Ville-Etat de Nexus / Re : Bienvenue à Loudpard, école de sorcellerie
« le: dimanche 19 mars 2023, 18:52:41 »Dans le campement, c’était l’effervescence. De là où il se trouvait, Zorro entendait distinctement les cris et les appels aux armes qui résonnaient à travers les tentes, ponctués de hurlements à glacer le sang. Il avait demandé à Yukka d’attirer l’attention le plus possible. Elle l’avait manifestement pris au mot. Il espérait juste qu’elle n’en ferait pas trop ; même s’ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, il appréciait sincèrement la jeune femme et son foutu caractère, et il ne supporterait pas que les brigands lui fassent du mal. Et surtout ne la blessent gravement.
Inquiet, anxieux même, il essayait d’inciter les villageois prisonniers à accélérer le mouvement. Une chaîne s’était formée entre l’immense cage et l’orée de la forêt où les premiers évadés s’étaient réfugiés, accélérant l’organisation, mais la fuite demeurait bien trop lente.
Trop lente, et trop bruyante, risquant d’attirer une attention inutile de la part des esclavagistes. Et la situation empira encore lorsqu’un jeune enfant, apeuré par la tension ambiante, se mit à pleurer bruyamment, entraînant les autres avec lui, malgré l’intervention paniquée des adultes essayant de les calmer.
Les secondes s’égrainaient, interminables, épaisses comme la poix sortant d’un chaudron. Peu à peu la cage - combien de personnes peut donc contenir une foutue cage ! – se vidait. Il ne restait plus qu’une poignée de prisonniers. Plus que cinq. Plus que deux.
- C’est quoi ce bordel !?
Ce que Zorro craignait venait d'arrivait. Un esclavagiste était apparu. Il tourna la tête, la bouche grande ouverte pour donner l’alarme de ce côté-là, les poumons déjà remplis d’air. La lame tourbillonna en vrombissant comme un frelon furieux, accrochant dans sa course létal un éclat sombre venu du ciel, comme une promesse, avant de se teinter brusquement de pourpre. Un gargouillis bref, à peine audible, et le bandit s’effondra, la gorge à jamais emplie du dernier cri qu’il n’avait pas eu le temps de pousser.
- Courez ! Ne vous retournez pas !
Pas le temps de regarder si les derniers fuyards disparaissaient bien dans les fourrés protecteurs. Et tant pis pour l’idée des chevaux ! Le mercenaire filait comme le vent, la lame à la main. Malgré le chaos qui régnait au centre du campement, son ouïe sensible avait perçu un ordre, rapidement suivi d’un cri de douleur. D’une voix qu’il connaissait. Un murmure fila entre ses lèvres, emporté par le vent de sa cavalcade.
- Merde, Yukka … Plus vite !
Soudain, la chance sourit au mercenaire.
Alors qu’il avait abandonné toute idée les concernant, les chevaux apparurent soudain dans son champ de vision. Presque sur sa route. Et manifestement déjà affolés par le combat qui faisait rage à plusieurs mètres de là. Sans hésiter, il dévia sa course. Sa lame siffla dans le vent, tranchant violement les cordes qui constituaient la barricade.
Les bêtes n’eurent même pas besoin d’être encouragées. A peine la barrière était-elle tombée qu’ils partaient au grand galop, comme un torrent enragé, droit vers le cœur des affrontements.
Sautant de côté au dernier moment, le mercenaire esquiva de justesse la cavalcade furieuse, évitant de se faire renverser et piétiner à mort, avant de bondir à nouveau dans la masse. Sa main saisit la crinière volante d’un étalon et il parvint à se hisser sur son dos, profitant de l’inertie du destrier et retombant lourdement avec une grimace. Pas de selle, évidement, ni de rênes. Qu’importe, le troupeau affolé filait dans la bonne direction.
Agrippé à la crinière de sa monture, Zorro atteignit le cœur du campement bien plus rapidement qu’il ne l’aurait pu. Ou même qu’il ne l’aurait voulu.
Le chaos régnait tout autour de lui. Que ce soit à cause de l’arrivée des chevaux ou de la fureur des combats, un incendie s’était déclenché, dévorant rapidement les tentes les plus proches et se propageant au toit de la bâtisse en bois.
Dans la lueur sanglante des flammes, le guerrier aperçu Yukka, brandissant hache et magie, abattant ses ennemis et les gelant sur place, telle une déesse vengeresse de glace et de sang. Elle était terrible et magnifique, une vision propre à fouetter le sang de ses alliés et à pétrifier ses adversaires d’effroi.
