13
« le: mardi 28 juin 2022, 22:02:03 »
Les temps sont durs et nécessitent ce que Gwen déteste le plus: aller chercher chez les autres ce dont elle a besoin pour elle. C'est à dire du numéraire, du pognon, du fric, du blé et tout ce qui peut s'y rapporter. Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'elle s'adonne à ses virées nocturnes mais si la vie était égale avec tout le monde, ce serait beaucoup plus simple. Pourtant elle avait tout pour réussir. Elle avait la tête sur les épaules, une analyse rapide et un jugement sûr. Et en plus de cela elle était physiquement très sympa, musclée, physique, tonique, dynamique, bref, une femme moderne mais ... au Japon. Et comme ses origines occidentales prévalaient sur le reste, s'intégrer dans le monde du travail nippon était une tâche presque impossible. Pourtant elle était née japonaise, parlait comme une japonaise et en connaissait tous les aspects de la culture mais ça ne suffisait pas. il lui manquait le teint asiatique, la servilité abrutissante, la taille de naine, le dos vouté et les jambes arquées...
Donc, rien ne lui souriait hormis le facteur qui poliment, remplissait sa boite aux lettres de factures et de rappels d'impayés. Si elle avait été seule, elle pourrait s'en sortir mais son frère handicapé consommait tout ce qu'elle gagnait en faisant des petits boulots par-ci par-là. Bien évidemment, c'était tout naturel et elle ne s'en plaignait pas au contraire, ils s'allumaient fréquemment quand il lui demandait de le laisser tomber pour pouvoir vivre. Kaito n'était pas vraiment son frère. C'est lui qui l'avait initié à l'escalade lorsqu'il était animateur dans un centre pour enfants en difficultés alors qu'elle était ado. Il avait eu un accident lors du franchissement d'une paroi et avait perdu l'usage des jambes. Depuis, ils s'étaient retrouvés et vivaient ensemble dans cet appartement minable du quartier de la Toussaint qu'elle ne supportait plus.
Ce mois-ci, c'était la cata. La facture de soins de Kaito balayait tout le reste et il ne leur restait pour vivre qu'un sac de riz piqué dans un camion de livraison et des paquets de porc séché tombés du même camion...
L'urgence de gagner quelque chose prévalait sur tout et c'est pourquoi Gwen avait décidé ce soir-là d'aller "travailler", comme elle expliquait à Kaito. En guise de boulot, elle arpentait les rues des quartiers aisés à la recherche de la faille qui lui permettrait d'entrer chez quelqu'un en toute illégalité. Elle avait passé un fuseau noir qui descendait à mi-mollet, ses vieilles asics et par dessus une brassière qui comprimait sa poitrine, un sweat gris à capuche. Si elle attirait l'attention de la police, elle pouvait toujours dire qu'elle faisait son sport. Valable!
Mais en attendant, elle était appuyée contre un arbre et observait, derrière ses mèches blondes, la baie vitrée ouverte d'un appartement au cinquième et dernier étage d'une résidence luxueuse. Il était tard, très tard et aucune lumière ne filtrait d'aucun logement. Le topo était simple: franchir le mur d'enceinte, traverser le jardin, utiliser la gouttière pour monter jusqu'en haut et le tour était jouer. Grimpeuse confirmée, ce plan était pour Gwen aussi simple que de monter un escalier.
Un coup d'œil à gauche, un autre à droite, et la jolie blonde prenait son élan pour s'élancer contre le mur, y prendre appui d'un pied et se propulser par dessus pour retomber souplement dans l'herbe tendre de l'autre côté. La jeune voleuse était aux aguets. Rien. Quelques bonds plus loin, elle s'agrippait à la gouttière et se hissa facilement jusqu'à sa cible: le balcon de la baie vitrée. Simple comme bonjour! Elle y resta accroupie un long moment à guetter bruits et mouvements en provenance de l'appartement d'où rien ne filtrait. Prudemment elle se glissa dans l'encadrement de la baie et entra dans un salon de belle taille. Il y faisait sombre et elle ne perdit pas de temps à ouvrir tiroirs, meubles, trucs et machins. Elle empilait dans son sac tout ce qui attirait l'attention: une jolie montre, un bracelet, une autre montre, un bibelot, bref, le genre de choses brillantes et potentiellement revendables et ... oh ... cette jolie médaille dorée en vitrine. pas le temps de voir ce dont il s'agit mais comme le reste, elle rejoint le fond du sac avant que ...
Un réflexe de panthère, l'instinct de survie aidant, elle fléchit des jambes et se jette de côté pour éviter ... un truc énorme, le titan de garde de la baraque peut être! 'TAIN!!! Elle s'est faite gaulée! Gwen se rétablit à un mètre de là et bondit par dessus un canapé pour éviter une nouvelle charge de la chose. Du canapé, elle saute sur un buffet qu'elle franchit en équilibriste pour enfin rebondir et s'accrocher à un lustre, ce qui lui permet de passer par dessus Hercule en gainant des abdos et de retomber entre son agresseur et le balcon. Elle s'y précipite et ... saute dans le vide! Pas pour mourir connement, mais pour se rattraper au balcon de l'étage inférieur, d'une main, l'autre tenant son trésor. Elle a de la chance, elle a sentit des doigts la frôler. Pendue par sa seule force, elle regarde en haut pour apercevoir une crinière blonde penchée sur elle. Elle distingue des traits ... féminins? Pas possible ... Se renfrognant dans sa capuche, elle lâche à nouveau la rambarde pour se rattraper à celle d'en dessous, et ce jusqu'au premier étage. N'y voyant rien, elle lâche sa dernière prise et tombe en jappant dans un buisson épineux dont elle sort toute griffée. Son visage n'y a pas échappé. Elle traverse le jardin en trombe et franchit le mur sans s'en rendre compte avant de détaler dans la rue et se perdre dans l'obscurité d'un parc tout proche.
Merde Gwen, c'était moins une!