce pas une définition du sadomasochisme ? Ou du moins, ta manière d’agir en est une. Parfois, le lecteur doit se rassurer en se disant que tu es folle de toute manière. C’est vrai. Tu es une Ophélia qui distribue Pensées et Romarin. Tu ne t’aperçois pas de ce que tu fais, rassure-les. Tu as encore une chance. Prends-la, pars, enfuis-toi ! Même tes doigts tremblent de désirs inavoués, tes yeux pâles se perdant sur le visage de cet enfant, alors que sa main presse ton fessier, allant jusqu’à s’aventurer un peu plus avant, suivant la raie de tes fesses. Comment doit-il t’appeler … ? Tu ne sais pas.
<< - Comme tu le veux. Mais pas ta mère. Tu ne me dois rien. Tu n’as pas à me considérer comme ta maîtresse, après tout, je t’ai tué, je t’ai fait souffrir. >> Tu ne vas pas dire ça, tout de même ? Non ! Ne t’abaisse pas à ça … Marquise …
<< - C’est plutôt à moi de t’être redevable. Tu aurais pu me haïr, vouloir me tuer. C’est à moi de te demander comment tu veux que je t’appelle. >> C’est une manière pour toi de te faire pardonner, c’est ça ? Décevante Marquise, décevante. Tu n’as plus osé partir, tu n’as plus osé bouger. Tu vas faire comme il l’entend, lui. Tu te fais pardonner … Et sans même que tu puisses contrôler ce mouvement, tes lèvres de nouveau, cherchent les siennes, leur douceur, leur gout, leur fraicheur adolescente, tu l’embrasses comme un besoin. Des deux, qui a le plus envie ? En tout cas tu es celle qui le cache le plus. Des deux, qui est le plus enfant, qui a le plus besoin de l’autre ? Il doit penser que c’est lui.
Mais s’il n’est pas bête, il va comprendre que c’est toi. Toi, qui te retrouves d’un coup redevable, toi qui as besoin de sa protection, toi qui lui es inférieure, toi qui cherches à te racheter en l’aidant. Décevante Marquise … Ta main sur son torse descend doucement. Ses désirs mêlés aux tiens, ni les uns, ni les autres, tu ne peux plus les contrôler. Ta main descendue sur le bas ventre de l’enfant, détachant doucement le bouton du jean’s. Dans une rue, vous allez le faire dans une rue ? Pas un problème pour toi. Avouons-le en grandes lettres : tu as envie de lui. Là, maintenant. Et ta main fais glisser la fermeture éclair, à la recherche du membre de cet adolescent.