Hélas, pour redoutable qu’elle fut, et malgré les corps qui gisaient déjà autour d’elle, malgré l’arrivée impromptue des chevaux hallucinés, les brigands demeuraient nombreux. Bien trop nombreux. Et c’était sans compter sur les archers qui, profitant de leur portée, tiraient volée sur volée, faisant pleuvoir une pluie de flèches sur la combattante nunaat.
Soudain, la monture de Zorro fit une embardée, sauta par-dessus un brasero renversé qui crachait son magma incandescent, et retomba lourdement, une flèche plantée dans la cuisse.
Alors que l’animal flanchait et s’écroulait, le mercenaire se redressa et bondit vers les archers, se réceptionnant en roulade, sans s’arrêter.
Deux moururent alors qu’ils s’apprêtaient à décocher. Un troisième tomba avant d’avoir pu réagir. Un autre se retourna et, apercevant le corps de ses camarades, poussa un cri d’alarme tout en tirant sur l’homme qui lui fonçait dessus. Le projectile mortel siffla furieusement aux oreilles de l’hybride sans le ralentir, et il percuta l’archer. Le choc fut rude. Soulevé de terre, l’homme lâcha son arme, l’air quittant violement ses poumons en un cri étouffé, avant de se retrouver embarqué dans la course du combattant. Un instant plus tard, un choc sourd résonnait dans l’épaule de Zorro, et le poids qu’il transportait s’affaissa soudain, deux flèches plantées dans le dos.
Sans ralentir, l’hybride chargea les deux derniers archers, propulsant de toute ses forces le corps qu’il transportait. Le premier brigand fut renversé sous le coup. Il n’eut jamais l’occasion de se relever. Le second, plus agile, évita le corps et lâcha son arc. Quand le mercenaire vint sur lui, il avait sorti sa lame et donné l’alarme, en dépit du chaos qui régnait. L’acier teinta contre l’acier. Parade. Feinte. Douleur. Le dernier archer tomba.
Zorro dégagea sa lame et se retourna, juste à temps pour bloquer une attaque. Il se dégagea, sa lame crissant affreusement contre celle de son nouvel adversaire. L’alarme avait porté ses fruits, les esclavagistes s’étaient séparés en deux groupes ; un pour Yukka, l’autre pour Zorro.
L’homme leva son épée, accrochant un reflet vif sur le sang qui y coulait, semblable à celui qui scintillait dans ses yeux assombris. Et le chaos s’accentua.
Parade. Coup. Esquive. Coup, encore et encore. Douleur vive, vite oubliée dans le courant du combat. L’odeur du sang, de la fureur, celle des flammes qui à présent embrassaient toute la clairière, transformant l’endroit en véritable enfer. Un goût métallique dans la bouche, une sensation poisseuse sur la peau. Le sel de la sueur, dans les yeux, sur les plaies. Les cris, de rage ou d’agonie. Et soudain un contact contre le dos. Puissant, grand.
- Salut Yukka. Comment va ?
La voix du mercenaire, légèrement moqueuse, presque enjouée, devait sembler surnaturelle dans la violence qui les entourait, un contraste marquant avec l’intense concentration qui se voyait dans son regard émeraude.
Comme un serpent, il se détendit et sa lame vola, trouvant une faille dans le cuir qui protégeait un coupe-jarret, juste au creux de l’aisselle, avant de filer à l’opposée et de dévier le coup de masse qui était destiné à lui défoncer le crâne.
A nouveau, l’épée, prise plusieurs semaines en arrière à un autre malfrat, usée et mal-entretenue par son précédent propriétaire, émit une plainte de mauvais augure, une première fissure apparaissant sur son tranchant. Zorro grimaça. Encore deux coups comme ça, et l’arme volerait en éclat.
Il repoussa son adversaire, une femme massive tout en muscles, d’un puissant coup de pied en plein ventre et jeta un œil sous le bras de Yukka, aux prises avec ses propres adversaires, moins imposants mais plus nombreux dans l’immédiat.
- Yukka ! On échange !
La jambe prête à le propulser, le mercenaire n’attendait plus que la réaction de la nunaat pour échanger leur place et leurs adversaires, la hache et le style de combat de la jeune femme étant probablement plus adaptés pour affronter des colosses comme la pillarde que l’épée ébréchée du mercenaire.