Jamais, ô grand jamais, Anéa n’aurait pensé rencontrer quelqu’un comme elle. Croiser un hybride, moitié ange, moitié démon, dans cette vie, elle n’y avait pas songé une seule seconde. Pourtant, l’aura que possédait ce jeune homme ne pouvait la tromper. Elle était singulière, tout en étant familière. Est-ce que la jeune femme renfermait le même type d’aura sous sa carapace de chair et d’os ? Paradis et Enfer se mêlait dans son sang, dans son âme. Si cette révélation avait fortement surpris la belle Anéa, sa réponse spontanée fit hausser d’étonnement les sourcils de ce drôle de type. Première fois qu’il rencontre des personnes de son espèce lui aussi ? Elle ne pouvait le dire.
Par contre, pour ce qui est de la « chasse », il n’avait pas coupé la poire en deux. Il n’avait pas choisi de camp. Anges et démons dans le même panier, lui seul contre tous. C’est ce qui différenciait les deux individus. Ou les faisait se ressembler, dans le fond. Née au Paradis, déchue et condamnée à l’exil de cette terre idyllique, la quête d’Anéa n’était pas d’éliminer les êtres angéliques. Bon, s’il y en avait qui cherchait à la tuer, elle se défendrait, mais pour l’instant, ce n’est jamais arrivé. Depuis toujours, l’archange déchue massacrait de la canaille infernale, et même après sa demi-transformation en l’un d’entre eux, au service d’un seigneur des enfers, elle continuait sa tâche de toujours. C’en était devenu un besoin, au fond, en plus d’être une vengeance. Cependant, de par ce fait, la belle brune était devenue la proie des anges qui voyaient en elle qu’une créature salie par les vices, mais aussi par les démons qui ressentaient encore son aura d’antan. Seule contre tous…
Tout comme lui. Ce jeune homme donnait l’impression d’attirer les emmerdes, un peu comme un aimant. Non pas qu’il avait une tête à ça. Quoique…Ses poursuivants gisaient au sol, inconscients. Il avait attiré l’attention sur lui. Le bruit du coup de feu avait sûrement attiré quelques gardes de la ville. Sauf que dans l’état actuel des choses, c’est sûrement la jeune femme que l’on prendrait comme coupable. Il suffisait de voir le sang s’écoulant de son aile blessée pour se dire qu’elle avait combattu peu de temps avant. Oui, Anéa faisait une parfaite coupable. Mais pour une fois, elle n’avait strictement rien fait, et elle refusait de payer les pots cassés à la place de quelqu’un d’autre. C’est bon les conneries pour aujourd’hui, que ça s’arrête là quoi.
Les présentations faites, et avec ce qui semblait être une simili drague aux yeux de la mi-démone, celle-ci se demandait sérieusement si le jeune homme devant elle était fou ou juste très con. Braquer des armes sur l’archange déchue et lui proposer son aide, avouez qu’il n’y a rien de logique à la chose ! La belle brune pouvait bien parler, elle qui a sympathisé avec un démon, au point de vivre avec lui sous le même toit, sur Terre. C’en n’était pas logique pour autant. Quoique, avec ce que l’éphèbe vient de dire, si en fait. L’aider à se soigner, la laisser guérir et ne l’attraper que lorsqu’un contrat sera sur sa tête, quand elle vaudra son pesant d’or.
À cette pensée, un sourire fin et amusé étira les lèvres pulpeuses de la plumée, avant qu’il ne disparaisse pour laisser échapper un gémissement de douleur. Ah oui, la blessure…Anéa détourna son regard du jeune homme pour le porter sur la plaie ouverte dont le liquide carmin et chaud filait sur ses plumes à l’aspect poudreux. Sur le coup, elle en oublia ce type qui la menaçait. Si la belle brune ne nettoyait pas sa blessure et ne la panser pas, elle aurait du mal à s’en remettre correctement, et devra s’abstenir de voler. La demoiselle ne fit pas attention à cet autre hybride qui s’approcha alors d’elle, les armes s’étant évanouies dans l’air. C’est surprise, les sourcils arqués d’étonnement, qu’elle le fixa de son regard de glace. Comment s’était-elle fait ce trou dans l’aile ? Simple comme bonjour.
- Je suis partie chasser du démon. Il y en avait un qui se cachait parmi un peuple de Terranides. Et ces cons m’ont pris pour un vieux vautour qui voulait leurs carcasses…
Mais trêve de bavardages sur des choses inutiles. Il était temps de bouger ! Les gardes allaient bientôt pointer le bout de leur nez, et ça ne sera plus bon du tout pour tout le monde ! Un bain de sang était une fin tout à fait prévisible et Anéa voulait éviter ça à tout prix. Contournant le jeune homme, elle lui fit signe en direction de la ville, d’un hochement de tête.
- Ce que j’ai besoin, c’est d’un médecin qui arriverait à me soigner tout ça. Seule, j’aurais du mal, c’est vrai. Mais je dois me grouiller pour quitter les lieux. Je ne tiens pas à faire face à des gardes alors que je n’ai strictement rien fait. Tu viens, tu viens pas ? Tu fais comme tu veux, bonhomme. Perso, j’me tire de là.
D’un pas légèrement pressé, repliant ses ailes au plus près possible de son corps, l’archange déchue prit direction la ville, s’engouffrant dans une ruelle quelconque mais sombre, essayant de se faufiler dans des chemins que les gardes ne prendront pas. Ou, tout du moins, espérons-le…