Un petit projet légèrement inspiré de Clannad qui pourrait se prolonger si jamais je trouve comment rebondir sur cette fin... Si vous avez des questions, des avis et/ou des critiques, postez-les ici ou envoyez-les par MP, je suis plus que preneur.
De la création du Personnage.Toute histoire a un commencement, un développement et une fin. C'est ce qu'on nous apprend dès notre plus tendre enfance, cependant c'est un concept que j'aime briser. Imaginons que cette histoire n'ait aucun commencement, ni aucun développement. Juste une fin. Il s'agirait de l'histoire d'un monde qui a pris fin. Si je commence l'histoire ainsi, alors ce monde n'aura jamais commencé, puisqu'il a déjà pris fin au moment ou je le crée. Il n'aura pas commencé, et il n'aura pas été développé non plus. Ce monde a pris fin, et les seuls résistants à cette fin sont ces herbes qui poussent inlassablement. Ajoutons aussi une personne, qui sera là pour guider l'intrigue. Une personne qui devra lancer une réplique afin de commencer une histoire dont seule la fin subsiste. Cette réplique, je peux la voir de manière clichée ou alors faire quelque chose d'original. De toute manière, le monde a pris fin. Quel genre de réplique, au final ? Optons pour une réplique entre les deux.
-Ce monde... n'existe pas. Par conséquent, je n'existe pas.Car il est conscient de sa véritable destinée. Il sait qu'il n'est que données dans une machine, pixels sur un écran, encre sur un papier. C'est un personnage. Pourquoi lui chercher un nom pour le moment ? Il n'existe pas encore. Pour ça, il faudrait déjà que je lui crée un corps. Telle est la relation entre un personnage et un auteur. Le créateur tout-puissant, et sa marionnette. Un Dieu et son messie, en sorte. Le temps passe, mais le personnage ne vieillit pas. Éventuellement un jour, son Dieu mourra et lui subsistera. Alors il deviendra le Dieu, et il mourra le jour ou personne ne connaîtra son existence. Ainsi va la création d'un personnage. Du personnage de base, il peut devenir le Personnage. Une entité autre, immortelle et faite d'imagination.
-Nourrie par les pensées d'un auteur...Car oui, un Personnage peut interagir avec la narration. La narration étant issue de l'auteur, on peut considérer que le Personnage peut interagir avec l'auteur lui-même. Dieux immortels, où un est devenu deux et deux ne feront qu'un. Deux maîtres régnant sur un monde qui a fini avant même de commencer. Doit-on faire revivre un tel monde ? Non. Le Personnage est maître de son environnement, lui aussi. Par conséquent, il pourrait faire revivre ce monde par lui-même si il le voulait. Mais il ne le veut pas, car l'auteur ne le veut pas. Le Personnage n'est que le reflet de la volonté de l'auteur, un simple miroir des envies de son créateur. De deux, ils ne font plus qu'un.
-Il arrive cependant parfois que le Personnage puisse agir de lui-même. Il s'agit ici des dialogues, comme je le fais en ce moment.Seule la première réplique est amenée par son créateur. Le reste du dialogue, c'est le Personnage qui l'amène. Maître de son domaine, il règne seul sur l'étendue mélodieuse des paroles. Seul dans un monde qui s'est fini, il reste maître de lui-même et de son âme. Il est libre de tout, tant que la narration n'arrête pas le flot de parole du Personnage. Cette liberté est telle qu'il arrive parfois même...
-... à couper la narration de l'auteur.C'est ici que l'auteur doit savoir redémarrer, sans flancher ni perdre une seule seconde. Ce que je n'ai pas su faire ici, car ce monde est terminé. Dans ce monde ne reste que les hautes herbes qui s'agitent avec le vent, et ce Personnage. Un Personnage qui va forcément être décrit un jour, bien qu'il ne soit pas censé commencer. Ce monde a pris fin, et il est censé ne pas avoir de commencement. Créer ce Personnage signifie recommencer ce monde, ainsi il doit y avoir un moyen de créer ce Personnage sans recommencer tout ce monde. Car le décrire serait prendre un grand risque : ce serait donner un champ d'action à une entité capable de recréer un monde. Ce texte n'a ni commencement, ni développement. Il n'a qu'une fin. Le Personnage ne doit pas avoir une influence sur ce monde, sans quoi il le créerait.
-... il neige...Tiens, oui, il neige. Sur ce monde où les hautes herbes ploient avec la douce brise, des flocons d'une blancheur rappelant la pureté commencent à tomber d'un ciel sans nuages. Le Personnage lève sa main, pour laisser un minuscule fragment de pureté fondre dans sa main pâle et froide. Le Personnage peut en fait déjà interagir avec ce monde. Il est en fait déjà partie intégrante de ce monde qui a pris fin. Par conséquent, le Personnage a pris fin avec le monde. Le Personnage, cet homme aux traits fins et à la peau si blanche. Ses cheveux noirs, dont deux mèches plus longues que les autres couvrent ses tempes ainsi que la moitié de ses oreilles et descendent jusqu'à son cou, ondulent eux aussi dans le vent. Son regard bleu acier se perd à l'horizon, un horizon où il n'y a rien à part de la neige. Cette personne vêtue d'un long manteau noir, une écharpe sur le menton et le nez un peu rougi par son froid.
