Asmodée les avait sentis dès leur arrivée. Ce n’était pas qu’il ait une capacité à sentir les mortels entrant aux Enfers. Il y avait une personne en particulier qui restait collée dans un coin de ses pensées depuis quelques temps, une âme lubrique qui s’ignorait, qui laissait le désespoir et la nécessité justifier les extrémités auxquelles elle se résolvait pour régler ses problèmes. Tout d’un coup, le signal était passé de
là-bas à
ici, le déplacement soudain et à proximité agissant comme un signal d’alarme.
Les démons n’avaient pas tardé à repérer la bande d’imprudents venue s’aventurer jusqu’au Palais Infernal lui-même. Et un instant plus tard une ébauche de plan toute simple avait vu le jour. Il avait pu compter sur sa Jizzie, toujours ravie de pouvoir rendre service et de collecter un ou deux jouets au passage, pour initier l’affaire. Car le plan était simple : disperser l’équipe, s’en débarrasser en la capturant ou en la liquidant.
Le Prince n’avait qu’une seule exigence : il s’occuperait seule de la Suédoise aux cheveux argentés qui ouvrait la marche.
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Ainsi, tandis que Feyre se retrouvait soudain séparée de ses camarades et coupée du reste du groupe, ces derniers aussi commencèrent à expérimenter des choses étranges. Une fille, puis un gars avaient disparu sans faire le moindre bruit, laissant leurs affaires derrière eux. Le temps de réaliser leur disparition, les chapardeurs obnubilés par la bizarrerie ne sentirent pas les spectres farceurs, âmes corrompues de pickpockets devant quelques services aux succubes, subtiliser le reste de leurs radios.
Quand, enfin, Machiro voulut attraper la sienne pour prévenir Feyre, la supercherie fut dévoilée.
« Q-Mais… C’est quoi ce délire ?! »
Partagé entre une peur soudaine et ses devoirs de chefs, Machiro dut se secouer pour prendre sa décision :
« On laisse personne derrière ! Séparez-vous ! On se retrouve tous ici dans dix minutes et on part ! »*
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Tandis que les voleurs se dispersaient pour récupérer leurs camarades disparus, confiants car toujours armés, Aki et Hayao avaient déjà été perdus pour la cause. Mori et Seiko, les autres disparus, se préparaient à l’être tout autant.
Les deux amoureux secrets s’étaient écartés après que Mori se soit silencieusement tourné pour se diriger à l’écart du groupe. Seiko l’avait suivie en silence au début, pensant qu’il avait vu quelque chose, mais à mesure qu’ils s’éloignaient elle se faisait de plus en plus vocale.
« Putain Mori ! Tu vas où comme ça ?! RÉPONDS !! »Elle finit par avoir sa réponse quand, au détour d’un rocher, une créature se glissa sur leur chemin. C’était une femme aux courbes délicieuses, mais à la peau rouge, aux grandes cornes, aux ailes de chauve-souris et dotée d’une longue queue caudale. Elle révulsa Seiko mais Mori, lui, se jeta presque dans ses bras avant de tomber à genoux pour lui embrasser les cuisses et renifler sa vulve.
La Japonaise était scandalisée mais, avant qu’elle puisse protester, la succube la coupa avec un sourire mauvais.
« Tu n’aimes pas les filles, toi ? Dommage. Mais au moins, mon compagnon m’en voudra moins pour l’interruption. Ces gars du Cercle de la Colère peuvent être si… »Seiko sentit une présence derrière elle. Elle se retourna pour découvrir une bête démoniaque de plus de deux mètres, aux yeux incandescents et aux dents acérées. Elle n’eut pas le temps de crier que la bête fermait ses doigts autour de sa gorge et lui arrachait ses vêtements de l’autre main.
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Seule et sans moyen de communication, Feyre ne savait plus si elle devait poursuivre ou s’arrêter. Elle aurait sûrement tout donné pour une direction dans cet environnement si étrange et étouffant, et face à cette situation si angoissante.
Heureusement pour elle, de l’aide apparut sous la forme d’un homme, un grand bonhomme aux épaules larges, dans la jeune trentaine, qui la héla depuis une porte du palais.
Normalement, elle n’aurait sûrement pas donné sa confiance à un inconnu, surtout dans ces conditions, mais il y avait quelque chose qui flottait dans l’air. Le soufre écœurant avait laissé la place à une douce odeur agréable qui donnait chaud et aidait à supporter l’environnement toxique des Enfers. Elle ignorait que c’était l’aile de la Luxure, dont elle s’était bien approchée, qui débordait des ardeurs aphrodisiaques de son maître et de ses occupants. Pareillement, l’homme qui lui apparut lui sembla curieusement attirant, irrésistible même. Et pour cause : c’était un masque endossé par le Roi de la Luxure lui-même.
« Hey ! Toi ! Par ici ! Vite ! »La Suédoise s’approcha, mais, comme elle était toujours en proie à certains doutes, Asmodée appuya sa cause un peu plus :
« Crois-moi, ça fait un moment que je suis coincé ici et t’es plus en sécurité dedans que dehors ! Allez ! Suis-moi ! »Et il disparut à l’intérieur.