-Dis, l'auteur... j'ai froid.Non, tu n'as pas froid, Personnage. Il neige, mais étrangement la température ambiante reste supportable pour n'importe quel frileux. La température est même à un point parfait. C'est normal, ce monde s'est terminé. Il ne peut donc être que parfait. Toute la beauté du monde est concentrée dans cette vision d'un monde qui n'a plus lieu d'exister. Ainsi, l'image du monde correspond à l'image de la perfection. C'est pourquoi le Personnage doit être parfait aussi. Ou bien justement doit être imparfait, car seule cette imperfection fera changer ce monde. Voici où se trouve mon dilemme en tant qu'auteur. Dois-je faire changer ce monde, au risque de le recréer ? Dois-je laisser ce monde tel qu'il est, au risque que ce texte perde tout intérêt ?
Le Personnage éternue. Il semble réellement avoir froid. Cependant, dans ce monde qui s'est terminé, rien ne peut changer. Car la fin est immuable. Le développement d'un texte sert à faire changer les choses, or ce texte n'a qu'une fin. Rien ne changera. Cette neige tombera éternellement, ces herbes bougeront à cause de cette éternelle brise, et le Personnage continuera d'avoir froid. L'horizon ne change pas : le neige continue de tomber d'un ciel sans nuages, tel un plafond illusoire. Il range ses mains dans ses poches et enfouit son nez dans son écharpe en tremblant un peu. Pourquoi s'entêter ainsi ? Ce monde est terminé.
-Il revivra de toute manière, quelle que soit la fin. Sache-le, toi mon créateur. Quoi que tu fasses, ce monde renaîtra de ses cendres. Il a déjà commencé à se relever. Il n'y avait pas de neige dans ce monde qui a pris fin.Sans cette neige, tu n'aurais pas eu froid. Tu n'aurais jamais dû exister. L'existence n'est qu'une petite lumière, incapable d'éclairer quoi que ce soit si il n'y avait aucune autre lumière. Le voilà qui court vers l'horizon, en espérant trouver une limite à ce monde. Le voilà bien vite de retour à son point de départ : les marques de pas dans la neige lui prouvent qu'il a déjà fait le tour de ce monde en courant quelques foulées. C'est un monde qui a pris fin. C'est un monde qui n'existait pas. Par conséquent, c'est un monde qui se limite au Personnage. Il tente désespérément de sortir : il cherche d'autres directions, tente de sauter afin d'y échapper. Rien ne marchera, jamais. Ce monde est condamné à se finir, et sans doute est-il déjà fini.
Il s'agit d'un monde qui a pris fin. Il s'agit d'un Personnage qui prend fin lui aussi. Triste histoire que celle de ce monde, car ce monde n'a pas d'histoire. Pour que ce monde ait une histoire, il aurait fallu qu'il y ait un commencement et un développement. Le Personnage a froid, et il neige. Pourtant sa peau est chaude, et la température est tout à fait plaisante. Tout se meurt dans ce paysage, car rien ne peut bouger dans ce monde. Aussi le Personnage se meurt, car il fait au final partie du paysage.
-Ainsi rêves-tu, toi l'auteur. Je ne mourrai pas comme ça. Je ne laisserai pas ce monde se finir.Ainsi je rêve, mais ainsi tu disparais, lentement. Disparaître, s'envoler, ne plus exister. Tant de mots pour la même chose : il se meurt, lentement, en même temps que ce monde. C'est un monde qui a pris fin, mais ce Personnage tente de le maintenir en vie malgré tout. Il tremble de froid. Il tombe à genoux en grelottant, les yeux écarquillés. Tel est son destin, que je ne peux plus contrôler : il doit mourir en même temps que ce monde. Il tombe sur le flanc. Les tremblements ne s'arrêtent pas, au contraire. Ils s'intensifient, et bientôt le Personnage n'arrive plus à bouger. Son corps est paralysé par son mouvement perpétuel.
La solution pour finir ce monde n'était pas le Personnage. De la création du Personnage est issue ce que je ne voulais pas : ce monde qui s'était enfin terminé avait recommencé à vivre. Le Personnage, en mourant, avait réussi à changer la toile de fond. D'un monde fini enneigé, où le brise agitait les hautes herbes et où un personnage regardait l'horizon, ce monde était devenu un monde enneigé, où la brise agitait les hautes herbes et où un cadavre continuait à trembler, spasmophile. Aussi, je dois laisser ce monde se finir une nouvelle fois et continuer à réfléchir. Comment finir ce monde à jamais ?